À cause du retard du programme Ariane 6, c’est SpaceX qui a assuré l’envoi de deux satellites Galileo. Un autre envoi est prévu durant l’été 2024. Ensuite, la fusée européenne devrait enfin prendre le relai.

C’est une date qui restera dans les mémoires comme un échec de l’Europe spatiale. Samedi 27 avril 2024, ce n’est pas une fusée européenne qui s’est élancée avec à son bord deux satellites Galileo, mais bien un lanceur américain. C’est une première dans l’histoire de ce programme, pourtant construit pour donner au Vieux Continent une indépendance face au GPS et aux États-Unis.

Comme l’avait annoncé sur X (ex-Twitter) le compte officiel de SpaceX, un vol était programmé ce jour en Floride pour la fusée Falcon 9. Une mission qu’il était possible de suivre en direct et qui a été couronnée de succès. 2 satellites ont été déployés. Ils viendront étoffer une constellation qui en compte 23 opérationnels sur les 28 lancés.

KPLO SpaceX Falcon 9
Une fusée Falcon 9 au lancement. // Source : SpaceX

Sur les réseaux sociaux, le bon déploiement des satellites Galileo a été salué par Thierry Breton, commissaire européen en charge de la politique industrielle et de l’espace. Cependant, l’intéressé n’a pas évoqué le rôle de SpaceX. Une absence qui a été remarquée par plusieurs internautes, qui n’ont pas manqué de le souligner en réponse à son message.

Les circonstances de ce vol sont identifiées depuis longtemps : l’Europe se trouve actuellement dépourvue d’une fusée qui lui permettrait de satelliser d’autres exemplaires de Galileo. Le Soyouz russe est hors-jeu en raison de la guerre en Ukraine ; le lanceur léger Vega a des difficultés ; Ariane 5 est à la retraite et Ariane 6 est en retard.

Par conséquence, c’est de l’autre côté de l’Atlantique que l’alternative est venue. Cette aide ponctuelle se reproduira un peu plus tard dans l’année, avec un nouvel envoi de deux satellites Galileo en juillet 2024. Ensuite, la souveraineté européenne en matière d’accès à l’espace devrait être rétablie, avec les débuts opérationnels d’Ariane 6.

L’aveuglement européen sur SpaceX

Comme un cruel rappel de l’histoire, c’est aussi lors de ce week-end de mission qu’une ancienne vidéo a été exhumée. Dans celle-ci, on entend une prise de parole — aujourd’hui désastreuse au regard de la tournure des évènements — de Richard Bowles, alors responsable commercial d’Arianespace, qui ne voyait absolument pas SpaceX comme une vraie menace.

Nous sommes alors en 2013. À ce moment-là, SpaceX n’a qu’une poignée de lancements réussis à son actif : on parle d’un total de 7 vols, pour 6 succès, et une succession d’échecs ou de renoncements dans le retour du booster. Des premiers pas assurément modestes, qui n’alarment pas du tout Richard Bowles.

L’intéressé, non sans un certain dédain, a suggéré à l’époque que la société d’Elon Musk, qui avait à peine une dizaine d’années d’existence, vendait de la poudre aux yeux. Qu’il ne valait mieux ne pas en tenir compte. Et, que la perspective de réussir des dizaines de vols par an appartenait au domaine de l’irréalisable.

Dix ans après cette séquence, le retour de bâton est violent. L’entreprise a montré qu’elle pouvait boucler trois tirs de fusée en 24 heures, depuis trois sites de lancement. Qu’il lui était possible d’utiliser un même corps de fusée vingt fois de suite et de récupérer à un rythme industriel ses lanceurs, grâce à une procédure automatique de rentrée sur Terre.

La situation d’Arianespace accentue ce contraste terrible : aucune fusée ne sera disponible avant l’été 2024. La dernière fois qu’une fusée Ariane 5 a volé, c’était le 5 juillet 2023. Pour Vega, c’était le 9 octobre 2023. SpaceX, de son côté, a fait partir 68 fusées Falcon 9 depuis cette dernière date. Et accessoirement, deux lanceurs Falcon Heavy.

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