On a déjà beaucoup lu dans la presse sur l’affaire des « fadettes ». Encore aujourd’hui, Libération révèle que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’est faite communiquer en 2008 les factures téléphoniques détaillées de Nicolas Beau, le directeur du journal satirique Bakchich. Libération indique que la demande s’est faite « dans le cadre d’une enquête préliminaire« , mais en s’affranchissant « de la réglementation qui prévoit un contrôle strict des interceptions par un magistrat du parquet ou du siège« .
L’affaire des fadettes avait éclaté en septembre, lorsqu’il est apparu que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) avait obtenu les factures détaillées de David Sénat, l’ancien membre du cabinet de Michel Alliot-Marie soupçonné d’avoir été une source du Monde dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Elle avait rebondi lorsque Mediapart a révélé que le procureur de Nanterre Philippe Courroye avait également obtenu les fadettes de deux journalistes soupçonnés d’être alimentés par sa rivale Isabelle Prévost-Deprez.
Dans le premier cas, s’agissant d’une enquête de nature administrative, le service rattaché au gouvernement aurait dû solliciter l’accord de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), ce qui n’a pas été fait. Dans le second cas, le procureur Courroye agissait dans le cadre d’une enquête judiciaire, ce qui lui donnait en principe la possibilité d’ordonner la communication des fadettes. Sauf que s’agissant de journalistes il avait l’obligation de recueillir leur autorisation préalable, ce qui n’a pas été fait non plus.
Pour justifier l’accès aux fadettes par la DCRI, le gouvernement avait brandi de manière grotesque l’article 20 de la loi de 1991 sur le secret des correspondances électroniques, qui dispose que les pouvoirs publics peuvent se dispenser de l’accord de la CNCIS « aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne« . En aucun cas cet article, qui concerne exclusivement l’interception de communications « dans les airs », n’autorise un service administratif à demander aux opérateurs la liste des communications d’un client. En aucun cas il n’oblige l’opérateur concerné à les communiquer.
Or c’est bien la question posée par cette affaire des fadettes. Les opérateurs téléphoniques qui transmettent sans vérification de légalité certaines factures détaillées qui leur sont demandées n’ont jamais été mis en cause, notamment par les journalistes victimes des contrôles abusifs.
S’il est compréhensible que dans le cas de la procédure suivie par Courroye, les opérateurs n’ont pas à vérifier si leur client est journaliste (ils pourraient prévoir une déclaration), le cas de la DCRI pose davantage question. Comment ont-ils pu accepter de transmettre les factures détaillées aux services de renseignement en dehors du cadre juridique imposé par la loi ?
Soit les opérateurs sont complices de la violation de la loi, et de la protection des données personnelles de leurs clients. Soit la DCRI a pu utiliser des moyens détournés pour accéder aux fadettes sans en référer aux opérateurs. Il serait utile que la lumière soit faite.
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