C’est un grand classique des films de science-fiction : des vaisseaux spatiaux qui voyagent à la vitesse de la lumière mais aussi, parfois, plus vite encore que la lumière. Souvent, ces vaisseaux fictifs fonctionnent grâce à un « moteur à distorsion » (wrap drive en anglais).
Hypothétiquement, ces moteurs permettraient de résoudre le fait qu’il est difficile d’atteindre 300 000 kilomètres par seconde — la vitesse de la lumière –, et qu’il est impossible de la dépasser (vitesse dite supraluminique). L’idée est basée sur la métrique d’Alcubierre. Cette propulsion permettrait de distordre l’espace-temps pour créer une sorte de raccourci. L’objet (vaisseau) se situant au centre de cette distorsion ne voyagerait techniquement pas à vitesse supraluminique, puisqu’il prendrait un raccourci dans l’espace-temps ; mais d’un point de vue extérieur, il transiterait bel et bien d’un point A à un point B plus vite que s’il avait voyagé à la vitesse de la lumière.
Aucun moteur à distorsion n’existe. Le concept n’appartient pas à une physique compatible avec ce que l’on maîtrise aujourd’hui. Toutefois, les physiciens ne désespèrent pas. Et une étude parue en avril 2024 a cherché un modèle compatible avec les lois de la physique. « En présentant un modèle unique en son genre, nous avons montré que les moteurs à distorsion pourraient ne pas être relégués à la science-fiction », affirme Jared Fuchs, le coauteur.
Plus besoin de « matière exotique » pour un moteur à distorsion ?
Son modèle repose sur la création d’un champ gravitationnel surpuissant, dans lequel l’objet transporté — le vaisseau — serait plongé. Celui-ci serait ainsi comme dans une bulle. Et surtout : sur le papier, cela n’impliquerait que de la matière ordinaire. C’est tout sauf un détail.
Dans le concept traditionnel de la métrique d’Alcubierre, une telle propulsion a besoin de « matière exotique » pour fonctionner. Cette matière, constituée de particules différentes que la matière ordinaire, est une pure hypothèse, qui pourrait justifier par exemple la matière noire. Mais, encore une fois, elle est une hypothèse (non encore directement observée). C’est bien entendu un obstacle pour voir advenir, un jour, un véritable moteur à distorsion.
C’est donc là que cette étude est intéressante : le modèle proposé n’a pas besoin de cette matière exotique hypothétique. « Bien qu’un tel concept nécessiterait encore une quantité considérable d’énergie, il démontre que les effets de distorsion peuvent être obtenus sans formes exotiques de matière », indique ainsi Christopher Helmerich, co-auteur de l’étude.
La limite de ce modèle est qu’il ne peut pas dépasser la vitesse de la lumière. Dans l’idée, il ne s’agirait donc pas d’un potentiel moteur à distorsion supraluminique ; mais d’un moteur à distorsion subluminique — limité par la vitesse de la lumière. Ce qui resterait, en soi, un exploit relevant, de nos jours, de la pure science-fiction.
« Bien que nous ne soyons pas encore prêts pour les voyages interstellaires, cette réussite ouvre une nouvelle ère de possibilités », ajoute Gianni Martire, PDG d’Applied Physics, le laboratoire qui encadre cette étude. Selon lui, l’humanité pourrait bien entrer un jour dans « l’ère de la distorsion ». Malgré tout, ces avancées restent encore sur le papier, et dans le domaine de la théorie. Mais des scientifiques cherchent à repousser les limites de la physique dans leurs retranchements, pour trouver des solutions même théoriques.
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