Traditionnellement consommées dans la cuisine asiatique notamment japonaise — makis, temakis et autre soupe miso — et utilisées dans la gastronomie française à travers différentes préparations culinaires et condiments, les algues marines se sont tranquillement installées dans nos usages alimentaires et dans nos épiceries.
Si elles séduisent par leur saveur iodée, elles sont aussi souvent louées pour leur richesse en vitamines, en sels minéraux et en oligo-éléments… à tel point qu’elles sont parfois désignées sous le terme marketing de « super-aliment » — entendre par là qu’elles seraient particulièrement bénéfiques pour la santé, ce qui leur vaut d’être désormais présentes, sous forme de compléments alimentaires, dans les rayons des parapharmacies physiques ou en ligne.
Mais kombu, nori, dulse et autre wakame sont-ils vraiment utiles voire nécessaires à notre équilibre nutritionnel ? Et surtout, peut-on les consommer sans risque ? À y regarder de plus près, rien n’est moins sûr, et nous aurions surtout intérêt à viser la modération.
Consommer des algues n’est ni nécessaire ni forcément bénéfique
Les aliments supposés « miracles » et compléments alimentaires dérivés nous sont vendus comme des must-have, indispensables à notre santé, permettant d’éviter des carences nutritionnelles et de garder ou retrouver la forme. Les algues ne dérogent pas à la règle et elles sont vantées pour leur richesse en protéines, en fibres, en potassium, en magnésium ainsi qu’en iode et en vitamine B12… autant de nutriments dont les apports sont normalement assurés par une alimentation équilibrée.
« Il n’y a aucun bénéfice particulier à consommer des algues parce que les algues n’apportent aucun nutriment qu’on ne pourrait trouver ailleurs. Il est tout fait possible de couvrir ses besoins notamment en iode sans passer par les algues et on ne saurait les considérer comme un aliment de base indispensable. Il ne s’agit en aucun cas d’aliments miracles », expose Aymeric Dopter, chef de l’Unité d’évaluation des risques liés à la nutrition de l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses).
En outre, comme le remarque Sohan Tricoire, diététicien·ne, lorsque l’on mange des algues, il s’agit généralement de toutes petites quantités (et nous verrons plus loin pourquoi la modération s’impose) : « Elles ne contribuent donc que de manière très marginale aux apports en protéines, vitamines, acides gras, fibres et autres nutriments » signale t-iel.
Spécialiste des problématiques nutritionnelles propres aux personnes ayant adopté une alimentation végétarienne ou végétalienne, iel invite à prendre une certaine distance vis-à-vis des promesses relatives à la teneur en vitamine B12, qui peut faire défaut aux personnes ne consommant pas ou peu d’aliments d’origine animale : « Certaines algues sont parfois présentées comme une source de vitamine B12 intéressante qui serait suffisante pour couvrir les besoins des personnes végétariennes et végétaliennes. Ce n’est pas le cas : en l’état actuel de nos connaissances, les algues ne peuvent pas être considérées comme une source fiable de vitamine B12, notamment car elles contiennent des quantités très faibles de vitamine B12 active. »
Autre nutriment présent dans les algues et qui pourrait faire défaut aux personnes végétariennes et végétaliennes puisqu’elle se retrouve essentiellement dans la chair de poissons marins, les mollusques et les crustacés ainsi que le jaune d’œuf et le lait : l’iode. « Chez ces personnes-là, la consommation d’algues marines peut apporter des quantités non négligeables d’iode, un minéral indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes dont les apports peuvent être insuffisants dans le cadre d’une alimentation à dominante végétale. Surtout si ces personnes ne consomment pas de poisson ou d’autres produits de la mer, et peu ou pas d’œufs et de produits laitiers » explique Sohan Tricoire.
Attention aux excès d’iode
Mais si cet iode peut être bénéfique pour cette catégorie spécifique de mangeurs et de mangeuses, il peut aussi s’avérer délétère dès lors qu’il est consommé en excès que ce soit par une alimentation qui fait un peu trop la part belle aux algues ou par l’usage, sans carence avérée, de compléments alimentaires qui en contiennent.
En cause : l’action de cet oligo-élément sur la thyroïde, une glande située à la base du cou qui produit deux hormones (la triiodothyronine, T3, et la thyroxine, T4) qui agissent sur le métabolisme de l’organisme et participent notamment à la régulation de la température corporelle, du poids corporel, de la force musculaire, de l’appétit, de la respiration, de la croissance, du système reproducteur ainsi que des fonctions cardiaques, cérébrales et rénales.
« Des apports trop importants en iode peuvent provoquer des troubles du fonctionnement de la thyroïde. Selon les individus, ils peuvent conduire soit à des hyperthyroïdies soit, au contraire, à des hypothyroïdies. Dans un cas comme dans l’autre, cela entraîne des troubles métaboliques, notamment au niveau de la thermorégulation », explique Aymeric Dopter. L’hyperthyroïdie provoquera notamment une accélération du rythme cardiaque, des bouffées de chaleur, une anxiété, des tremblements, des insomnies, une fatigue, une faiblesse musculaire ou encore une perte de poids.
Quant à l’hypothyroïdie, elle induira une fatigue chronique, une prise de poids, une sensibilité accrue au froid, un ralentissement du rythme cardiaque ou bien encore des crampes et des symptômes de dépression. Le spécialiste de l’Anses souligne qu’outre ces effets liés à une consommation excessive d’algues dans la durée, il peut également exister des « intoxications aigües en iode qui se manifestent par une diarrhée, des céphalées, et de manière plus rare, des manifestations cutanées et des troubles cardiaques ».
Si l’Anses estime que les adultes ne doivent pas dépasser la valeur limite de 600 microgrammes par jour et que la réglementation française a fixé la dose journalière maximale d’iode à 150 microgrammes dans les compléments alimentaires, il est toutefois bien difficile d’évaluer sa propre consommation d’iode car, comme le signale Aymeric Dopter : « Selon le type d’algues et y compris au sein d’une même espèce, il peut avoir des concentrations d’iode très différentes. À cette variabilité s’ajoute le fait que les traitements thermiques (cuisson, ébullition, appertisation…) réduisent la concentration d’iode dans les algues. »
Pas la peine de sortir vos calculettes donc. À titre d’exemple, le kombu royal que l’on retrouve dans le dashi japonais peut contenir entre 36 et 6396 microgrammes d’iode pour un gramme quand le nori contient lui entre 5 et 215 microgrammes pour un gramme.
Comment consommer des algues ?
Alors comment consommer (ou non) des algues de manière raisonnable ? La première chose à faire est d’abord de ne pas se laisser séduire par les compléments alimentaires qui en contiennent. « Prendre un complément alimentaire n’est jamais quelque chose d’anodin », rappelle Sohan Tricoire. « Cela devrait systématiquement être soumis à l’avis d’un médecin. Il peut également être judicieux de prendre l’avis d’un ou une diététicienne pour évaluer son équilibre nutritionnel et vérifier s’il y a des choses qui peuvent être optimisées. »
Ensuite si, comme l’explique Aymeric Dopter « il ne s’agit pas aujourd’hui de tirer la sonnette d’alarme en empêchant les gens d’aller au restaurant japonais ou d’acheter des produits à base d’algues », il est préférable d’inciter « les consommateurs à ne pas multiplier les sources d’apport en iode et de modérer leur consommation d’algues ». Sohan Tricoire invite ainsi à réserver les algues « à des consommations très ponctuelles, pour le plaisir d’avoir des saveurs originales et différentes dans son alimentation mais à ne pas en faire une consommation régulière et/ou trop importante ». Exit donc les paillettes d’algues et autres salades du pêcheur saupoudrées sur tous les plats.
Enfin, certaines catégories de personnes devraient s’abstenir de consommer des algues. Aymeric Dopter précise : « On peut recommander à certaines populations de ne pas consommer d’algues : les personnes qui ont des troubles thyroïdiens (hyperthyroïdie et hypothyroïdie), les femmes enceintes et allaitantes. La prudence est également de mise pour les enfants : il y a aujourd’hui trop peu d’études pour évaluer les risques les concernant. »
Une dernière chose doit appeler à la modération et à la vigilance et notamment en privilégiant les algues provenant de circuits réglementés : la possible porte concentration des algues en cadmium : « Il s’agit non pas d’un nutriment mais bien d’un contaminant. C’est un poison, reconnu comme cancérigène, mutagène et toxique pour la reproduction, qui provoque des atteintes rénales et osseuses », alerte Aymeric Dopter renvoyant à l’avis de l’Anses de juillet 2020 à ce sujet.
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