La scène est saisissante. On voit un morceau de fusée tomber sur Terre comme une pierre, tandis qu’une inquiétante fumée orange s’échappe des moteurs. La séquence, très courte, se termine par l’impact du débris au sol, caché derrière les arbres, mais dont le bruit est audible. Au sol, des gens s’enfuient en courant de la zone du crash.
C’est en Chine que cet accident s’est produit, au cours du week-end du 22 et 23 juin. À l’origine de cette catastrophe, le décollage le 22 juin d’une fusée Longue Marche 2C depuis la base de lancement de Xichang, dans le Sichuan (sud-ouest du pays). Sa mission ? Mettre en orbite basse un satellite franco-chinois, SVOM.
Cette partie-là du vol s’est bien passée. SVOM (acronyme de Space-based Multi-band Variable astronomical Objects Monitor) a été correctement placé dans l’espace, s’est félicité le CEA, l’un des partenaires de la mission. SVOM opérera pendant trois ans pour étudier les sursauts gamma, qui sont les phénomènes les plus énergétiques de l’Univers.
En revanche, ce sont les conséquences de la mission qui pourraient causer de l’embarras pour Pékin comme pour ses partenaires. En tout cas, la chute du premier étage de la fusée Longue Marche 2 (qui en compte deux) montre une facette moins glorieuse de la conquête spatiale chinoise, avec un lanceur qui termine sa course dans une zone habitée.
À ce stade, on ignore si des victimes de cette retombée ont été recensées. Cette vidéo a été partagée au cours du week-end sur le réseau social chinois Sina Weibo, avant de circuler sur les plateformes occidentales, comme X (ex-Twitter).
Selon le site spécialisé SpaceNews, l’incident s’est déroulé dans la province de Guizhou (au sud-est du Sichuan), dans le district de Guiding (préfecture de Qiandongnan). 230 000 personnes vivent ici, selon des chiffres de 2010. Les environs laissent toutefois penser que la zone est plutôt rurale et moins densément peuplée.
Un risque sanitaire et environnemental
Outre la question des dégâts matériels directs et des victimes, une autre problématique s’est ouverte : la présence de résidus toxiques qui pourraient polluer les alentours. En particulier, la fumée orange qui fuit du lanceur est une caractéristique d’une combustion impliquant de l’UDMH et du peroxyde d’azote.
L’UDMH (ou diméthylhydrazine asymétrique) est tout à la fois mortel par ingestion, contacté cutané ou inhalation, irritant pour les yeux, cancérigène, susceptible de provoquer des anomalies génétiques, très inflammable, et hautement nuisible pour le foie et les reins en cas d’expositions répétées ou contact prolongé.
Par ailleurs, l’UDMH est potentiellement néfaste pour la nature. « Cette substance peut être dangereuse pour l’environnement. Une attention particulière doit être accordée aux poissons », indiquait l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), bien que « les effets de cette substance sur l’environnement n’ont pas été étudiés de manière adéquate. »
Quant au peroxyde d’azote, il est mortel par inhalation, explosif sous l’effet de la chaleur, gravement nuisible pour les poumons, mais aussi pour la peau (brûlures) et les yeux (lésions oculaires). Il peut aussi provoquer un départ de feu ou bien aggraver un incendie. En revanche, sur l’environnement, ce composé chimique n’a pas d’incidence particulière.
Les fusées Longue Marche 2 sont en service depuis 1974, avec plusieurs versions. La variante 2C a débuté sa carrière opérationnelle en 1982. On dénombre 78 tirs, dont 2 échecs en 2011 et 2024. L’incident survenu en juin 2024 ne constitue pas un raté, la fusée ayant pu quitter son pas de tir et délivrer sa charge utile dans l’espace.
Ce n’est pas la première fois que des fragments spatiaux finissent leur course sur Terre. En 2018, un débris était retrouvé au large du Finistère. En 2022, un autre débris avait été retrouvé en Australie. Au printemps 2024, il y a également eu une petite pièce provenant de la Station spatiale internationale retrouvée en Floride.
La Chine apparait toutefois manquer de maîtrise dans ce domaine, là où les incidents apparaissent relativement isolés ailleurs. Assez régulièrement, on a vent de retombées mal contrôlées, impliquant parfois des fragments très lourds, de l’ordre de plusieurs tonnes. Par le passé, un booster est déjà tombé près d’une maison
L’incident fin juin montre que ces difficultés ne sont pas encore surmontées.
(retrait d’un tweet qui amalgamait un autre évènement avec la chute de la fusée survenue ce week-end)
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