Dans le pays fantastique de Westeros, imaginé par George R.R. Martin et porté à l’écran dans Game of Thrones et House of the Dragon, le spectacle des dragons crachant du feu captive le public grâce à un savant mélange de mythes et de fantastique. Pour moi en tout cas, j’y vois également aussi une curiosité scientifique.
Les images de dragons déchaînant des torrents de flammes dans la nouvelle saison de House of the Dragon m’ont fait réfléchir : si les dragons existaient, quels mécanismes biologiques et quelles réactions chimiques pourraient-ils utiliser dans le monde réel ?
Mais d’abord, un rappel de chimie. Pour allumer et entretenir une flamme, nous avons besoin de trois composants : un combustible, un agent oxydant dit aussi comburant — généralement l’oxygène de l’air — et une source de chaleur pour initier et entretenir la combustion.
Commençons par le combustible. Le méthane pourrait être un candidat. Les animaux en produisent lors de la digestion. Les images de Westeros montrent que les dragons mangent volontiers des moutons. Cependant, nos dragons alimentés au méthane devraient avoir un régime alimentaire et un système digestif plus proche de celui d’une vache pour produire suffisamment de gaz pour brûler une ville.
Le stockage de quantités suffisantes de méthane pose également un problème. Une bouteille de méthane typique peut être conçue pour une pression de 150 atmosphères, alors que même un intestin gonflé ne peut tolérer qu’un peu plus d’une atmosphère. Il n’existe donc aucune base biologique permettant aux animaux terrestres de stocker des gaz à haute pression.
Une meilleure solution serait alors un liquide. L’éthanol pourrait être une option. Peut-être nos dragons ont-ils une cuve de levure en fermentation dans leurs entrailles, ou pourraient-ils avoir un système métabolique similaire à celui du poisson Cyprinodon diabolis, qui vit dans les sources d’eau chaude du Nevada, aux États-Unis. Dans des conditions de faible teneur en oxygène, ces poissons adoptent une forme de respiration qui produit de l’éthanol.
Cependant, le stockage est une fois de plus un problème. L’éthanol traverse rapidement les membranes biologiques, et le conserver à des concentrations élevées et prêt à être déployé au signal « dracarys » (qui se traduit par « feu de dragon » dans la langue fictive du haut valyrien) nécessiterait une biologie d’un autre monde.
Donc, si nous nous en tenons à des explications ayant au moins un pied dans la biologie du monde réel, mon option préférée est quelque chose plus semblable à de l’huile. Comme le savent tous ceux qui ont accidentellement mis le feu à une poêle à frire, cette dernière peut être à l’origine de flammes redoutables. Il existe une base biologique pour cela chez les fulmars.
Ces oiseaux des régions polaires produisent une huile gastrique riche en énergie qu’ils régurgitent pour nourrir leurs oisillons. Cette huile a également un effet dissuasif. Lorsqu’il est menacé, le fulmar vomit cette huile collante et nauséabonde sur ses prédateurs. Heureusement, ces oiseaux n’ont pas encore trouvé le moyen d’enflammer leur huile.
Alimenter le feu
Maintenant que nous disposons d’une source de combustible, intéressons-nous au comburant. Comme pour la plupart des incendies, il s’agira probablement d’oxygène. Cependant, il faudra plus que l’oxygène dans l’air ambiant pour générer un jet d’huile enflammée sous pression suffisamment chaud pour faire fondre un trône de fer. L’oxygène doit être bien mélangé au combustible. Plus l’oxygène est abondant, plus la flamme est chaude.
Un dragon pourrait s’inspirer de la chimie utilisée par les coléoptères bombardiers. Cet insecte a développé des réservoirs adaptés au stockage du peroxyde d’hydrogène (le produit utilisé pour décolorer les cheveux). Lorsqu’il est menacé, le coléoptère pousse le peroxyde d’hydrogène dans un vestibule contenant des enzymes qui le décomposent rapidement en eau et en oxygène.
Il s’agit d’une réaction exothermique, qui transfère de l’énergie à l’environnement et, dans ce cas, augmente la température du mélange jusqu’au point d’ébullition. La réaction est si agressive qu’elle est parfois utilisée pour propulser des fusées. L’augmentation de la pression causée par la production rapide d’oxygène et l’ébullition de l’eau force le mélange nocif à sortir d’un évent dans l’abdomen du coléoptère et à se diriger vers sa proie ou son prédateur.
Si elle est utilisée par un dragon, cette réaction présente quelques caractéristiques intéressantes. Elle créerait la haute pression nécessaire pour alimenter le jet de carburant, la réaction exothermique chaufferait l’huile, ce qui la rendrait plus apte à la combustion, et surtout, elle générerait de l’oxygène qui alimenterait la réaction de combustion.
Tout ce dont le dragon a besoin, c’est d’une sorte d’équivalent biologique à un carburateur de moteur à essence pour mélanger l’huile à l’oxygène et créer un mélange explosif. En prime, le mélange en éruption formerait probablement un fin brouillard de gouttelettes d’huile, comme un aérosol, qui s’enflammerait d’autant mieux.
Il suffira d’une étincelle
Enfin, nous avons besoin d’une étincelle pour enflammer le mélange. Pour cela, je suggérerais que les dragons ont développé un organe électrique similaire à celui que l’on trouve chez de nombreux poissons, en particulier les anguilles électriques.
Ces organes peuvent générer de brèves impulsions allant jusqu’à 600 volts, ce qui suffit à créer une étincelle dans l’air. Si ces étincelles se forment sur les conduits situés à l’arrière de la bouche d’un dragon, elles peuvent enflammer le jet à haute pression d’huile et d’oxygène.
Même si nous ne verrons jamais un dragon déchaîner des torrents de flammes en dehors du domaine de la fiction, il est intéressant de réfléchir à la science qui se cache derrière la fantasy. Alors, la prochaine fois que vous verrez un Targaryen commander des « dracarys », pensez à la biologie qui se cache derrière ce brasier magique.
Mark Lorch, Professor of Science Communication and Chemistry, University of Hull
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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