Loin de toute lumière, dans les abysses de l’océan Pacifique, se cache un « oxygène noir » (ou « sombre »). Les scientifiques qui l’ont découvert ont révélé de quelle façon étrange il est produit.

Une découverte étonnante vient d’être faite dans les profondeurs abyssales des océans. Une équipe de scientifiques a identifié un « oxygène noir » qui les a grandement surpris. Cet oxygène n’est pas produit par des êtres vivants, comme on pourrait spontanément le penser, mais par des sortes de « galets » tapissant le fond des océans.

L’oxygène sombre est produit à 4 000 m sous la surface de l’océan Pacifique

Les auteurs ont relaté leur découverte dans la revue scientifique Nature Geoscience le lundi 22 juillet 2024. L’équipe de chercheurs est menée par Andrew Sweetman, spécialiste de l’écologie des fonds marins et membre de la Scottish Association for Marine Science (SAMS). « Nous avons découvert que de l’oxygène est produit dans l’obscurité totale au fond de l’océan Pacifique », explique le scientifique dans une vidéo de la SAMS.

Cet oxygène sombre remet en question le consensus scientifique actuel sur la manière dont l’oxygène est produit. « Jusqu’à présent, nous pensions que les grands fonds étaient un puits d’oxygène et que tout l’oxygène disponible dans les grands fonds provenait de la photosynthèse dans la partie supérieure de l’océan et sur la terre ferme. Ce que nous montrons maintenant, c’est que les grands fonds sont capables de produire leur propre oxygène », complète Andrew Sweetman dans la vidéo. Cet oxygène noir, ou sombre, est produit à 4 000 mètres sous la surface de l’océan, loin de toute lumière.

Des « galets » de la taille d’une pomme de terre chargés électriquement

C’est lors d’une expérience menée à bord d’un navire que les scientifiques ont trouvé cet oxygène noir. Ils procédaient alors à un échantillonnage des fonds marins dans la Zone de fracture de Clipperton, une vaste déformation étendue sur 5 000 km dans l’océan Pacifique. La zone est très intéressante, car sa surface regorge de nodules polymétalliques, des sortes de « galets » minéraux de la taille de pommes de terre. Ces nodules sont des sources de cuivre, nickel, cobalt, fer ou manganèse, des métaux très utilisés (par exemple dans la fabrication de batteries rechargeables).

Nodules polymétalliques. // Source : Wikimedia/CC/Geomar Bilddatenbank (photo recadrée)
Nodules polymétalliques dans la Zone de fracture de Clipperton. // Source : Wikimedia/CC/Geomar Bilddatenbank (photo recadrée)

Définition

L’électrolyse est un processus de décomposition chimique sous l’effet d’un courant électrique.

Durant l’échantillonnage, les scientifiques ont découvert que les nodules étaient chargés électriquement, avec une charge plutôt élevée (jusqu’à 0,95 V ont été enregistrés à la surface de certains nodules). « Compte tenu des potentiels de tension élevés à la surface des nodules, nous émettons l’hypothèse que l’électrolyse de l’eau de mer peut contribuer à cette production d’oxygène dans l’obscurité », peut-on lire dans Nature Geoscience.

Autrement dit, quand les nodules sont groupés, ils peuvent produire suffisamment d’électricité pour déclencher le phénomène d’électrolyse d’eau de mer. L’eau de mer est séparée en hydrogène et en oxygène, formant le fameux « oxygène sombre ».

Un lien avec l’origine de la vie sur Terre ?

La portée de la découverte pourrait être vaste. Selon la SAMS, il faudrait peut-être repenser nos connaissances sur l’origine de la vie sur Terre à l’aune de cette étude. On pense que ce sont les cyanobactéries qui ont été, il y a 2,4 milliards d’années, les premières à réaliser le processus de la photosynthèse. Cela aurait libéré de l’oxygène en grande quantité et favorisé l’apparition d’une forme de vie plus complexe.

Mais, s’il existe une autre source capable de créer de l’oxygène, peut-être serait-il temps de revoir ce scénario. L’équipe de scientifiques en appelle à mener d’autres études sur la production de l’oxygène sombre dans les fonds marins, afin de comprendre si ce phénomène pourrait avoir une relation avec « l’oxygénation de la Terre ».

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