En Egypte, avant que le régime d’Hosni Moubarak ne décide de couper totalement l’accès à Internet dans tout le pays, l’une des premières réactions avait été de demander à ceux qui avaient encore accès au net d’ouvrir leurs routeurs WiFi. Les manifestants dont l’accès à l’internet mobile avait été coupé pouvaient alors continuer à publier des messages et à envoyer des photos et des vidéos en profitant des accès ouverts par les habitants. Cette initiative et la coupure généralisée du net a donné tout son sens à la décision du Conseil constitutionnel qui, pour censurer la première loi Hadopi, avait sacralisé l’intérêt d’Internet pour la liberté d’expression :
Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : » La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services ;
(…) la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
En somme, partager son accès à Internet est un acte citoyen qui participe à la liberté d’expression et de communication. En incitant les administrés à couper l’accès à leur Wifi et à redouter leurs voisins, l’Hadopi va contre l’exercice de cette liberté, dont l’exemple égyptien met en exergue l’importance démocratique.
Mais ça n’est pas le sentiment du Figaro. Dans une « question du jour » repérée par Yoann Ferret (de Freenews), l’édition papier du Figaro déconseille fortement à ses lecteurs de partager leur accès Wi-Fi avec leur voisin. « Sympathique, mais risqué !« , commence le journal, qui prévient que c’est interdit par les contrats d’abonnement des FAI. « Vous vous exposez alors à des mesures de rétorsion de la part de votre fournisseur d’accès. Pire : vous pouvez être assimilé, aux yeux de la loi, à un fournisseur d’accès à Internet, et donc être soumis aux mêmes responsabilités« , assure-t-il. Il s’agit d’un risque extrêmement théorique, et à tout le moins contestable. Mais le quotidien rappelle par ailleurs les termes de la loi Hadopi, qui oblige à veiller à ne pas permettre le piratage d’œuvres via son accès à Internet. « Si votre voisin fréquente des sites illégaux d’échange et de partage de fichiers, c’est votre responsabilité pénale qui est engagée« , écrit Le Figaro.
Dans un pur style albanien, le journal conclut que « la solution la plus pratique et la plus légale » (sic) pour les voisins « consiste à se connecter à une borne Wi-Fi publique« , ou à se connecter à la box avec ses propres identifiants du même opérateur. On leur dira.
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