Et si pour percer les mystères de l’infiniment petit, il fallait s’intéresser à l’infiniment grand ? L’idée n’est pas aussi étrange qu’on pourrait spontanément le croire. De cela, il n’est en tout cas pas nécessaire de convaincre la scientifique Nathalie Besson, chercheuse en physique des particules au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). Elle se passionne aussi pour les ondes gravitationnelles, et s’est même impliquée dans le consortium LISA (le projet de premier détecteur d’ondes gravitationnelles directement dans l’espace). Depuis 2020, Nathalie Besson est cheffe du département de physique des particules de l’IRFU (Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers).
Un « pur grand écart » scientifique
Son parcours reflète les liens surprenants entre ces deux pans de la science : la physique des particules, qui étudie les constituants élémentaires de la matière, et les ondes gravitationnelles, des ondulations invisibles et rapides de l’espace. « C’est un pur grand écart, concède Nathalie Besson auprès de Numerama, car les théories sont différentes. La physique qui est derrière n’est pas la même. Notre but, en physique des particules élémentaires, c’est de comprendre le contenu en énergie de l’univers, au niveau fondamental. On attaque ça par plusieurs bouts, mais en particulier en essayant de compter les particules de l’univers. Si on veut comprendre ce qu’il y a dans l’univers, on est bien obligé de le regarder à toutes les échelles. »
Mais les physiciens des particules sont mis en difficulté depuis un siècle par une théorie : le modèle standard de la physique des particules. « Ce modèle est extraordinairement robuste, les calculs qu’on fait avec ce modèle sont corroborés par l’expérimentation. C’est une construction intellectuelle extraordinaire. Mais, il explique 5 % du contenu en énergie de l’Univers. Au département de physique des particules, on veut aller au-delà de ce modèle, pour comprendre ce qui reste », explique la scientifique à Numerama.
Alors, comment font les scientifiques pour s’attaquer à cet épineux problème ? « L’une des possibilités, c’est d’aller directement dans l’Univers, voir ce qui manque », répond Nathalie Besson.
« Les ondes gravitationnelles, c’est une sonde directe »
Revenons au modèle standard de la physique des particules. Comme nous l’indique la chercheuse, il « ne prend en compte que 3 interactions fondamentales » : l’interaction électromagnétique, l’interaction faible et l’interaction nucléaire. « Malheureusement, il ne prend pas en compte celle qui nous est la plus familière, à savoir : la gravitation. Or, l’interaction gravitationnelle est décrite à grande échelle par la relativité générale d’Einstein. Les ondes gravitationnelles, c’est une sonde directe. C’est intéressant à beaucoup d’égards pour une physicienne des particules. »
Et maintenant, revenons à notre Univers. La plus ancienne lumière encore présente dans l’Univers est nommée « fond diffus cosmologique ». C’est un rayonnement fossile, émis environ 380 000 ans après le Big Bang. « On n’a aucune image de l’univers avant cela, rappelle Nathalie Besson. Par contre, l’univers est toujours transparent aux ondes gravitationnelles. On a donc une sonde qui nous permet de remonter à beaucoup plus près du Big Bang. Et ça, ça peut nous donner des informations sur ce qui s’est passé à des instants qui intéressent les physiciens des particules, par exemple, le moment où le mécanisme de Higgs s’est mis en place. »
Et voilà comment les ondes gravitationnelles pourraient contribuer à la physique des particules. « Les liens ne sont pas du tout absurdes. Étudier les ondes gravitationnelles, c’est aller étudier la quatrième interaction, qui est fondamentale. C’est étudier l’univers à grande échelle et se donner une autre façon d’attaquer le problème de comment on le décrit en entier, au niveau de l’infiniment petit et de l’infiniment grand. »
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