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Dimanche dernier, la fusée Starship de SpaceX a transpercé l’espace aérien américain. Quelques minutes après, son énorme booster Super Heavy, un immeuble de 71 mètres pesant plus ou moins 200 tonnes, est revenu sur Terre.

Puis, dans une manœuvre digne de la science-fiction, il s’est approché tout doucement du pas de tir et a été rattrapé par la grue de lancement. La précision du geste a fait reposer ce géant de métal sur de petites cales, bien positionnées sur l’armature.

Une explosion de joie dans les bureaux de SpaceX et des images qui resteront gravées dans les mémoires, comme un pas supplémentaire pour la reconquête de l’espace – et ses opportunités pour l’Humanité.

Comme toujours, depuis plusieurs années maintenant, ces effusions heureuses nous amènent à comparer le monde qui avance à celui qui s’enterre sous ses lois, sa bureaucratie, ses combats de seconde zone et ses jugements péremptoires maintes fois contredits par la réalité.

Le succès de SpaceX a été l’occasion de ressortir les déclarations présomptueuses du directeur du programme Ariane, qui n’en est toujours pas à concevoir une fusée réutilisable, alors que SpaceX en a fait une routine. Ou celle des bureaucrates européens, Breton en tête, concentrés sur la promulgation d’un texte anti-quelque-chose, comme s’ils jouaient à surveiller le lancement d’une fusée.

Et puis, comme toujours, vient le Point Bouchon Solidaire. Nouveau Point Godwin, censé prouver dans une conversation que l’Europe est en train de crever à petit feu en ne regardant que son nombril et ses innovations ridicules. J’admets avoir moi aussi partagé cette blague il y a quelques mois, tant elle me semblait montrer l’absurdité de nos préoccupations. J’ai aussi, comme vous toutes et tous, pesté contre ces bouchons qui ont fini sur mon visage ou qui m’ont fait couler du Yop sur la chemise juste avant de donner une conférence sur l’IA (pour une fondation de promotion de l’Union européenne, je vous promets que c’est vrai).

« Cela résume bien les choses » // Source : Quelqu'un sur X
« Cela résume bien les choses » // Source : Quelqu’un sur X

Pourtant, si je suis aussi peu optimiste sur l’avenir européen dans le monde, j’ai complètement retourné ma veste sur les bouchons solidaires.

lol

Je trouve, en y réfléchissant, que nos bouchons sont une innovation quasiment parfaite, comme il en arrive peu de fois dans l’histoire.

Imaginez un problème à une échelle démesurée. Imaginez que ce problème soit si important qu’il pollue votre espace visuel à chaque fois que vous vous déplacez en ville. Si important encore que vous ne pouvez pas randonner en montagne ou vous balader sur la plage sans vous confronter à ce problème. Si inscrit dans nos habitudes qu’il a fallu créer des associations et des mouvements, financés par les États, pour le résoudre. Si grave qu’il est en partie responsable de la mort d’écosystèmes tout entier et de la pollution de nos mers, nos sols, nos rivières.

Une plange normale en 2024 // PCC Hillary Daniels
Une plage normale en 2024 // PCC Hillary Daniels

Et ce problème si grand, si grave, si implanté dans notre société, vous allez me dire qu’on a trouvé, en Europe, la solution pour le résoudre ? Et que cette solution, c’est grosso modo deux brins en plastique d’un millimètre d’épaisseur, suffisamment bien conçus pour être rabattus quand on boit (la technique n’est pas évidente, je vous l’accorde) ?

On est devant l’un des rapports solution / efficacité à résoudre un problème les plus élevés de l’histoire : le bouchon solidaire.

Parce que les bouteilles en plastique n’arrêteront pas d’exister et que les humains n’arrêteront pas d’être collectivement complètement débiles, il fallait une solution pour ne plus retrouver de bouchon sur nos sentiers, nos trottoirs, dans nos rues. Et l’Europe l’a trouvée, dans une forme économe qui répond parfaitement au besoin formulé.

On peut se moquer, oui. Mais dans 30 ans, quand il n’y aura plus de bouchons sur nos plages et qu’on ne retrouvera pas les estomac des dauphins et des tortues plein de plastique, on repensera à ce petit nudge qui ne ressemblait à rien et qui est devenu un symbole de ridicule. Le positif net d’une telle innovation sera peut-être sans égal, tant elle n’a rien coûté.

Moi, j’ai arrêté de rire.

Et biene avant 30 ans, on se souviendra que pour être une civilisation multi-planétaire, il faudra continuer à rendre la Terre vivable pendant quelques décennies encore. De ce côté-ci de l’océan, on a commencé à travailler.

À ton tour, Elon Musk.

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