Les muons sont des particules élémentaires qui sont loin d’avoir livré tous leurs secrets. Pour mieux les comprendre, les physiciens ont besoin de les accélérer. Sauf que ce n’est pas de la tarte. Mais grâce à ces travaux, une étape importante a été franchie.

Vous avez forcément déjà entendu parler des électrons, des particules élémentaires qui composent une partie des atomes. Les muons sont un peu similaires, des particulaires élémentaires, mais avec deux différences majeures :

  • Ils sont 200 fois plus lourds ;
  • Leur désintégration (durée de vie, en somme) est très, très rapide : 2 microsecondes (sachant qu’une microseconde = un millionième de seconde).

De fait, ils sont forcément assez difficiles à étudier et à manipuler. Voilà bien longtemps que les scientifiques essayent de les accélérer dans des systèmes contrôlés, avec un succès assez… mitigé. C’est pour cette raison que des travaux publiés le 24 octobre 2024, dans Nature, relèvent d’une première assez spectaculaire dans le monde de la physique : ils ont réussi à accélérer des muons. À terme, cela pourrait contribuer à bouleverser notre compréhension du cosmos.

4 % de la vitesse de la lumière

Pour leur expérience, ces physiciens japonais du Japan Proton Accelerator Research Complex (J-PARC) ont créé des antimuons, c’est-à-dire des muons chargés positivement (car un muon, initialement, est chargé négativement). Ils les ont concentrés dans un faisceau pointé vers un aérogel de silice spongieux, un matériau où les antimuons entrent alors au contact des électrons. Cette interaction génère du muonium : ce sont des atomes composés d’un muon et d’un électron, à la durée de vie très courte.

Ensuite, il fallait que les scientifiques du J-PARC se débarrassent des électrons dans le muonium, puisque l’objectif est de scruter les muons et seulement les muons. Ils ont tiré dans le matériau avec un faisceau laser, ce qui a éliminé les électrons et aussi retransformé le muonium en antimuons.

Le laboratoire J-PARC, illustration.
Le laboratoire J-PARC, illustration.

Puis, nouvelle étape : l’ensemble a été congelé pour figer les particules dans cet état, avant d’être soumis à un champ électrique. Les antimuons (donc les muons positifs, rappelez-vous) maintenus dans cet état ont alors pu être accélérés à environ 12 millions de mètres/seconde, soit 4 % de la vitesse de la lumière.

C’est un exploit, mais les auteurs visent déjà bien davantage : « Nous développons la technologie nécessaire pour accélérer les muons à 94 % de la vitesse de la lumière, et nous espérons y parvenir d’ici 2028. C’est notre prochaine étape. »

Si cette recherche touche au but (ce qui n’aura rien de simple et la date de 2028 semble ambitieuse), il sera alors possible de construire de grands accélérateurs de particules entièrement dédiés aux muons. Plus largement, une étude plus poussée des muons permettrait aux physiciens d’élucider, peut-être, des mystères du Modèle standard de la physique, en allant au-delà de ses limites. En effet, les muons connaissent une anomalie magnétique, toujours irrésolue à cette date car les mesures expérimentales divergent des modèles théoriques.

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