Imaginez nos cellules comme une usine : les machines bruyantes fonctionnent à plein régime, des employés permettent à une mécanique bien huilée de fonctionner et, lorsque se présente un dysfonctionnement, des mécaniciens sont appelés pour la réparation… Comme dans tous milieux de travail qui se respectent, il y a un perturbateur. Vous savez, cette personne qui, lorsqu’elle est trop présente, créée des problèmes et dérègle cette fameuse mécanique bien huilée ?
Dans nos cellules, ces perturbateurs sont les ROS : les reactive oxygen species ou espèces activées de l’oxygène. Pour faire simple, il s’agit du produit d’une réaction, la réaction de Fenton, entre le fer et un composé chimique contenant de l’oxygène, le peroxyde d’hydrogène.
Ces espèces activées de l’oxygène peuvent interagir avec plusieurs composantes des cellules, dont l’ADN — et lui provoquer des dommages. Cependant, produire des ROS est un phénomène naturel et il est mis à profit par la cellule pour différentes fonctions. Par ailleurs, la cellule a aussi plusieurs moyens de se protéger contre ceux-ci. Habituellement, donc, les ROS sont maitrisés et ne posent pas de soucis.
Le CO2, un agent d’apaisement insoupçonné
C’est lorsque qu’elles sont produites en excès que les ROS sont problématiques. Le système de réparation de l’ADN est dépassé et ne réussit plus à prendre en charge toutes les restaurations nécessaires. Cela conduit à l’accumulation des dommages dans la cellule et contribue à l’apparition de maladies et au vieillissement de nos cellules. Ce phénomène d’excès de ROS s’appelle le « stress oxydant » et se produit quand l’organisme fait face à une inflammation ou une maladie.
Une étude a été publiée ce 26 novembre 2024 dans le journal PNAS sur ce sujet. Numerama a pu consulter l’étude dans sa version prépubliée (avant qu’elle soit relue par un comité de scientifiques). Dans cette étude, la professeure Cynthia Burrows et son équipe de chimistes à l’université de l’Utah ont mis en avant que le dioxyde de carbone (CO₂) et sa forme hydratée, le bicarbonate, pourrait transformer la fameuse réaction de Fenton.
« Il s’avère que le bicarbonate est un tampon majeur à l’intérieur de vos cellules. Le bicarbonate se lie au fer et modifie complètement la réaction de Fenton. On ne produit pas ces radicaux extrêmement réactifs que tout le monde étudie depuis des décennies », déclare Burrows dans un communiqué de l’Université de l’Utah. Le produit de cette réaction ne cible alors qu’une infime partie de l’ADN, un nucléotide appelé la guanine (G), et l’impact sur la cellule est donc beaucoup moins important. « C’est comme lancer une fléchette dans le mille, où G est le centre de la cible. »
Burrows déclare dans ce même communiqué que l’ajout du bicarbonate lors d’expériences concernant l’oxydation de l’ADN est important, pour assurer des résultats fiables : « Ces études suggèrent que pour obtenir une image précise des dommages à l’ADN qui se produisent lors de processus cellulaires normaux comme le métabolisme, les chercheurs doivent veiller à imiter les conditions appropriées de la cellule et à ajouter du bicarbonate, c’est-à-dire de la levure chimique ! »
L’étude des lésions cellulaires remise en question
Ces résultats remettent en questions la manière dont les lésions cellulaires ont été étudiées jusqu’à présent, et pourrait changer notre compréhension du fonctionnement et de l’implication du stress oxydatif. En effet, jusqu’à maintenant, les cellules étaient cultivées dans des incubateurs à 37° C et avec 5 % de dioxyde de carbone. C’est un taux de CO₂ élevé qui correspond à l’environnement normal des cellules. Or, une fois retiré de l’incubateur, le CO₂ se perd, et donc ne peut plus agir comme protecteur. « C’est comme ouvrir une canette de bière. Vous libérez du CO₂ lorsque vous sortez vos cellules de l’incubateur. »
Burrows voudrait étendre les implications de ces résultats à d’autres domaines. Elle cherche, par exemple, à obtenir des financements de la Nasa pour étudier l’effet du CO2 sur le corps humain dans un espace restreint, comme un vaisseau spatial.
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