L’hiver a officiellement commencé. Comme chaque année, une question se pose : y aura-t-il de la neige cet hiver ? Va-t-il neiger pour Noël en France ? Prévoir s’il neigera est plus compliqué qu’on l’image, explique la directrice du Centre d’études de la neige dans The Conversation.

Symbole du ski, de la féerie des fêtes de fin d’année, du silence tamisé des petits matins d’hiver, des hauts sommets étincelants, la neige joue un rôle beaucoup plus important qu’on ne le pense, notamment dans la régulation du climat et dans la protection des écosystèmes. Car la neige amène un élément indispensable à la vie : l’eau.

Quel rôle joue secrètement la neige dans la nature ? Comment le réchauffement climatique impacte-t-il la quantité de neige qui tombe chaque année ?

La neige est une composante majeure de nos montagnes. La couverture neigeuse résulte de l’accumulation des chutes de neige au sol pendant l’hiver, et fond progressivement au printemps ou se transforme en névé, puis en glacier, à haute altitude.

Dans les Alpes, la neige recouvre le sol au moins six mois et demi par an au-dessus de 2 000 mètres d’altitude.

La neige, un élément précieux sur Terre

La neige a des propriétés uniques qui rendent sa présence au sol indispensable dans la nature.

La neige a une couleur blanche, ce qui signifie qu’elle renvoie la majeure partie de la lumière solaire. Sa présence limite donc l’absorption de l’énergie solaire et donc l’augmentation de la température localement, mais aussi à l’échelle globale lorsque la neige recouvre de grandes étendues.

Deuxièmement, la neige est un réservoir d’eau pour les régions montagneuses et les plaines environnantes : elle limite le débit des rivières en hiver et fournit un débit élevé au moment de la fonte, au printemps. Cette eau de fonte est importante pour les écosystèmes de montagne, ainsi que pour l’agriculture et la production l’hydro-électricité mais aussi pour la disponibilité de l’eau potable dans certaines régions du monde.

Enfin, la neige a souvent une forte teneur en air et agit comme un isolant — une sorte de mousse de glace et d’air. Ceci lui permet de protéger le sol des variations de température de l’air, que cela soit du froid pendant les mois d’hiver et du chaud au printemps. Le fait que le sol soit protégé, par exemple du froid, est important pour les plantes qui y sont donc protégées des fortes gelées : la neige joue un peu le même rôle que le paillage d’un potager qui protège la terre nue des aléas climatiques.

Et pourtant, la couverture neigeuse se raréfie dans le monde

En réponse à la hausse de la température globale, la couverture neigeuse se raréfie dans le monde entier. Globalement, depuis 1970, la durée d’enneigement dans les Alpes européennes s’est raccourcie d’environ un mois en dessous de 2000 mètres d’altitude.

Plusieurs sites d’observation de la neige existent dans les Alpes depuis plusieurs décennies et fournissent un aperçu unique du signal du changement climatique dans les régions montagneuses.

Par exemple, sur le site du Col de Porte, situé à une altitude moyenne (1 325 mètres) dans les Alpes françaises, la température de l’air en hiver a augmenté de 1,05 °C entre les deux périodes de 30 ans étudiées (1960-1990 et 1990-2020, du 1er décembre au 30 avril), alors que les précipitations hivernales totales n’ont pas changé de manière significative. En conséquence, l’épaisseur moyenne de la neige a diminué de 40 % entre les deux périodes en raison du changement induit par la hausse de température, avec davantage de pluie au détriment des chutes de neige sur ce site de moyenne altitude où la température moyenne hivernale est proche de 0°C.

À basse et moyenne altitude, la modification de la limite entre la pluie et les chutes de neige est la première cause de la raréfaction de la neige.

À plus haute altitude, comme l’illustre le site de Weissfluhjoch perché à 2536 mètres dans les Alpes suisses, l’augmentation de la température pour les mêmes périodes est à peu près la même que pour le Col de Porte. Cependant, l’épaisseur moyenne de neige n’a pas changé de manière significative entre les deux périodes de trente ans (lorsqu’elle est calculée en sur les périodes de décembre à avril), et aucun changement majeur dans les précipitations totales n’est détecté.

Cela s’explique par le fait que la température hivernale moyenne à cette altitude est très basse (-7,35 °C au Weissfluhjoch) et que l’augmentation de la température liée au climat n’est pas suffisante pour convertir les chutes de neige en pluie pour la période allant de décembre à avril.

Un chat ravi qu'il neige. // Source : Canva
Un chat ravi qu’il neige. // Source : Canva

Néanmoins, la durée de la couverture neigeuse, même à cette altitude, s’est raccourcie à la fin du printemps : la date de disparition de la neige a avancé de 15 jours en moyenne entre les deux moyennes sur 30 ans. Cela est dû à l’augmentation de la température au printemps, qui entraîne une fonte plus importante. C’est la deuxième cause de disparition de la neige due au changement climatique.

En résumé, la couverture neigeuse recule en réponse à l’augmentation de la température de l’air, plus rapidement à basse et moyenne altitude en raison du changement de phase des précipitations (pluie au lieu de neige), mais aussi à plus haute altitude, en raison d’une fonte plus précoce.

La raréfaction de la couverture neigeuse a de nombreuses conséquences et modifie profondément la société et l’économie des régions de montagnes, via entre autres les activités de sport d’hiver, mais pas seulement.

Le recul de la couverture neigeuse induit un changement dans le cycle de l’eau des régions de montagne, avec des débits qui augmentent en hiver (plus de pluie) et qui diminuent au printemps et en été (moins de neige).

Le recul de l’enneigement, combiné à la hausse des températures, entraîne un « verdissement » des Alpes, avec la colonisation par les plantes de lieux précédemment dépourvus de végétation, ainsi qu’un changement dans la répartition avec l’altitude de la végétation.

Enfin, le recul de la neige modifie les aléas naturels associés, tels que les avalanches ou les éboulements de parois.

Alors, y aura-t-il de la neige cet hiver ?

Nous savons que la hauteur moyenne de neige en hiver continuera de diminuer dans les prochaines décennies si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas ; mais la variabilité de l’enneigement d’une année sur l’autre reste très forte : il y a des hivers bien enneigés et des hivers peu enneigés, à l’image de la différence entre météo et climat (la météo changeant rapidement d’une heure à l’autre et d’un jour à l’autre et le climat représentant la moyenne de la météo sur plusieurs décennies).

Si Météo-France est en mesure de prévoir une journée anticyclonique suivie de l’arrivée d’une perturbation et de potentielles chutes de neige en fin de semaine en Isère, on ne peut pas prévoir si à Noël 2025 ou 2030 il y aura de la neige, ni comment l’hiver 2024-2025 se placera précisément en termes d’enneigement par rapport aux années précédentes.

La possibilité d’un hiver bien enneigé ne peut aujourd’hui être exclue, mais le réchauffement climatique diminue fortement la probabilité d’un tel événement — surtout à basse et moyenne altitudes — au profit de celle des hivers peu enneigés. Tant que la température continuera d’augmenter, la probabilité d’hivers bien enneigés diminue, bouleversant et mettant en danger la beauté et l’équilibre fragile de nos montagnes et de tous ses habitants.

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Marie Dumont, Chercheuse, directrice du Centre d’études de la neige, Centre National de Recherches Météorologiques, Météo France, CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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