Du 8 au 9 février 2025, à la suite de la sortie de son nouvel album Survival Mode en janvier, le chanteur Rilès a réalisé le « Survival Run ». Une performance artistique et sportive, durant laquelle il a couru sur un tapis de course pendant 24 heures d’affilée, avec des scies circulaires placées derrière lui. Son but ? « Interroger la résilience mentale et physique face à l’adversité », peut-on lire dans la description de sa vidéo YouTube. Les scies « symbolisent les pressions sociales et personnelles qui nous poussent à aller toujours plus loin, malgré la fatigue, la douleur ou la peur ».
Mais, comment est-ce possible de réaliser une telle performance ? Qu’est-ce qui se passe dans le corps avec cet effort prolongé ?
Une performance préparée et calibrée
Voilà deux ans et demi que le chanteur s’entraine pour cette course. Selon un article du Parisien, Rilès courait environ 160 à 240 km par semaine lors de ses ultimes semaines d’entrainement. Pendant sa course, il aurait ingéré approximativement 150 à 200 calories par heure, buvait toutes les 20 minutes et avait droit à des pauses pipi en restant sur le tapis. Par ailleurs, il aurait vomi après 14 heures de course.
L’entrainement, une obligation
Rilès n’est pas le premier à courir 24 heures d’affilée. Il existe même une discipline sportive consacrée, s’appelant la course d’« ultrafond ».
« Faire 24 heures d’effort impose une contrainte majeure à l’organisme. Cela ne se fait pas sans une vraie préparation physique. L’organisme doit avoir suffisamment de réserves et doit savoir les mobiliser correctement », explique François Raoux, cardiologue du sport à l’Institut Mutualiste Montsouris et à l’INSEP, à Numerama.
En réalisant cet exploit physique, le chanteur a commencé par mobiliser ses réserves de sucre, stockées sous forme de glycogène dans ses muscles et son foie. Dès 40 minutes après le début de l’effort, alors que ses réserves glycogéniques étaient en train d’être consommées progressivement, son organisme a dû puiser dans le tissu graisseux pour pouvoir fabriquer de l’énergie. Cependant, ce mécanisme n’est pas très intéressant. Pourquoi ? Parce qu’il y a beaucoup d’acide lactique (un déchet du corps) produit pour peu de quantité d’énergie. Seulement, voilà, le corps de Rilès n’a pas eu réellement le choix, une fois ses réserves de glycogène épuisées.
Le lactate est le témoin d’une mauvaise perfusion des cellules et augmente d’office dans le sang après 4 heures d’effort. Cette accumulation de lactate entraine une acidification du sang, qui a des conséquences corporelles importantes : selon le cardiologue, « une respiration accélérée, un dysfonctionnement des reins, des troubles cardiaques pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiaque… »
![Capture écran du clip vidéo "Survival" de Rilès // Source : Rilès- Survival (Music Video) Capture écran du clip vidéo "Survival" de Rilès // Source : Rilès- Survival (Music Video)](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/2-6-1024x576.jpg?resize=1024,576&key=ff4a2ecd)
Si Rilès et les coureurs d’ultrafond s’entrainent autant, c’est dans le but de retarder le plus possible la production de lactate par le corps. « L’entrainement, c’est une préparation physique, mais aussi métabolique. Le but, c’est que le corps ait assez de stock de glycogène dans le muscle et dans le foie pour se mettre à produire du lactate le plus tard possible », détaille François Raoux.
Que se passe-t-il dans notre corps pendant l’effort ?
Durant l’effort, le corps est soumis à une multitude de contraintes physiques et métaboliques. « Il faut pouvoir faire face à une augmentation de la température du corps, une lassitude de l’épreuve, l’épuisement musculaire, la déshydratation, le stress, tenir le rythme, etc », explique le docteur Raoux. Toutes les articulations du corps sont mobilisées et impactées par l’effort. Le sportif doit alors pouvoir faire face aux douleurs articulaires et musculaires.
Il a fallu aussi que le chanteur fractionne correctement son hydratation. D’abord, pour ne pas vomir. Ensuite, pour limiter les problèmes digestifs liés à l’effort prolongé. Rilès s’est, en effet, mis à vomir au bout de plusieurs heures. L’explication ? Le corps est en souffrance et, pour que les muscles restent perfusés correctement, il va y rediriger le sang en priorité face à d’autres organes.
Une ischémie est une souffrance tissulaire entrainée par le manque d’apport de sang, et donc d’oxygène, dans le tissu en question.
« En privilégiant les muscles au tube digestif, il se produit ce qu’on appelle une ischémie digestive. Le tube digestif en souffrance ne peut plus rien absorber. Les sportifs se mettent alors à vomir. Ils ne peuvent plus ni boire ni manger. Dans certains cas, lorsque associé à de la déshydratation, cela peut aller jusqu’à des diarrhées sanglantes », résume François Raoux auprès de Numerama.
Privés de sang, les organes ne seront pas suffisamment irrigués et donc, ne recevront pas assez d’oxygène.
Y a-t-il une différence entre courir dehors ou sur un tapis ?
Pour cette performance artistique, Rilès a couru sur un tapis et non en pleine nature, comme le font les sportifs de compétition. Le tapis présente plusieurs désavantages :
- les impacts répétés sur les chevilles ne sont pas bons pour le système ostéo-articulaire,
- la lassitude est plus importante et arrive plus vite que lorsque les coureurs sont dehors,
- la vitesse est imposée et non pas modulable, car le tapis roule toujours à la même vitesse.
![Rilès courant sur le tapis de course avec des scies derrière lui // Source : Capture écran vidéo Survival Run-24 hours non stop Rilès courant sur le tapis de course avec des scies derrière lui // Source : Capture écran vidéo Survival Run-24 hours non stop](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/3-5-1024x576.jpg?resize=1024,576&key=5da36d3f)
« Sur un sol diversifié, les chevilles peuvent s’adapter aux différents sols tandis qu’ici les impacts sur les chevilles sont très brutaux. Ensuite, courir dehors peut être déjà rébarbatif, alors, imaginez-vous sur un tapis face à un mur pendant 24h d’affilée. Enfin, dehors, le coureur peut moduler son effort et sa cadence, donc aussi son rythme cardiaque. »
Le docteur Raoux y trouve cependant deux aspects positifs : le maintien d’une température constante et une probable ventilation, impliquant en conséquence une meilleure évacuation de la transpiration.
Alors, est-ce bon de courir autant ?
Vous vous doutiez sûrement de la réponse : elle est négative. « Courir comme ça n’est pas très sain pour l’organisme. Les sportifs réalisant de telles performances se préparent sur de très longues périodes, des années à l’avance. Ce n’est jamais à faire sans préparation physique et ça doit être accompagné par des professionnels », insiste le docteur Raoux.
De son côté, l’artiste explique dans la description de sa chaine YouTube : « L’œuvre explore la fine ligne entre persévérance et obsession, entre contrôle et abandon, questionnant la capacité de l’esprit à surpasser les limites du corps en situation de survie. Le spectateur est placé face à une tension palpable, témoin silencieux d’un combat aussi physique que psychologique ». Il s’agissait donc surtout d’ « une invitation à réfléchir sur nos propres luttes internes et sur la manière dont nous affrontons le temps et ses contraintes invisibles ».
Si la performance de l’artiste peut être à saluer tant pour sa difficulté physique que pour le message qu’il cherche à transmettre, il n’est pas pour autant un exemple à suivre.
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