Alors qu’il venait de disputer le All-Star Game, un événement qui rassemble chaque année les meilleurs joueurs de basket de la National Basketball Association (la ligue états-unienne de basket), le Français Victor Wembanyama a annoncé la fin de sa saison. En cause, non pas une blessure classique, mais une « thrombose veineuse profonde » dans la région de l’épaule. Parfois appelé « phlébite », ce problème touche plutôt rarement les jeunes adultes, l’épaule étant en outre habituellement peu concernée.
Les thromboses veineuses profondes surviennent en revanche relativement fréquemment dans la population générale, puisqu’en France, chaque année, entre 50 000 et 100 000 nouveaux cas sont diagnostiqués. Toutefois, les membres inférieurs sont beaucoup plus touchés que les membres supérieurs, puisque seuls 6 % des thromboses veineuses profondes concernent ces derniers.
Comment se produit une thrombose veineuse profonde ? Pourquoi peut-elle avoir de lourdes conséquences ? Pourquoi l’épaule est-elle parfois touchée ? Quels symptômes doivent alerter ? Voici les réponses à ces questions.

La thrombose : une veine qui se bouche
Le terme thrombose est employé pour décrire la formation d’un caillot de sang (ou thrombus) dans un vaisseau. Une thrombose veineuse concerne donc spécifiquement le système veineux. Pour mémoire, cet ensemble de vaisseaux ramène le sang provenant des organes vers le cœur. Il s’agit de la contrepartie du système artériel qui, lui, transporte le sang du cœur vers les organes.
Il arrive que des thromboses veineuses se produisent dans des veines superficielles : en cas de dilatation permanente (on parle de « varices »), le risque de formation de caillots est en effet accru. Toutefois, même si les thromboses veineuses superficielles sont douloureuses, elles ne sont pas graves. En effet, elles affectent des petites veines très fines, dans lesquelles le caillot ne bougera pas.
Il en va autrement des thromboses veineuses profondes. Dans ce cas, le caillot, qui le plus souvent se forme dans une veine de la jambe (phlébite), peut migrer dans la circulation sanguine. Il risque alors de boucher une artère au niveau des poumons, créant une embolie pulmonaire. Un tel blocage s’accompagne de troubles respiratoires. Pire, si une grosse artère est bouchée par un caillot de grande taille, le risque peut être le décès par insuffisance respiratoire.
Une thrombose veineuse profonde est donc potentiellement grave de par le risque d’embolie pulmonaire qui lui est associé.
Qu’est-ce qui déclenche une thrombose veineuse profonde ?
La survenue d’une thrombose veineuse profonde résulte de la conjonction de plusieurs mécanismes. Parmi ceux-ci figure l’état de fluidité du sang : l’hypercoagulabilité (autrement dit, lorsque de sang coagule trop facilement) favorisera la survenue de thromboses veineuses. L’état de la paroi des veines joue aussi un rôle dans l’augmentation du risque de thrombose. Enfin, ce dernier est aussi et surtout influencé par les ralentissements du flux sanguin.

Il faut savoir que dans le système veineux, le flux sanguin est lent. Si des obstacles le ralentissent encore plus, les cellules qui tapissent la paroi des vaisseaux (cellules endothéliales) ne sont plus correctement oxygénées. Elles deviennent alors hyperadhésives et prothrombotiques – ce qui signifie qu’elles vont favoriser la survenue de thromboses (en temps normal, les cellules endothéliales sont non adhésives et antithrombotiques).
On connaît un certain nombre de situations cliniques qui favorisent la survenue de thromboses veineuses profondes : les chirurgies, le cancer, les fractures et traumatismes des membres inférieurs, les œstrogènes, la grossesse et certaines maladies auto-immunes ou de la moelle osseuse.
Certaines personnes ont aussi, de naissance, un sang hypercoagulable, ce qui les rendra donc plus à risque de développer une thrombose veineuse profonde dans lesdites situations cliniques.
On considère qu’environ 5 % de la population générale est porteuse d’une anomalie génétique qui augmente le risque de thrombose veineuse, mais avec un risque faible (il n’y a donc pas d’indication pour la mise en place de mesures spécifiques). Un bilan biologique, appelé bilan de thrombophilie, sera pratiqué chez les patients de moins de 50 ans qui font une thrombose veineuse survenant sans circonstance favorisante (ou après circonstance favorisante modérée). Au cours de ce bilan seront recherchées plusieurs anomalies, certaines génétiques, d’autres acquises (non génétiques).
Comment traite-t-on une phlébite ?
À l’heure actuelle, le traitement de la thrombose veineuse repose surtout sur les anticoagulants, qui vont fluidifier le sang et empêcher que le caillot ne grossisse et ne provoque une embolie.
Parfois le vaisseau thrombosé se reperméablise, sous l’action conjointe des anticoagulants et d’un système naturel de destruction du caillot (la fibrinolyse). Mais il arrive aussi que la veine reste thrombosée (toutefois, lorsque le caillot est bien constitué et obstructif, après plusieurs mois, le risque embolique disparaît). De nouveaux vaisseaux se développeront alors, aboutissant à une dérivation qui contournera le caillot.
Le rôle des anticoagulants
Durant la phase aiguë de la thrombose veineuse, il est nécessaire de prendre des anticoagulants. Après quelques mois, la question qui se pose est celle de la poursuite ou de l’arrêt du traitement.
En effet, la prise d’anticoagulant n’est pas sans conséquence. Ces molécules ont comme principe même de ralentir l’efficacité de notre système de coagulation. Or celui-ci nous est indispensable en cas de blessures et de brèches vasculaires.
Prendre des anticoagulants a pour corollaire d’augmenter le risque de saignement, ce qui est notamment problématique en cas de traumatisme important, ou si la nécessité de recourir à une opération chirurgicale en urgence se présente.
Quelles sont les particularités des thromboses veineuses du membre supérieur ?
Les thromboses veineuses des membres supérieurs, telles que celle dont a apparemment été victime le basketteur Victor Wembanyama, sont beaucoup plus rares que celles des membres inférieurs. Elles surviennent également dans des circonstances différentes.
Ces thromboses siègent souvent dans les veines axillaires et sub-clavières, là où le bras rejoint le thorax. À cet endroit, la veine, l’artère et les nerfs traversent un espace étroit appelé le « défilé thoraco-brachial », situé entre la première côte, des muscles et la clavicule.
Si ce passage est étroit et si les vaisseaux sont traumatisés du fait de mouvements répétés, une thrombose veineuse (voire artérielle) peut survenir. On parle alors de « phlébite d’effort » ou de « syndrome de la traversée thoraco-brachiale ».
Ce cas de figure se retrouve chez les athlètes, les musiciens ou les personnes dont le métier implique de lever les bras de façon répétée. Les investigations révèlent souvent que, les jours précédant le diagnostic, le patient s’est livré à un exercice inhabituel : repeindre un plafond, déménager, participer à une compétition sportive…
D’autres causes peuvent engendrer ce type de thrombose, au premier rang desquels figurent la présente ce dispositifs endoveineux (cathéters) mis en place de façon durable, pour délivrer par exemple une chimiothérapie en cas de cancer.
Les personnes qui présentent des troubles de la coagulation (thrombophilie) peuvent aussi être très facilement victimes thromboses à ce niveau. Enfin, il arrive souvent que ce type de thrombose se produise sans que la cause ne puisse être identifiée.
Comment soigner les thromboses du bras ?
Comme dans le cas des thromboses veineuses des membres inférieurs, la première étape consiste en un traitement anticoagulant, soit par injection, soit directement en comprimés, pour une durée de trois mois ou plus, selon les cas. On peut aussi prescrire un manchon de compression du bras, pour soulager le patient.
Lorsque la thrombose est très étendue et mal tolérée, le recours à la chirurgie est possible, pour retirer le caillot. Il faut alors enlever aussi la première côte, et agrandir le passage en sectionnant des muscles, afin d’éviter une récidive.

Un traitement par désobstruction mécanique peut également être proposé, à l’aide d’une sonde (laquelle peut aussi injecter une substance qui va dissoudre le caillot). La procédure se termine avec la mise en place d’une endoprothèse (« stent »), pour maintenir la perméabilité du vaisseau.
Ces traitements varient selon l’expérience des équipes, la disponibilité de plateau technique, mais également selon le risque hémorragique du patient et la probabilité de récidive.
Si ces interventions peuvent beaucoup améliorer les symptômes chez certains individus, dans certains cas, ils peuvent avoir un impact plus limité, voire être source de complications. Par ailleurs, si la cause de la thrombose n’est pas levée, des récidives sont possibles, ou une thrombose peut survenir de l’autre côté.
Quelles complications sont à prévoir ?
Une fois le traitement mis en route, le risque d’embolie pulmonaire diminue beaucoup.
À moyen ou long terme, cependant, le patient peut parfois présenter un syndrome post-thrombotique. L’obstruction résiduelle du vaisseau joue un rôle important dans cette complication, qui se caractérise par des symptômes d’insuffisance veineuse chronique.
Ce syndrome se traduit par un œdème du bras persistant, des douleurs se manifestant par des lourdeurs et une impotence fonctionnelle plus ou moins marquée ainsi que des veines superficielles dilatées. Tout cela peut causer une gêne dans la vie quotidienne.
Comment anticiper la thrombose veineuse et la diagnostiquer ?
Lorsque la thrombose veineuse survient dans un membre inférieur, les symptômes sont assez peu spécifiques. Ils témoignent de l’obstruction veineuse et des conséquences du gonflement (œdème) qui en résultent : douleur dans une jambe, dilatation veineuse superficielle.
En ce qui concerne la survenue, beaucoup plus rare, d’une thrombose veineuse du membre supérieur, les symptômes qui doivent alerter sont ceux du blocage de la circulation veineuse de retour du bras : œdème et douleur dans le bras, l’avant-bras et la main, ainsi qu’un aspect trop visible de la circulation veineuse superficielle du thorax.
Quelquefois, des signes associés sont aussi présents, liés à la complication la plus redoutable qu’est l’embolie pulmonaire : douleur thoracique et difficultés respiratoires.
Le diagnostic nécessite de réaliser en urgence un écho-Doppler. Cet examen, qui permet d’observer les flux sanguins, permettra de mettre en évidence le caillot, son siège et son étendue afin de proposer un traitement au patient. Si besoin, il pourra être complété par un scanner du thorax.

Chloé James, PU-PH, cheffe du service d’hématologie biologique – CHU de Bordeaux ; Inserm U1034 – biologie des maladies cardiovasculaires, Inserm et Marie-Antoinette Sevestre, PU-PH, cheffe du service de médecine vasculaire – CHU d’Amiens,, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

Toute l'actu tech en un clin d'œil
Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez la communauté Numerama sur WhatsApp !