Parfois, on se lève un matin et on se dit qu’on vit dans une époque formidable. Vous accrochez une caméra qui pointe vers un carrefour où strictement rien ne se passe, vous mobilisez une centaine d’internautes on ne sait trop comment et vous avez un phénomène web hilarant et hypnotique. Nous vous expliquions le concept de Red Truck ce matin, mais peut-être peut-on rappeler les bases :
- Une caméra filme en live sur YouTube un carrefour dans une petite ville du Wisconsin
- Des internautes connectés sur YouTube commentent ce qui se passe à l’aide de mots simples (car, truck, bird, man, big truck, cat etc.)
- Un culte au camion rouge, soit red truck en anglais est né (même si l’on ne sait pas s’il y a eu un red truck originel d’une certaine forme, vu que le terme est désormais employé également pour les pick-up)
- Un culte au bus se forme, qui varie autour de bus, grey bus ou jebus, jeu de mot avec ce bon vieux jesus
- Le site communautaire 9gag a relayé l’histoire, ce qui a amené une armée de 9gagers qui ont perturbé les commentateurs un instant, puis la situation est redevenue normale.
L’effet comique est créé par la répétition bête et méchante de ce qui se passe à l’écran. Un peu comme le squirrel du chien de Là-Haut, on se marre quand une foule de gens repètent la même chose au même moment, dans la surenchère la plus totale… et de manière complètement absurde, dans la mesure où tout est normal. Des voitures tournent. Des camions apparaissent. Des policiers (popo) patrouillent. Un chat traverse la route. Chaque événement en-dehors de la routine (un bus jaune) entraîne un déluge de commentaires.
Et on se dit que toute cette matière pourrait être utilisée à des fins scientifiques. La reconnaissance d’objet par une intelligence artificielle, et notamment des objets qui bougent rapidement et n’ont pas une bonne définition, est un des challenge actuels qui aura à l’avenir des tas d’applications. Qu’on imagine la technologie implantée dans des voitures autonomes pour détecter des passants ou des phénomènes uniques, qu’elle soit montée sur un drone pour le faire suivre avec précision des scènes définies ou qu’on en fasse les yeux d’un robot, c’est une brique technologique qui a de beaux jours devant elle.
Aujourd’hui, on sait à peu près faire de la reconnaissance de gros objets, et notamment sur des drones grand public comme le dernier Phantom de DJI qui est capable de garder tout seul une voiture dans son cadre. Une caméra comme celle embarquée sur les voitures de Tesla est capable de repérer des voitures, des camions ou des motos. Cela dit, la technologie a encore une marge de progression énorme qui, à terme, permettrait à une machine de voir, ou, en des termes moins chargés de sensation typiquement humaines, de reconnaître avec précision tout ce qui se passe dans son champ de vision.
Et dans ce genre de problématique, c’est souvent l’entraînement de la machine qui prend du temps. Il faut lui apprendre quels sont les objets qu’elle perçoit à l’écran et lui donner des instructions quand elle se trompe, pour qu’elle corrige sa perception des choses. La multiplication des mises en situations réelles est aussi méthode nécessaire pour l’apprentissage — c’est pour cela que General Motors commence à collecter des données pour ses voitures autonomes sur les modèles non autonomes ou que Tesla s’estime en avance sur le marché avec les millions de kilomètres parcourus par ses voitures.
On commence à comprendre comment tirer quelque chose de la farce : Internet vient de fournir une sorte de programme automatique d’apprentissage machine, une mine d’or auto-générée et gratuite. Des gens décrivent avec précision et des mots simples ce qui se passe sur une vidéo, sans faire de pause. Les faux positifs sont modérés par le nombre de requêtes envoyées pour donner un résultat toujours juste et particulièrement exhaustif. Il y a un flux vidéo en live, ses description et ses corrections. L’objet, l’information, le feedback, la nouvelle information.
Est-ce que Google se servira de cette expérience qui se déroule sur son service de streaming pour enrichir ses recherches ? Cela serait franchement drôle… mais loin d’être impossible. D’autant qu’en fait, il existe un live pour chaque lieu de la ville.
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