Un papyrus vieux d’approximativement 2000 ans a été retrouvé par hasard en 2014 dans les collections de l’Autorité israélienne des antiquités. Il y décrit un procès, celui de deux hommes accusés de fraude fiscale. Après celui de Jésus, il s’agit du procès romain le mieux documenté.

Qui n’a jamais entendu parler d’évasion fiscale ? Des Balkany à Bernard Tapie, ce genre d’affaire défraye régulièrement la presse. Menée par des personnalités ou de simples personnes lambdas, ce ne sont pas des délits rares. Ces délits sont tellement courants qu’ils existaient déjà … à l’Antiquité !

C’est ce que documente un papyrus vieux d’un peu moins de 2000 ans, retrouvé par hasard en 2014 dans les collections de l’Autorité israélienne des antiquités. Analysé par une équipe composée de chercheurs de l’Académie autrichienne des sciences, de l’Université de Vienne et de l’Université hébraïque de Jérusalem, le papyrus s’est avéré être extrêmement fourni en informations. Les résultats ont été publiés dans la revue Tyche, une revue d’antiquité publiée par l’Université de Vienne.

Un papyrus exceptionnel

De quoi s’agit-il exactement ? Ce papyrus serait des « notes du procureur pour un procès devant des autorités romaines à la veille de la révolte de Bar Kokhba (132-136 apr. J.-C.) », qui comprendrait entre autres « une transcription rapide de l’audience », explique le communiqué de l’Académie des sciences de Vienne.

La Place ovale à Jérash et le Cardo maximus dans son prolongement. // Source : Wikimédia
La Place ovale à Jérash et le Cardo maximus dans son prolongement. // Source : Wikimédia

Deux choses frappent avec ce papyrus. D’abord, c’est l’histoire de sa découverte : « Initialement classé à tort comme nabatéen, le papyrus est resté inaperçu pendant des décennies jusqu’à sa redécouverte en 2014 par la professeure Hannah Cotton Paltiel, émérite de l’Université hébraïque. » C’est en organisant les papyrus documentaires que la professeure s’est rendu compte de l’erreur.

Ensuite, il s’agit du « plus long papyrus grec jamais découvert dans le désert de Judée, comprenant plus de 133 lignes de texte », comme l’explique le communiqué. Le Dr Ecker, faisant partie de l’équipe de recherche, précise même : « Il s’agit du procès romain le mieux documenté de Judée, après le procès de Jésus. ». Excusez du peu.

Une sombre affaire de fraude fiscale

L’histoire se déroule entre la Judée et l’Arabie, où se trouve approximativement la Jordanie et le territoire israélo-palestinien actuel. Gadalias et Saulos sont deux hommes accusés d’évasion fiscale. Ce crime implique « la falsification de documents, la vente illicite et l’affranchissement d’esclaves, le tout pour éviter de payer des impôts dans les lointaines provinces romaines de Judée et d’Arabie », peut-on lire dans le New York Times.

Gadalias est un fils de notaire, « peut-être citoyen romain, qui avait un passé criminel marqué par la violence, l’extorsion, la contrefaçon et l’incitation à la rébellion » explique le communiqué de l’Académie de Vienne. Saulos, son complice, « a orchestré la vente et l’affranchissement fictifs d’esclaves sans payer les impôts romains requis ».

Et c’est pour échapper aux autorités romaines qu’ils ont falsifié les documents. Le Dr Dolganov, qui fait partie de l’équipe ayant analysé le papyrus, explique : « La falsification et la fraude fiscale étaient passibles de lourdes peines en droit romain, allant des travaux forcés à la peine capitale. »

Leur crime se passe à une époque troublée. En effet, il se serait déroulé « sous le règne d’Hadrien, après la tournée de l’empereur dans la région vers 130 après J.-C. et vraisemblablement avant 132 après J.-C » précise le NYT.

Papyrus Cotton  // Source : Israel Antiquities Authority
Papyrus Cotton // Source : Israel Antiquities Authority

À cette époque, les tensions entre l’Empire romain et la population juive étaient à leur comble. Il y eut plusieurs soulèvements du peuple juif contre l’empire romain, impliquant des répressions sévères. D’ailleurs, le communiqué de l’Académie de Vienne note que « le texte implique notamment Gadalias et Saulos dans des activités rebelles lors de la visite de l’empereur Hadrien dans la région (129/130 apr. J.-C.) ».

Il n’est pas étonnant alors, dans ce contexte tendu, que la justice ait probablement soupçonné Gadalias et Sauros de comploter contre l’empire. « Leur implication dans la rébellion reste une question ouverte, mais cette insinuation témoigne de l’atmosphère tendue de l’époque », raconte le Dr Dolganov. 

Par ailleurs, la question se pose aussi sur la raison de ces actes frauduleux. Comme le dit le Dr Ecker : « Libérer des esclaves ne semble pas être un modèle commercial rentable ». Alors, pourquoi avoir commis cet acte ? Les origines des esclaves en questions ne sont pas claires et suscitent différentes interprétations. Il pourrait s’agir de l’accomplissement du devoir biblique juif de libérer des esclaves. Ou bien simplement, d’un trafic d’être humain.

Quoi qu’il en soit, le document retrouvé ne donne pas le verdict final, hélas. Cependant, il apporte de nombreux éclairages sur le système judiciaire romain. Et comme l’explique le Pr Mitthof : « Ce document montre que les principales institutions romaines documentées en Égypte étaient également mises en œuvre dans tout l’empire. »

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