Non, le Megatherium n’est pas une créature de film de science-fiction. Désormais éteint, il a bien existé, et on lui trouve même un autre nom : le paresseux géant. Long de 5 à 6 mètres, pourvu de griffes de 30 centimètres, il pouvait peser jusqu’à 4,5 tonnes. Vous trouvez cela gigantesque ? Et pour cause : il est l’un des plus grands représentants de ce qu’on appelle la « mégafaune » du Pléistocène.
« À l’échelle des temps géologiques, le Megatherium s’est éteint récemment et a même connu les premiers peuplements humains d’Amérique du Sud », précise le Muséum nationale d’Histoire Naturelle — où l’on peut d’ailleurs trouver un squelette issu de cette espèce. En effet, le paresseux géant s’est éteint il y a « seulement » 10 000 ans.

Autrefois, les paresseux comprenaient une vaste étendue d’espèces très différentes. Aujourd’hui, pourtant, il ne reste que celles que l’on connaît tous. Les paresseux arboricoles, perchés dans les arbres, au métabolisme extrêmement lent et qui mettent un mois à digérer leurs repas. Ce qui pose une énigme : pourquoi ces paresseux ont-ils gagné la bataille de l’évolution, quand des paresseux bien plus titanesques se sont totalement éteints ?
Comment les paresseux géants sont-ils devenus géants ?
Une équipe de scientifiques, menée par la paléontologue Rachel Narducci, s’est penchée sur plus de 400 fossiles de Megatherium, et a analysé l’ADN d’espèces éteintes comme d’espèces vivantes. Ils ont ainsi pu construire un arbre de l’évolution des paresseux qu’ils détaillent dans une étude publiée le 22 mai 2025 dans Science.
Avant de répondre à la question de leur extinction, il faut répondre à celle de leur existence même : comment ces êtres titanesques ont-ils pu naître au gré de l’évolution ? L’explication est à trouver dans un changement climatique majeur.
L’histoire commence il y a 37 millions d’années. À l’époque, l’ancêtre des paresseux est une espèce appelée Pseudoglyptodon. Ils vivent en Argentine, au sol, et font la taille plutôt modeste d’un dogue allemand.
Et puis… il y a 17 millions d’années, le climat de la planète change. Il se réchauffe, en raison d’une éruption volcanique hors norme ayant dégagé d’importants gaz à effet de serre. Plot twist : les paresseux deviennent alors encore plus petits. Pendant un million d’années, statu quo. La Terre reste chaude et les paresseux ne changent pas. Ensuite, petit à petit, le climat se refroidit progressivement. Plus le climat se refroidit, plus les paresseux grossissent.

D’autant qu’ils ont aussi commencé à migrer, à se confronter à de nouveaux habitats, avec la nécessité de s’adapter. Pour survivre, il fallait être plus gros, plus fort. « Cela leur aurait permis d’économiser de l’énergie et de l’eau et de se déplacer plus efficacement dans des habitats aux ressources limitées », explique Rachel Narducci en complément de l’étude. « Et si vous êtes dans une prairie ouverte, vous avez besoin de protection, alors le fait d’être plus gros vous la confère en partie. Certains paresseux terrestres avaient également de petits ostéodermes en forme de cailloux incrustés dans leur peau. »
Une taille plus grosse améliore aussi la résistance au froid. Raison pour laquelle leur taille maximale a été atteinte pendant la période glaciaire du Pléistocène. Cette période a commencé il y a 3 millions d’années, avant de s’achever il y a 12 000 ans.
Pourquoi les paresseux géants sont-ils éteints ?
Les scientifiques constatent que le déclin des paresseux géants a commencé il y a environ 15 000 ans, avant leur disparition 5 000 ans plus tard — un délai relativement brutal à l’échelle de l’évolution. L’étude se confronte ici à un problème : on ne trouve aucune preuve concrète expliquant leur disparition. A fortiori car leur taille imposante les protégeait de la plupart des prédateurs. Les paléontologues doivent donc recouper les événements entre eux pour établir l’hypothèse la plus probable.
La — solide — théorie qu’ils émettent tombe comme un couperet : les humains. Si leur masse était un avantage face aux prédateurs, elle était probablement un désavantage face aux humains. Des proies faciles, en somme, et privilégiées aussi, car riches en viande.
En parallèle, les autres espèces de paresseux qui se sont quant à elle développées dans les arbres — les paresseux arboricoles –, étaient davantage protégés de ces chasses. Pour un temps limité, toutefois. Deux espèces de paresseux arboricoles ont disparu en raison de l’impact humain, dans les Caraïbes notamment, il y a quelque 4 500 ans.
Aujourd’hui, il reste six espèces distinctes de paresseux ; toutes arboricoles. On aurait bien envie d’affirmer qu’ils sont désormais sains et saufs de tout impact humain, mais ce ne serait pas tout à fait vrai. En premier lieu parce qu’ils font l’objet d’un commerce illégal : ils sont très recherchés, en Colombie notamment, comme animaux de compagnie. Le fait est pourtant qu’ils ne sont pas du tout adaptés à un autre environnement que la forêt. L’autre menace n’est autre que la déforestation. Leur habitat se voit peu à peu réduit, alors qu’ils dépendent des arbres pour vivre.
Sans doute pourrez-vous dorénavant admirer les paresseux au titre de l’incroyable histoire de leur évolution, aussi lents soient-ils. Les espèces qui nous sont aujourd’hui contemporaines sont le résultat d’une survie à travers les âges, depuis 37 millions d’années.
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