Pour explorer les confins du système solaire, la communauté scientifique devra aussi employer des robots sous-marins autonomes. Étonnant ? Pas tant que ça lorsque l’on se penche sur les théories en cours de discussion au sujet d’Europe, l’une des lunes de Jupiter. En effet, un vaste océan pourrait être caché sous la couche de glace recouvrant toute la surface du satellite.
La présence vraisemblable d’une immense étendue marine nourrit les espoirs d’y trouver la vie. En effet, il a été constaté ces dernières décennies que la lumière solaire n’est pas toujours une condition sine qua non pour que des organismes apparaissent, se développent et s’organisent en chaîne alimentaire. En outre, la vie est capable de se déployer dans des environnements particulièrement hostiles.
Pour en avoir le cœur net, il est difficile de se contenter des observations faites depuis la Terre, même si certaines particularités d’Europe pourraient bien être le signe d’une existence microbienne sous la glace. Il faut nécessairement se rapprocher de la lune, au moyen de sondes, ce qui a déjà été fait. Galileo a par exemple réalisé neuf survols et des projets de missions à venir sont sur la table.
Parmi les différentes options envisagées, l’une consisterait à envoyer des robots sous-marins autonomes sous la couche de glace d’Europe pour explorer son océan. C’est dans ce cadre que travaille une partie des équipes du Jet Propulsion Laboratory (JPL), qui rassemble du personnel de l’agence spatiale américaine (Nasa) et de l’institut de technologie de Californie.
Spécialisée dans l’élaboration et la mise en œuvre de missions sans pilote, la société JPL travaille depuis plusieurs mois maintenant à fabriquer des robots dotés d’une intelligence artificielle (IA) pour se débrouiller au fond des océans sans l’aide des opérateurs restés sur Terre. Et parce qu’il n’y a pas d’autres océans à portée de main que ceux situés tout autour du globe, c’est dans le Pacifique que les tests ont lieu.
« Afin d’étudier les phénomènes océaniques imprévisibles, nous devons développer des submersibles capables de naviguer et de prendre des décisions en temps réel », explique Steve Chien, responsable de l’intelligence artificielle au sein du JPL. « Cela nous aiderait à comprendre nos propres océans — et peut-être ceux situés sur d’autres planètes ».
Objectif : développer des submersibles capables de naviguer et de prendre des décisions en temps réel
L’autonomisation des robots est indispensable au regard des distances immenses qui séparent la Terre d’Europe. Il est inconcevable d’attendre que le robot sous-marin envoie sa demande d’instruction face à un problème imminent, que le signal transite par un satellite situé en orbite, l’expédie ensuite vers la Terre et que la réponse, une fois discutée et validée par les chercheurs, fasse le chemin inverse.
Le JPL a commencé ses expérimentations l’automne dernier dans la baie de Monterey, en Californie. Il s’agissait alors d’étudier les environs maritimes via une flotte de six drones coordonnés. Ils ont parcouru plusieurs kilomètres à la recherche de changements de température et de variation de la salinité, explique le laboratoire dans la page présentant les grandes lignes du projet.
« Notre but est d’éliminer l’effort humain du pilotage quotidien de ces robots, de sorte que le temps libéré puisse servir à l’analyse des données recueillies », ajoute Andrew Thompson, professeur assistant en sciences environnementales et ingénierie à l’institut. « Nous voulons donner à ces submersibles la liberté et la capacité de rassembler des informations utiles sans entrer dans l’équation pour les corriger ».
Dans la mesure où une mission embarquant ces robots submersibles n’est pas près de voir le jour, le JPL a tout le temps devant lui pour perfectionner son projet et améliorer la qualité de l’intelligence artificielle qui devra piloter la flotte. Un second test, impliquant là encore six drones sous-marins, est d’ailleurs prévu ce printemps, toujours dans la baie de Monterey.
Une question reste toutefois à trancher : quid du risque de contamination en amenant des engins terrestres dans l’éventuel écosystème d’Europe ? La question est très sérieuse : au début des années 2000, la Nasa avait par exemple décidé de procéder à la désintégration de la sonde Galileo dans l’atmosphère de Jupiter, justement pour éviter tout risque de contamination de la lune.
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