Verra-t-on dans quelques années des drones-abeilles virevolter de fleur en fleur pour les polliniser ? C’est sur cette idée un peu saugrenue que planchent des ingénieurs japonais de l’institut national des technologies et des sciences industrielles avancées, rapporte le MIT Technology Review. Pourquoi ? Pour compenser la diminution drastique du nombre d’abeilles dans le monde.
Pour ce projet, il n’a pas été nécessaire de construire un drone ad hoc. Les membres du programme ont simplement visité le site web d’Amazon et acheté un modèle bon marché — 100 dollars l’unité — pour ensuite le « hacker » de façon à lui ajouter une zone adhésive sur laquelle le pollen peut se fixer.
Les tests effectués en laboratoire ont été concluants puisque les mini-drones ont pu se déplacer de fleur en fleur pour y déposer le pollen. Cependant, l’initiative s’est déroulée avec une fleur — un lys — dotée de larges pétales et très ouverte, ce qui a grandement facilité les manœuvres des prototypes.
Eijiro Miyako, le responsable du projet, l’a d’ailleurs admis : le drone-abeille risque de ne pas pouvoir agir sur des fleurs plus refermées du fait de son envergure un peu trop grande. En effet, même si ce type d’aéronef est déjà fortement miniaturisé, il est encore bien trop large en comparaison de l’abeille qui fait moins de deux centimètres.
Défi technologique
C’est là que repose le dilemme : pour polliniser les fleurs, il faut pouvoir y accéder et donc avoir des dimensions aussi compactes que possible. Mais en parallèle, il faut que le drone soit doté d’une bonne autonomie de vol, dispose d’un GPS, d’une caméra haute définition et peut-être d’une intelligence artificielle pour organiser son travail.
Si la miniaturisation en informatique a certes fait des miracles ces cinquante dernières années, il ne sera pas simple, en tout cas à court terme, d’installer toutes ces fonctions pourtant indispensables sur un drone-abeille qui va devoir en parallèle perdre encore quelques centimètres s’il veut accéder au cœur des plantes.
Et en admettant que cet obstacle soit franchi, une autre question se pose : combien de drones-abeilles faudra-t-il pour faire le même travail que les abeilles dans un endroit donné ? Cité par le MIT Technology Review, un courtier californien indique que pour polliniser 900 000 acres d’amandiers sur lesquels poussent 3 milliards de fleurs, il faut pas moins de 1,8 million de ruches contenant près de 35 milliards d’abeilles.
On peut raisonnablement douter que l’on construira 35 milliards d’abeilles-drones, même si le prix unitaire est ramené à 10 dollars ou même 1 dollar (ce qui paraît peu probable vu les mises à jour technologiques suggérées par Eijiro Miyako). Ce n’est pas demain la veille que la technologie, en tout cas celle-là, va pouvoir compenser le problème que constatent les scientifiques depuis plusieurs années : la disparition des abeilles.
Un avenir menacé
En effet, partout dans le monde, le nombre des abeilles descend à une vitesse vertigineuse dont le rôle est crucial pour la pollinisation. En France, selon une étude de FranceAgriMer, le nombre des ruches a baissé de 20 % entre 2004 et 2010. Aux États-Unis, la tendance est encore plus inquiétante avec la disparition de près d’un tiers des colonies d’abeilles au cours du seul hiver 2012-2013.
Observé dès les années 1970, le phénomène alarme la communauté scientifique car il pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’écosystème et la biodiversité, mais aussi sur l’homme. Les causes sont encore mal cernées avec exactitude bien que le rôle de certains pesticides paraît au moins en partie responsables de la catastrophe en cours.
C’est dans ce contexte que des initiatives en amont et en aval sont prises. En amont, en cherchant à agir sur l’origine de la chute vertigineuse du nombre d’abeilles ; en aval, en imaginant des approches nouvelles. C’est le cas du projet porté les ingénieurs nippons. C’est aussi le cas d’Open Source Beehives, qui propose de mettre l’open source et l’open hardware au profit des abeilles avec des « ruches intelligentes » à réaliser soi-même.
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