Le samedi 14 janvier 2017, une fusée de SpaceX a décollé avec succès, envoyant dix satellites de la société Iridium en orbite, avant d’atterrir sans encombre. Un petit pas sur le long chemin que l’entreprise d’Elon Musk doit encore parcourir afin d’atteindre son objectif affiché : envoyer des hommes sur Mars. Si l’entrepreneur a porté son choix sur la planète rouge, celle-ci n’est toutefois pas la seule et unique option viable pour accueillir une future colonie humaine. La Lune et Vénus sont également deux possibilités étudiées par les scientifiques.
Mais selon Charles Wolforth et Amanda Hendrix, l’humanité doit porter son regard un petit peu plus loin, et plus précisément vers une lune de Saturne, baptisée Titan. Bien moins connue du grand public que ses trois consoeurs suscitées, cette lune, la seconde plus grande du système solaire, derrière Ganymède, une lune de Jupiter, est pourtant connue de l’humanité depuis plusieurs siècles, puisque l’on doit sa découverte à l’astronome hollandais Christiaan Huygens, en 1655.
Plusieurs auteurs de science-fiction se sont plus à imaginer des hommes s’y installant, d’Arthur C. Clarke (les Sables de Mars) à Kurt Vonnegut (les Sirènes de Titan), en passant par Isaac Asimov (les Anneaux de Saturne).
Et si la réalité dépassait un jour la fiction ?
Atmosphère protecteur et ressources abondantes
Pour les deux chercheurs, l’atout principal de Titan repose sur son atmosphère. Sa densité offre une protection contre les radiations, en particulier les rayons cosmiques, qui peuvent être fatals aux humains. « Il s’agit de particules hautement énergétiques provenant des supernovas », explique Charles Wolforth. « Elles causent des cancers et des lésions cérébrales importantes. Il est en outre très difficile de s’en protéger. Sur Terre, la quantité de vapeur d’eau présente dans l’atmosphère nous en préserve. »
Or, contrairement à Mars et la Lune, Titan offre également une protection contre ces radiations : « Titan possède une bulle protectrice autour d’elle, due à son atmosphère dense, composée d’azote et d’un petit peu de méthane, et à la magnétosphère de Saturne. » complète Amanda Hendrix. Les futurs colons de Titan seraient donc préservés du danger mortel posé par ces rayons cosmiques.
La pression atmosphérique permettrait également aux colons de s’équiper plus légèrement lors des sorties : « Grâce à la pression atmosphérique de Titan, les colons n’auraient pas besoin de porter des combinaisons pressurisées. Leur équipement aurait pour fonction de les tenir au chaud et de leur permettre de respirer. » explique Amanda Hendrix. « Cela signifie que s’il y a un accroc dans votre combinaison, il vous suffit de le combler rapidement pour ne pas mourir de froid. À l’inverse, dans une atmosphère à basse pression, un tel incident produit une dépressurisation instantanée, phénomène mortel pour l’astronaute. » développe Charles Wolforth.
Titan est également riche en ressources naturelles, comme l’explique Aman Hendrix : « La planète abrite d’importantes réserves d’eau, ainsi que des hydrocarbures à profusion. Les colons disposeraient ainsi d’eau potable, d’oxygène, obtenu à partir de ces réserves d’eau, d’énergie et de matériaux de construction. Ils pourraient par exemple fabriquer du plastique en grande quantité pour construire des habitacles. » Et malgré ces ressources, Titan est naturellement inhabitée. Aucune chance d’être confronté au Vugs, extra-terrestres amorphes et parieurs invétérés dont l’écrivain Philip K. Dick imaginait la présence sur Titan.
La planète abrite d’importantes réserves d’eau, ainsi que des hydrocarbures à profusion
Les deux chercheurs ne font pas pour autant une croix définitive sur Mars et Vénus. Ils estiment ainsi que ces planètes pourraient, un jour, accueillir des équipes de recherche scientifique. Mais pour installer une colonie de peuplement durable, Titan constitue pour eux la meilleure solution. Sur Mars, l’absence de protection obligerait les hommes à vivre sous Terre, tandis que sur Vénus, la fournaise qui règne à la surface a conduit la Nasa à envisager une cité dans les nuages, composée de sortes de zeppelins flottant à une cinquantaine de kilomètres au-dessus du sol, où température et pression atmosphérique sont très proches de ce que l’on trouve sur Terre.
Dans les deux cas, cela rend le développement de la colonie bien plus complexe que sur Titan, où les hommes pourraient vivre à la surface et se fournir en matériaux de construction sur place. « Pour avoir une colonie autonome, il faut que les habitants puissent facilement construire de nouvelles structures, comme sur Terre. Les habitants d’une cité flottant dans les nuages ne pourraient pas facilement agrandir leurs habitations, il leur faudrait importer du matériel depuis la Terre, voir les habitacles déjà construits, car les travaux de maçonnerie dans les airs risquent de s’avérer complexes. Même chose pour une cité souterraine sur Mars : un colon souhaitant rajouter une pièce supplémentaire à sa maison devrait auparavant effectuer une excavation… » imagine Charles Wolforth.
L’idée de terraformer Mars ne semble quant à elle pas réaliste à Amanda Hendrix : « Il faudrait des centaines de milliers d’années avant qu’une colonie humaine ne génère la création d’une atmosphère similaire à celle de la Terre sur Mars. Quant à l’idée d’accélérer le processus à l’aide d’explosions nucléaires, elle ne me semble pas souhaitable, pour des raisons évidentes. Cependant, Mars a pour avantage d’être relativement accessible, il serait donc intéressant d’y envoyer des astronautes dans un premier temps, voire d’y installer une équipe de chercheurs. »
Distance et gravité
La colonisation de Titan présente tout de même certains obstacles. La distance, d’abord, qui rend le projet impraticable dans l’état actuel des technologies. « Si nous voulions aller sur Titan aujourd’hui, le voyage nous prendrait sept ans. C’est naturellement trop long. Il faut auparavant réaliser des avancées en matière de propulsion. Les techniques d’accélération constante, notamment, constituent une piste prometteuse. » explique Amanda Hendrix.
« Les premières techniques de propulsion électrique existent déjà et ont été utilisées. Améliorer cette technique serait la clef pour accélérer la vitesse des vols spatiaux. Les fusées chimiques brûlant sur une courte durée, si l’on ajoute de l’accélération durant le trajet il est possible de réduire considérablement le temps de voyage. Pour l’heure, cependant, cette technique est encore au stade expérimental. » selon Charles Wolforth.
Autre obstacle : la gravité, légèrement plus faible que celle de la Lune. On connaît les séquelles causées par l’absence de gravité sur les astronautes dans la Station Spatiale Internationale, par exemple. « À zéro gravité, les humains perdent de la masse musculaire et de la densité osseuse. On constate également un impact sur le cerveau. En revanche, on connaît moins bien les effets d’une faible gravité, dans la mesure où de telles conditions sont très difficiles à simuler sur Terre. Il est toutefois fort probable que les colons devront se plier à des exercices physiques réguliers pour limiter les conséquences négatives. » prédit Charles Wolforth.
Assurer la naissance de jeunes colons sur Titan serait également un défi : « On ne sait rien de la reproduction à faible gravité. Peut-être les femmes enceintes devraient-elles être placées dans une centrifugeuse… »
En faible gravité, peut-être que les femmes enceintes devront être placées dans une centrifugeuse
Malgré ces obstacles, Charles Wolforth est convaincu de la viabilité et de l’importance du projet à long terme : « Les hommes ont toujours cherché à explorer leur environnement, découvrir de nouveaux lieux, franchir de nouvelles frontières. Installer une colonie sur une autre planète exige un degré d’énergie et de patience supérieur à tout ce que les hommes aient pu faire auparavant. Mais il s’agit sans doute aussi de l’un des projets les plus exaltants de l’histoire de l’humanité. »
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