Après la marche des femmes le 21 janvier, qui a rassemblé des centaines de milliers de manifestants dans le monde, une deuxième grande vague de protestation contre Donald Trump aura lieu très prochainement. La communauté scientifique est en effet en train d’organiser une marche citoyenne pour les sciences le 22 avril 2017, date à laquelle sera célébré le jour de la Terre.
Née aux États-Unis à la suite d’une conversation sur Reddit, l’initiative, qui devait être initialement limitée aux chercheurs américains, puisque ce sont eux qui se trouvent en première ligne face à la nouvelle administration Trump, est en train de prendre une toute autre dimension. En effet, la marche pour les sciences est devenue un mouvement mondial avec, en particulier, des défilés prévus en France.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, des manifestations sont prévues dans dix villes françaises : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris et Toulouse. Le site Marche Pour Les Sciences, déclinaison hexagonale de la mouture américaine, liste les pages de contact sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter) pour ceux qui auraient l’intention de participer.
Outre les actions prévues aux États-Unis et en France, la marche pour les sciences aura également lieu en Europe avec des cortèges pour l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Unis, la Suède et la Suisse. Des défilés sont aussi prévus en Chine, au Japon, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Mexique.
Des défilés partout dans le monde
En France, les responsables de plusieurs grands centres de recherche ont apporté leur soutien à cette démarche, comme Jean Chambaz, président de la Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises (CURIF), Alain Fuchs, président du CNRS Yves Lévy, PDG de l’INSERM, Philippe Mauguin, PDG de l’INRA, Antoine Petit, PDG d’INRIA et Daniel Verwaerde, administrateur général du CEA.
Le gouvernement sera également représenté puisque la secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation, Axelle Lemaire, a annoncé le 26 février s’être inscrite à la journée.
Comme le rappelle le communiqué commun publié sur le site du CNRS, cette initiative a été lancée par des scientifiques américains pour faire face à « de nouvelles politiques qui menacent d’entraver davantage la capacité des chercheurs de mener à bien leurs recherches et de diffuser leurs résultats ».
Plus explicite, la tribune publiée par Le Monde le 17 février par plusieurs scientifiques et reprise sur le site consacré à la marche pour les sciences rappelle que « dès ses premiers jours de fonction, le président Trump a cherché à contrôler les programmes de recherche susceptibles de recevoir des crédits fédéraux et a restreint la diffusion des résultats de grandes agences fédérales comme l’agence pour la protection de l’environnement, à la tête de laquelle a été placé un climatosceptique proche des lobbys de l’énergie ».
Signe de la défiance qui existe à l’égard de la communauté scientifique, toutes les références sur le changement climatique ont été retirées du site de la Maison Blanche le jour même de l’investiture de Donald Trump, malgré le consensus qui existe sur un phénomène physique qui fait l’objet d’un suivi international depuis bientôt trente ans.
Face à la posture prise par le président américain à l’égard des faits et de la science, des stratégies de résistance ont vu le jour outre-Atlantique. Ainsi, des scientifiques ont pris la décision de dupliquer des données de recherche sur des serveurs indépendants, au cas où ceux qui sont administrés au niveau fédéral étaient effacés sans crier gare, parce que ce qu’ils contiennent de collent pas avec la vision de Washington.
La communauté scientifique cherche la parade
D’autres ont ouvert des comptes «renégats» et «alternatifs » sur les réseaux sociaux, en particulier pour la Nasa, l’agence pour la protection de l’environnement ou encore les instituts nationaux de santé, qui échappent au contrôle du pouvoir fédéral. Enfin, des appels se font entendre pour délocaliser des symposiums à l’étranger afin que les experts venant de pays musulmans ciblés par le décret anti-immigration de Donald Trump, puissent toujours échanger avec leurs collègues.
Et les signataires de la tribune de rappeler que si les nouvelles venues d’Amérique ne sont pas très rassurantes, celles de France ont de quoi aussi susciter une certaine inquiétude. « Si la négation des résultats scientifiques – issus des sciences de la nature comme des sciences humaines et sociales – est pour l’heure moins développée en France qu’aux Etats-Unis, les motifs d’inquiétude n’en restent pas moins nombreux ».
Ainsi, ils rappellent que « cela concerne des prises de position répétées de nos responsables politiques: du haro sur la prétendue ‘culture de l’excuse’ des sciences humaines et sociales au retour du ‘roman national’ dans les programmes d’histoire, jusqu’aux sorties de route climatosceptiques d’un ancien président de la République, sans oublier l’intronisation du moteur Diesel ‘au cœur de la mobilité environnementale’ ».
Dès lors, la marche pour les sciences en France fera d’une pierre, deux coups. Tout en participant au mouvement mondial contre Donald Trump, elle enverra par la même occasion un message au personnel politique français. Ce qui, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, ne fera pas de mal.
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