L’incident s’est produit le 19 février 2017 à bord d’un vol entre Pékin et Melbourne : les écouteurs d’une passagère se sont subitement enflammés, alors qu’elle était en train de les utiliser. Le gouvernement australien a précisé le contexte de cet accident dans un rapport publié le 15 mars : deux heures après le décollage de l’appareil, la passagère a entendu une détonation, avant de ressentir une sensation de brulure sur son visage.
Après avoir porté les mains à son cou, la victime a jeté les écouteurs enflammés au sol. Une partie du personnel de l’équipage s’est empressé de jeter un seau d’eau sur l’objet, dont la batterie est restée ancrée au sol après que les flammes se soient éteintes.
Les explosions du Galaxy 7 ? La faute au lithium
L’incident met encore une fois sous le feu des projecteurs les fameuses batteries au lithium-ion, qui ont valu à Samsung un intérêt médiatique dont le constructeur coréen se serait sans doute passé. Rappelez-vous, c’était en octobre 2016 : un Galaxy Note 7, pourtant échangé par le constructeur et validé comme sûr, prenait feu dans un avion à quelques minutes du décollage.
Fin janvier 2017, Samsung révélait les conclusions de son enquête sur l’origine de l’explosion. Or, surprise surprise, la batterie au lithium-ion n’y était pas étrangère, le constructeur notant qu’un défaut de court-circuit ainsi qu’une soudure défectueuse pouvaient expliquer les explosions. L’entreprise s’était empressée de préciser que les batteries seraient à présent soumises avec une rigueur accrue à des tests de vérification (fallait-il en conclure que les précédents tests étaient trop laxistes ?).
Skateboard explosif ? Encore le lithium
Et ces batteries ne se contentent pas d’exploser dans nos appareils mobiles de type téléphone ou écouteurs. Ce fléau touchait en novembre dernier un modèle de skateboard électrique fabriqué par Boosted. Équipé de batteries, devinez comment ? Oui, au lithium-ion, encore.
Quelques mois auparavant , la crédibilité de ces batteries avait déjà volé en éclats, et pas n’importe où : devant les yeux du monde entier (ou en tout cas, devant une caméra de surveillance), une batterie lithium-ion s’était embrasée dans les locaux de la Nasa. L’agence américaine avait alors privilégié la piste de la surcharge de l’une des cellules de la batterie. Si la Nasa avait pu localiser l’origine de la panne, elle ne s’expliquait toutefois pas pourquoi l’explosion s’était produite avec une telle brutalité.
Des atomes de lithium mal rangés, et PAF ! c’est l’explosion
Pour comprendre ce qui rend ces batteries aussi explosives, et pourquoi elles continuent malgré tout d’être utilisées à grande échelle, il faut se lancer dans un petit cours de chimie. Baptiste Haddou, professeur agrégé préparateur du département Chimie de l’École Normale Supérieure, nous rappelle le fonctionnement classique d’une batterie.
« Elle est composée de deux bornes, appelées aussi électrodes. Dans le processus de décharge d’une batterie, les électrodes reviennent à leur état initial, ou naturel, si vous préférez. Au contraire, la recharge exerce une réaction forcée. »
La recharge exerce une réaction forcée, qui n’a rien de naturel
Deux composants forment une batterie au lithium-ion : le graphite, et l’oxyde de cobalt. « Le graphite est composé de plusieurs couches. Ce sont des feuillets de carbone, entre lesquels vient s’immiscer le lithium. Le graphite est une substance que l’on retrouve, par exemple, dans les mines de crayon. Le second composant est l’oxyde de colbat ; de la même manière, il est organisé en couches », poursuit Baptiste Haddou.
Au moment de la décharge, la réaction naturelle des atomes de lithium est de partir des feuillets. Au contraire, lors de la recharge, les atomes retournent se glisser entre eux, explique le chimiste. « Or, le nombre de places pour accueillir ces atomes, entre les feuillets, est limité. Dans le cas d’une surcharge, les atomes vont avoir tendance à se déposer à l’extérieur du feuillet, et vont se déplacer en direction de l’autre électrode. »
C’est un peu comme si vous rangiez une bibliothèque déjà pleine, ou trop vite : forcément, les livres vont tomber
À ce stade de l’explication, il est important de savoir que les deux plaques, qui composent la batterie de lithium, soit le graphite et l’oxyde de cobalt, (vous suivez toujours ?) ne sont pas censées se toucher. La surcharge entraine généralement un déplacement des atomes de lithium en direction de l’oxyde de cobalt. Cela se produit, notamment, quand la batterie est rechargée trop vite, ou bien plus que nécessaire.
« C’est un peu comme si on rangeait une bibliothèque, note Baptiste Haddou. Soit vous voulez ranger vos livres trop vite en faisant une pile, et vous courez le risque que cette pile s’effondre. Soit la bibliothèque est pleine, et à nouveau, vos livres vont tomber par manque de place. »
Si le lithium-ion continue à être utilisé dans les batteries, c’est en raison de la tension élevée générée par ce système chimique. Par ailleurs, il permet de concevoir des batteries compactes. Autrement dit, c’est lui qui nous évite d’avoir à trainer derrière nous des batteries de plusieurs kilos pour faire fonctionner un téléphone.
En outre, les matériaux qui le composent sont relativement peu chers, et sont faciles à trouver sur Terre. « Ils restent bien moins toxiques que ceux utilisés, par exemple, dans les batteries de plomb, celles que nous trouvons dans nos voitures », nous indique le chimiste de l’ENS.
Voilà donc pourquoi un défaut de conception ou une mauvaise utilisation d’une batterie — dans n’importe quel appareil — peut entraîner une surcharge qui peut être suivie d’un feu.
Batteries interdites en soute
Par ailleurs, et puisque la question revient souvent, quelques règles de base sont à respecter dans le transport de vos batteries à bord d’un avion. Notamment, de toujours emporter avec vous, en cabine, vos batteries et objets qui en contiennent, comme l’indique par exemple Air France dans ce récapitulatif. Vous imaginez bien pourquoi : si un feu se déclare en soute, le problème sera plus difficile à résoudre qu’un même incident en cabine.
En février 2016, l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) décidait de bannir les batteries lithium-ion de la soute des avions pour renforcer la sécurité pendant les vols.
Fuyez les revendeurs aux noms obscurs
Enfin, mieux vaut ne pas attendre de passer une porte d’embarquement pour s’inquiéter de la conformité des batteries présentes dans ses appareils. Un principe de base, mais qu’il est toujours bon de rappeler, est de ne pas acheter votre matériel sur un sombre site revendeur au nom inconnu. De même, une trop bonne affaire découverte sur Amazon, Leboncoin ou eBay n’est pas souvent une voie à emprunter.
Pour vous aider (et si vous avez du temps devant vous), vous pouvez parcourir la liste des différentes directives européennes indiquant quels sont les matériaux interdits ou dont la quantité est limitée dans les accumulateurs électriques. En 2006, le Parlement et la Commission européenne ont notamment publié un texte de référence sur le sujet, qui fait l’objet de révisions régulières pour tenir compte des questions de sécurité et de protection de l’environnement.
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