Cet article fait partie d’une série sur la conquête spatiale. Vous pouvez retrouver la première partie sur Titan, lune de Sature et la deuxième partie sur Vénus.
Parmi les planètes de notre système solaire, Mars est sans doute aujourd’hui celle qui suscite le plus d’espoirs et d’ambitions. En septembre 2016, la présentation par Elon Musk du plan de son entreprise SpaceX, pour établir une colonie de peuplement humaine sur la planète rouge a eu un immense retentissement. D’autres projets sont également en cours d’élaboration, comme celui de la Nasa, dont l’objectif est d’envoyer sur place une équipe d’astronautes et de scientifiques pour effectuer des recherches.
La planète, qui a servi de décor à de nombreux films de science-fiction, de Total Recall (inspiré d’une nouvelle de Philip K. Dick) à Seul sur Mars, en passant par les chroniques martiennes de Ray Bradbury, possède de nombreux arguments en sa faveur.
Elle constitue d’abord un sujet d’étude fascinant pour les scientifiques, comme l’explique Jim Wilson, porte-parole de la Nasa pour son projet d’exploration martienne : « Mars est la planète la plus semblable à la Terre dans le système solaire. Elle est également suffisamment proche pour que nous puissions nous y rendre. L’exploration que nous avons menée sur place à l’aide de robots nous a également permis de découvrir que la planète était jadis encore plus similaire à la Terre, et qu’elle rassemblait même les conditions permettant d’accueillir la vie. Nous savons qu’elle contient de l’eau à l’état solide sous sa surface. »
L’exploration de Mars serait donc l’occasion d’améliorer notre connaissance de ce passé encore obscur : « Une mission scientifique sur place nous permettrait de répondre à des questions fondamentales, quant à l’existence de formes de vie sur Mars dans le passé, et à l’hypothétique subsistance de celles-ci sous certaines formes aujourd’hui. Nous pourrions également en apprendre davantage sur l’histoire de notre système solaire et sur notre propre planète. Nous étudions Mars depuis plusieurs décennies, et sommes aussi convaincus du fait qu’il s’agit de la prochaine frontière tangible pour étendre la présence humaine dans le système solaire. »
Deux robots viendront s’ajouter à Curiosity et Opportunity
Des robots et des hommes
Dans cette optique, la Nasa prévoit une mission scientifique en deux temps, avec d’abord une exploration plus approfondie par des robots, puis l’envoi d’astronautes sur place. « Nous prévoyons d’expédier Insight, un robot d’exploration terrestre, au printemps 2018, puis, dans un second temps, le robot Rover en 2020. » affirme Jim Wilson. Le premier aura pour mission de creuser sous la surface pour permettre aux scientifiques de mieux comprendre l’histoire de la formation des roches qui recouvrent la planète.
Le second, de la taille d’une voiture, sera monté sur six roues, diposera d’un bras mécanique lui permettant de collecter des échantillons et d’une caméra pour explorer son environnement. Il étudiera les possibilités de vie humaine sur Mars, ainsi que les indices de vie passée. Ces deux robots viendront s’ajouter à Curiosity et Opportunity, deux robots de la Nasa qui sillonnent déjà la surface de Mars, et aux trois sondes spatiales MAVEN, Mars Reconnaissance Orbiter et Mars Odyssey. Deux sondes spatiales ont également été déployées par l’Agence Spatiale Européenne (Mars Express et ExoMars), et une autre par l’Indian Space Agency (Mars Orbiter Mission).
À plus long terme, l’objectif de l’agence spatiale américaine est d’envoyer une équipe d’astronautes sur la planète rouge. Pour cela, elle étudie d’une part les moyens de transport susceptibles d’amener l’équipe à bon port, et d’autre part les conditions permettant à cette même équipe de subsister au jour le jour durant le trajet et une fois sur place.
« Nous préparons actuellement la fusée Space Launch System et le vaisseau spatial Orion pour leur premier vol en commun, en 2018. Ce vol marquera le début d’une série de missions dans ce que nous appelons le « terrain d’essai » de l’espace, à proximité de la Lune, afin d’expérimenter les conditions de vie et de travail à distance de la Terre, avant de voyager jusqu’à Mars. L’une de ces missions consistera à faire vivre une équipe d’astronautes dans l’espace durant un an. » explique Jim Wilson.
« Nous utilisons également la Station Spatiale Internationale, véritable laboratoire sur orbite, afin de découvrir ce qu’implique de travailler et vivre dans l’espace, loin de chez soi, durant de longues périodes. Cela inclut notamment de faire pousser de la nourriture dans l’espace, de faire des exercices quotidiens pour demeurer en bonne santé, et de se protéger contre les radiations. » La Nasa a également commencé à étudier la surface de la planète rouge afin de déterminer l’endroit précis où une équipe d’astronautes pourrait se poser : « Nous utilisons de l’imagerie haute résolution et des données issues de nos sondes spatiales en orbite pour déterminer le lieu d’atterrissage optimal. »
« Nous utilisons de l’imagerie haute résolution et des données issues de nos sondes spatiales en orbite pour déterminer le lieu d’atterrissage optimal »
Vers la colonisation ?
Toutefois, précise Jim Wilson, les ambitions de la NASA demeurent purement scientifiques. « Bien que la colonisation soit aujourd’hui très débattue, notre objectif reste d’établir un avant-poste pour l’exploration scientifique. Coloniser implique de rester indéfiniment sur la planète rouge, et bien que nous espérions établir une présence humaine prolongée, nous réaliserons des missions régulières pour établir des rotations et ramener régulièrement des astronautes sur Terre. »
D’autres projets, comme celui de SpaceX, affichent bien plus clairement leur objectif d’établir une colonie de peuplement durable sur Mars. Elon Musk aspire ainsi à l’installation d’un million de colons sur place. Est-ce bien réaliste ?
La planète rouge possède certaines similitudes avec la Terre, qui permettent aux tenants de la colonisation martienne de défendre la viabilité de leur projet. « Mars possède des journées de 24h, une exposition solaire correcte, et une atmosphère composée majoritairement de dioxyde de carbone, ce qui permet d’y faire pousser certaines plantes. » affirmait ainsi Elon Musk lors de sa conférence, en septembre dernier.
Sur ce dernier point, de récentes expérimentations scientifiques semblent lui donner raison. Ainsi, en 2013, le chercheur hollandais Wieger Wamelink a commencé à faire pousser différentes variétés de plantes, fruits et légumes dans des conditions similaires à celles que l’on trouve sur Mars. S’il est parvenu à obtenir plusieurs récoltes, l’incertitude planait, jusqu’à très récemment, sur leur caractère comestible.
En effet, le sol martien contient plusieurs métaux lourds, toxiques pour l’être humain : il était donc à craindre que ces métaux soient absorbés par les plantes, qui deviendraient du même coup non comestibles. Or, l’an passé, des tests effectués en laboratoire ont permis de démontrer que des radis, des petits pois, du seigle et des tomates issues de son jardin unique au monde étaient bons pour être consommés. « Nous sommes déjà parvenus à faire pousser de la nourriture sur la Station Spatiale Internationale, et des études sont réalisées pour faire la même chose sur le sol martien. » confirme de son côté Jim WIlson. Un bon point pour le projet d’Elon Musk, donc (et pour la crédibilité du film Seul sur Mars, accessoirement).
Il est envisageable de générer de l’oxygène à partir de l’atmosphère de Mars
Ajoutons que si la température sur Mars est très froide, -65 degrés Celsius environ, elle reste plus proche de ce que l’on connaît sur Terre que sur n’importe quelle autre planète du système. Il est également envisageable de générer de l’oxygène à partir de l’atmosphère de Mars : la Nasa explore cette option à travers l’expérience MOXIE (pour Mars Oxygen In-situ resource utilisation Experiment).
Enfin, en choisissant le bon moment pour effectuer le voyage, celui où Mars et la Terre se trouvent dans la position la plus favorable l’une par rapport à l’autre, il est possible de faire le trajet en six mois minimum, et neuf mois maximum, ce qui est long, mais reste du domaine du possible.
Rayons cosmiques et faible gravité
Toutefois, l’environnement martien présente de sérieuses difficultés. La gravité, d’abord, qui représente 37,5 % de celle de la Terre. Si les effets d’une faible gravité sur le corps humain sont encore inconnus, l’expérience accumulée au sein de la Station Spatiale Internationale, où la gravité est inexistante, permet de dresser quelques hypothèses.
« Tout comme dans la Station Spatiale Internationale, les individus installés sur Mars devraient s’exercer pour maintenir la force de leurs muscles et de leurs os. On peut toutefois également supposer que cet exercice leur serait imposé par l’exploration de la surface et les différentes activités liées à l’installation. Ils seraient plus actifs et disposeraient de davantage de liberté de mouvement que sur la station spatiale internationale, où des astronautes ont pu vivre durant un an sans gravité, alors que Mars possède une gravité, faible, certes, mais une gravité tout de même.
Un individu pesant 90 kilos sur Terre aurait la sensation de peser 34 kilos sur Mars, et 16 sur la Lune
Grosso modo, un individu pesant 90 kilos sur Terre aurait la sensation de peser 34 kilos sur Mars, et 16 sur la Lune, mais dans la station spatiale internationale, il a le sentiment de ne rien peser du tout. L’une des difficultés potentielles posées par une mission sur Mars est que les colons devraient passer de la gravité terrestre à une absence de gravité durant les six à neuf mois de trajet, pour retrouver un poids plus réduit sur Mars. Les conséquences d’un tel parcours sont pour l’heure inconnues. » détaille Jim Wilson.
Autre problème de taille : les radiations, et en particulier les rayons cosmiques. Engendrés par l’explosion de supernovas, ils transportent à travers l’espace des particules d’énergie circulant à une vitesse proche de celle de la lumière. L’exposition à ce type de radiations peut provoquer une hausse drastique du risque de développer des cancers, voire causer des lésions irréversibles sur le cerveau. Fort heureusement, sur Terre, l’atmosphère offre une protection suffisante contre ces radiations. L’équipage de la Station Spatiale Internationale, suffisamment proche de l’orbite terrestre pour bénéficier de la magnétosphère, est également protégé.
En revanche, les astronautes et colons éventuels faisant route pour la planète rouge seraient directement exposés à ces radiations. Et une fois arrivés sur Mars, l’absence de champ magnétique, couplée à la faible atmosphère, leur offrirait une protection bien inférieure à celle dont nous bénéficions sur terre.
De nombreux projets sont à l’étude pour contourner cette difficulté. La Nasa envisage notamment l’usage d’un matériau composé de nanotubes de nitrure de bore et d’hydrogène. Utilisé pour l’alliage du vaisseau, il permettrait de protéger l’équipage durant le trajet. Le matériel peut également être utilisé dans la confection des combinaisons spatiales, protégeant les colons lors de leurs déplacements à la surface de Mars. Construire des structures susceptibles de protéger leurs habitants des radiations est également une nécessité. L’une des options consisterait à vivre sous la surface, soit en creusant directement des excavations, soit en utilisant les cavités déjà présentes sur Mars, perspective qui n’est toutefois ni très réjouissante, ni très pratique, dans la mesure où toute construction nouvelle nécessiterait d’importants travaux d’excavation préalables.
C’est pourquoi un autre projet de la Nasa suggère de construire des igloos géants. La glace possède le double avantage d’être présente en abondance sous la surface de Mars et de protéger efficacement contre les rayons cosmiques. Une autre idée serait d’utiliser des champs de force autour des habitations, afin de reproduire le champ magnétique de la Terre en miniature…
Construire des igloos géants sur Mars ?
Enfin, la solution pourrait également résider dans l’alimentation : une étude récemment menée sur des souris de laboratoire a ainsi montré qu’introduire des prunes dans leur régime permettait de protéger leur organisme contre les radiations. Si de nombreuses pistes de réflexion sont ouvertes, aucune méthode ne permet pour l’heure de protéger avec certitude les futurs colons contre les radiations. La Nasa préfère donc s’en tenir, dans un premier temps, à une expédition scientifique susceptible d’accroître notre connaissance de la planète rouge et trouver, peut-être, de nouvelles solutions aux difficultés qui font pour l’heure obstacle à la colonisation.
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