Le temps où Google se contentait d'organiser et de hiérarchiser l'information à travers son moteur de recherche est révolu. L'entreprise américaine a depuis longtemps étendu son influence, achetant des startups ici, lançant de nouveaux outils là. La galaxie Google est immense, au point que le groupe américain concurrence de nombreux éditeurs et services qu'il recense par ailleurs.
Évidemment, la situation ne serait pas problématique si Google ne dominait pas la recherche. Or, la firme de Mountain View gère plus de 90 % des requêtes du Vieux Continent. C'est une situation inédite. Google peut décider seul de la manière dont l'information est agencée. Et dans la mesure où la société a des services à promouvoir, pourquoi ne pas les mettre en avant au détriment de la concurrence ?
Google a aujourd'hui la mainmise sur la recherche en ligne et s'en sert d'un levier au service de ses propres intérêts. Croire qu'une entreprise commerciale va se réguler d'elle-même pour la beauté du geste, au nom de son fameux slogan "don't be evil", relève d'une incroyable naïveté. L'algorithme utilisé pour organiser l'information étant secret, il est impossible de s'assurer que le groupe se comporte loyalement.
Comment, dès lors, éviter les conflits d'intérêts où Google est à la fois juge (le moteur de recherche) et partie (éditeur de services) ? La seule piste aujourd'hui viable est la séparation fonctionnelle, puisque le remède proposé par la firme de Mountain View, à savoir le positionnement de son logo sur ses propres outils, est une blague. Ça ne changera rien à la visibilité des concurrents que Google écarte.
En découpant Google, les autorités mettraient un terme à un nocif mélange des genres. Il faut que la recherche de l'information ne soit pas faussée par l'existence d'autres activités, notamment lucratives. C'est une piste avancée par le PDG de la SNCF, Guillaume Pépy, dans une tribune publiée début septembre dans Le Monde. Car les suspicions d'abus de position dominante sont fortes, surtout en Europe.
Ces risques commencent à être perçus par les parlementaires. Ce mardi, la députée socialiste Sandrine Mazetier a posé une question écrite à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique pour lui rappeler "qu'être écarté ou mal référencé peut donc avoir des conséquences dramatiques pour les opérateurs économiques, qui ont un besoin de trafic pour leur développement".
"Des acteurs français ont dû engager des actions judiciaires devant les tribunaux aux fins d'indemnisation en réparation du préjudice subi, aux motifs de certaines pratiques abusives de Google", rappelle l'élue, qui ajoute que "certaines PME françaises sont en situation de grave péril" à cause, justement, d'un classement devenu défavorable pour elles.
Sandrine Mazetier veut donc savoir quelles meures la ministre compte mettre en place pour de garantir le pluralisme et, en cas de carence des autorités de régulation, si Fleur Pellerin entend prendre des mesures adaptées et proportionnées visant notamment à :
- séparer les activités de moteur de recherche vers les liens naturels et les activités verticales favorisant les propres contenus du monopole ;
- assurer la transparence du code de l'algorithme afin d'en finir avec les manipulations et les référencements discriminatoires ;
- mettre un terme aux pratiques exclusivité.
La marge de manœuvre des autorités françaises et plus généralement des autorités européennes et américaines promet d'être limitée, dans la mesure où Google mobilise d'énormes moyens pour défendre ses intérêts. Et l'entreprise sait recruter dans les plus hautes sphères, à l'image de cette embauche réalisée au sein du Conseil d'Etat lui-même.
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