C'est une révolution culturelle dont on ne parle que très peu en France. A partir du 1er avril prochain, deux très puissantes organisations britanniques de financement de travaux de recherche médicale et scientifique exigeront que les travaux qu'elles ont financé en tout ou partie fassent l'objet de publications de type Open Access, qui garantissent la gratuité d'accès et un certain niveau de liberté de réutilisation des données.
Il s'agit du Wellcome Trust, qui verse environ 700 millions d'euros chaque année et est considéré comme le deuxième plus gros contributeur mondial à la recherche médicale, et du Research Concils UK (RCUK) qui fédère les sept conseils de la recherche publique britannique, lesquels investissent collectivement 3,5 milliards d'euros chaque année.
Les deux fonds débloqueront de l'argent pour permettre aux chercheurs de payer les frais exigés par les revues scientifiques prestigieuses, qui fondent une partie de leur modèle économique sur la facturation d'un "droit de publication" auprès des chercheurs (avec une fourchette de prix qui peut aller d'environ 1000 à 15 000 selon les titres). A horizon 2017, le RCUK espère ainsi réussir à publier 75 % des travaux qu'il finance dans les revues à publication payante, dites "Gold Open Access", le reliquat étant publié sur des archives publiques gratuites, dites "Green Open Access". En contrepartie, les deux organisations exigent que les travaux soient publiés en Open Access, avec les droits les plus permissifs possibles accordés au public.
Or, même si les scientifiques ont été très actifs à pousser vers l'adoption générale d'un modèle d'Open Access, il semble que les chercheurs soient dans les faits réticents à accorder au public quasiment tous les droits sur leurs publications.
En effet, la revue Nature a publié des statistiques issues de son propre service de publications en Open Access, Scientific Reports, qui laisse aux scientifiques le choix de la licence Creative Commons qu'ils souhaitent associer à leur publication. Il en ressort qu'entre le 8 novembre 2012 et le 21 janvier 2012, sur 273 articles acceptés sur la plateforme, seulement 5 % étaient sous la licence CC-BY, qui est la plus permissive de toutes (elle autorise quiconque à faire ce qu'il veut de la publication, à condition simplement de citer les auteurs). 83 % des publications étaient sous la licence CC BY-NC-ND, la plus restrictive de toutes, qui demande au public de ne pas faire d'utilisation commerciale de la publication, et de ne pas en faire de travail dérivé, par exemple pour l'enrichir ou la citer en longueurs dans un autre article.
Un choix de licence "libre et éclairé" ?
Les statistiques montrent néanmoins que le choix est largement influencé par l'ordre dans lequel sont présentées les licences au moment où le chercheur doit faire son choix, ce qui montre que les chercheurs ne font pas un choix mûrement réfléchi. La licence la plus restrictive est en effet passée de 58 % d'utilisation entre juillet et novembre 2012, à 83 %, lorsque Scientific Reports a décidé de la mettre en tête des options. En revanche, lorsqu'il n'y avait le choix qu'entre deux licences, d'abord CC BY-NC-SA (qui accepte les travaux dérivés mais en les partageant sous les mêmes termes), puis CC BY-NC-ND, cette dernière ne représentait que 25 % des choix.
Interrogés par Nature, des militants de l'Open Access estiment qu'il ne faut pas donner le choix aux chercheurs, et imposer la licence la plus permissive. D'abord parce que les chercheurs ne comprendraient pas vraiment les différences entre les licences, ni surtout les implications pratiques du choix de l'une ou l'autre. Par exemple, réserver les droits commerciaux empêche non seulement un éditeur d'imprimer la publication dans un livre ou une revue payante, mais aussi un blog de le faire s'il a le malheur d'avoir une bannière publicitaire d'affichée.
Tous types de contenus confondus, les statistiques de Creative Commons montrent que la licence la plus utilisée serait la BY-NC-SA (29 %), devant la BY-NC-ND (18 %). La plus permissive, la licence BY, ne serait utilisée que sur 10 % des oeuvres.
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