Examinant le contenu d’une campagne publicitaire pour Ricard, la Cour de cassation a imposé une lecture stricte du cadre légal de diffusion des publicités pour l’alcool sur Internet. Elle précise notamment que le fait de procéder à une campagne virale pour que les messages soient diffusés par les consommateurs eux-mêmes ne permet pas d’échapper à la régulation de la publicité.

Ricard avait cru trouver toutes les astuces nécessaires pour contourner la loi encadrant la publicité pour l’alcool, mais il se fait rattraper par la justice. Dans un arrêt du 3 juillet 2013 mis en ligne par Legalis, la Cour de cassation a jugé que le vendeur d’alcool avait violé les dispositions du code de la santé publique avec sa campagne publicitaire « Un Richard, des rencontres« , diffusée notamment sur Internet en juin 2011.

La campagne reposait sur quatre tableaux illustrant les mélanges du Ricard, sur fond nuageux, et était accompagnée d’applications mobiles sur l’App Store (pour iPhone) et sur Facebook, destinée à permettre aux internautes de partager leurs « recettes » de cocktails basées sur la boisson anisée :

https://youtube.com/watch?v=qipd6d5LfU8%3Frel%3D0

En principe, l’article L3323-2 du code de la santé publique dispose que la publicité pour l’alcool est autorisée sur Internet, sauf sur les sites destinés à la jeunesse ou dédiés au sport, et « sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle« . Par ailleurs, l’article L3323-4 limite strictement ce qui peut être dit dans une publicité de produit alcoolique. Elle doit être limitée à « l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit« . Il autorise aussi les « références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit« .

Une campagne virale sur Facebook reste une publicité réglementée

Pour défendre sa campagne publicitaire, Ricard avait prétendu qu’il ne faisait qu’évoquer objectivement les « rencontres » de l’anis avec l’eau, la glace, la grenadine et la menthe, et que le chiffre précédé d’un dièse faisait aussi référence à des éléments objectifs (par exemple #34 faisait référence au pourcentage de jaune dans la couleur Pantone rouge du mélange Richard/grenadine).

Mais pour la Cour de cassation, qui suit les arguments de la cour d’appel, n’a pas apprécié l’argument. Elle estime que Ricard a utilisé le terme « rencontre » pour renvoyer « dans l’esprit du consommateur, non à un mélange d’ingrédients, ou à un cocktail, mais au rapprochement entre personnes, associant la boisson alcoolique avec la possibilité de nouer des relations inattendues et fortuites, constituait une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité« . Le graphisme nuageux utilisé renvoyait quant à lui à « une impression de légèreté, ou d’évasion« . Elle estime donc que le fabricant a outrepassé le cadre de la loi.

Par ailleurs, concernant la diffusion de la campagne Ricard sur Facebook, la Cour de cassation estime qu’une application qui diffuse sur les murs Facebook un message incitant à télécharger une application Ricard reste une publicité réglementée. Or la cour d’appel avait jugé que le message publié sur le mur était affiché de manière « intempestive, inopinée et systématique », donc intrusive. La cour de cassation confirme que « le fait que ce message soit relayé par l’intervention d’un internaute à l’intention de son « réseau d’amis » ne lui (fait) pas perdre son caractère publicitaire« , et que le message est bien illégal par sa forme.

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