C’est un très beau succès pour la recherche européenne. Installé depuis trois ans sur le Très Grand Télescope au Chili, l’instrument d’exploration spatiale Sphère a pour la première fois réussi à fournir le cliché d’une exoplanète, une géante gazeuse baptisée HIP65426b, qui se trouve à 385 années-lumière du Système solaire (une année-lumière valant 9 461 milliards de kilomètres).
L’exploit n’est en effet pas mince. À une telle distance, il est extraordinairement dur de capter la luminosité d’une planète ; sans parler de l’éclat propre de l’étoile autour de laquelle elle gravite. C’est comme vouloir détecter la lumière d’une bougie se trouvant à 50 centimètres d’un phare se trouvant à Marseille, alors que l’observateur se situe à Paris, explique le CNRS.
Heureusement, les scientifiques européens qui ont conçu Sphère ont pensé à tout : ils lui ont donné la capacité d’atténuer la lumière de l’étoile pour voir la planète située « à côté » (un « à côté » évidemment tout relatif : en l’espèce, HIP65426b gravite à plus de 14 milliards de kilomètres de l’astre, HIP65426 ; c’est plus du triple de la distance Soleil – Neptune !) : c’est ce qu’on appelle la coronographie.
À cette technique s’ajoute un miroir très particulier : déformable, il est capable de corriger plus de 1 200 fois par seconde et à une échelle nanométrique les effets de la turbulence atmosphérique (sachant que le Très Grand Télescope est déjà lui-même situé en altitude dans une région isolée, à 2 635 mètres, justement pour réduire les conséquences de l’atmosphère sur la qualité des mesures).
Coronographie et optique adaptative à la rescousse de l’observation lointaine
Cette optique adaptative permet ainsi à Sphère « de s’affranchir des contraintes de l’atmosphère et de permettre des observations comme si le télescope se trouvait dans l’espace », précise le CNRS, ce qui a ses avantages, à commencer par le fait de monter un programme moins onéreux par rapport à un Hubble ou à un James Webb, et de faciliter les missions de réparation, de maintenance et de mise à niveau.
En revanche, il ne faut se faire aucune illusion : le cliché direct de l’exoplanète ne vous offrira pas une vue en gros plan et en haute définition, à la manière d’une photo de la Terre que l’on prendrait depuis la Lune ou de la station spatiale internationale. Ce que Sphère peut vous montrer, c’est une petite tâche jaunâtre — l’image a été obtenue dans le domaine infrarouge — sur un fond noir.
Pour le grand public, ça ne sera sans doute pas très spectaculaire surtout s’il n’est pas conscient des enjeux. Mais pour la communauté scientifique, c’est une sacrée réussite, même s’il faut convenir que ce n’est pas la première fois que des exoplanètes ont pu être observées directement sur les 3 600 qui ont été détectées depuis 1995. Surtout que c’est une première pour Sphère.
D’ores et déjà, les techniques d’imagerie et de spectroscopie ont permis de récupérer un certain nombre d’informations sur HIP65426b, comme sa masse, évaluée entre six et douze fois celle de Jupiter (c’est une sacrée géante gazeuse), sa température, estimée entre 1 000 et 1 400 degrés, l’existence d’eau en atmosphère et la présence probable de nuages.
Des questions qui se posent
L’étude plus avant de ce système solaire lointain a toutefois laissé des questions sans réponse et ouvert d’autres problématiques. Le CNRS indique par exemple que les scientifiques s’étonnent de la formation de cette planète, alors qu’aucune preuve d’un disque de débris autour de l’étoile n’a pour l’instant été trouvé. Pourtant, ce disque est généralement pour ce type de systèmes extra-solaires
Deux hypothèses sont aujourd’hui envisagées :
Soit une formation dans un disque de gaz et de poussières, qui une fois dissipé, aurait donné lieu à une interaction entre la planète et d’autres corps célestes — ce qui expliquerait pourquoi son orbite est si éloignée ; soit deux étoiles se sont formées au même moment mais l’une est devenue plus massive, ce qui a empêché l’autre d’aller jusqu’au bout de son accrétion, la condamnant à rester au stade de planète.
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