Dans une interview accordée au Washington Post, Edward Snowden se félicite des conséquences de ses révélations sur l'ampleur des programmes de surveillance de la NSA. Il assure avoir voulu provoquer une remise en cause de la NSA, pour son propre intérêt, et être en passe d'y parvenir.

Pour la première fois depuis son exile en Russie, où il s'était pourtant officiellement engagé auprès de Vladimir Poutine à ne plus porter atteinte aux intérêts américains (ce qui n'avait convaincu personne), l'ancien collaborateur de la NSA Edward Snowden a livré une grande interview, menée pendant 14 heures sur deux jours, au Washington Post. Le lanceur d'alerte, qui a dû fuir son pays pour éviter des représailles après avoir déclenché un scandale international sur l'étendue des écoutes menées par les Etats-Unis, ne regrette rien. Bien au contraire.

"Quelqu'un devait être le premier", dit-il pour expliquer pourquoi il a décidé, lui, à 30 ans, de se mettre en danger pour dénoncer la disproportion des programmes de surveillance américains. Il raconte qu'avant de se décider à alerter la presse, il avait confronté ses collègues aux infographies des données, et qu'ils étaient souvent "stupéfaits d'apprendre que nous collectons davantage (de données) aux Etats-Unis sur les Américains que sur les Russes en Russie". Mais il se heurtait toujours à l'esprit de soumission à la hiérarchie — interrogée par le Washington Post, la NSA réplique qu'aucun des employés interrogés suite à l'affaire Snowden n'a déclaré avoir été informé de telles informations. 

"Pour moi, en terme de satisfaction personnelle, la mission est déjà accomplie", assure Edward Snowden. "J'ai déjà gagné. Dès que les journalistes ont pu travailler, tout ce que j'ai tenté de faire a été validé. Parce que, rappelez-vous, je n'ai pas voulu changer la société. J'ai voulu donner à la société la possibilité de choisir si elle devrait se changer elle-même".

"Tout ce que j'ai voulu faire, c'est donner au public la possibilité d'avoir son mot à dire sur la manière dont ils sont gouvernés".

Et c'est réussi. Au moins la question est-elle posée, notamment au Brésil ou en Europe, de se reposer davantage sur un stockage localisé des données, en ne faisant plus confiance aux hébergeurs américains — ce qui a poussé les industriels à demander que soit interdite toute obligation d'utiliser un cloud souverain. Les entreprises qui fournissent des solutions d'hébergement sont par ailleurs poussées à démontrer des efforts inédits de sécurisation des données, qui devient un critère de choix important. Au niveau politique, même si beaucoup reste à faire, Obama a assuré d'une reprise en main des activités de la NSA, pour en limiter la portée.

"Je n'essaye pas de faire tomber la NSA, je travaille pour améliorer la NSA. Et je travaille toujours pour la NSA actuellement. Il n'y a qu'eux qui ne le voient pas".

Même s'il parle exclusivement des Etats-Unis, ses propos peuvent aussi résonner en France. Notamment lorsqu'il affirme que la FISA, le tribunal secret chargé d'autoriser ou non les collectes de données, est manipulée par la NSA. En France, le Parlement vient de valider la loi de programmation militaire, qui confie le contrôle de la collecte de données en temps réel chez les FAI à la seule Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS), dont l'un des trois membres, Jean-Jacques Urvoas, cache qu'il en est membre lorsqu'il ment sur la portée de la loi. "Un cimetière de jugements", dit Snowden au sujet de la FISA.

Snowden réplique également à ceux qui considèrent que la collecte massive de données personnelles par des Etats n'est pas différente ou pas plus grave que la collecte massive de données par des entreprises privées comme Google, Facebook ou Twitter. Il rappelle en effet que le but des Etats est d'avoir la capacité d'utiliser ces données pour atteindre aux libertés, voire à la vie, des personnes découvertes et identifiées grâce à ces données. Au pire, les entreprises privées veulent mieux vendre leurs produits ou ceux de leurs clients.

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