Le 14 août est une date importante pour les astronautes à bord de la station spatiale internationale. C’est en effet ce jour qu’aura lieu le ravitaillement de l’ISS. SpaceX doit faire décoller du centre spatial Kennedy une fusée Falcon 9 embarquant le vaisseau cargo Dragon contenant tout ce dont l’équipage a besoin pour les mois à venir. Et une fois n’est pas coutume, il y aura aussi la livraison d’un supercalculateur.
De prime abord, l’initiative parait étrange : pourquoi diable envoyer une telle machine dans l’ISS alors que la place est limitée à bord et que ce genre de superordinateur occupe en général une place non négligeable ? Ne serait-il pas plutôt judicieux de le laisser sur Terre et de faire circuler les données entre l’ISS et les opérateurs au sol via une liaison sans fil ?
C’est tout à fait juste lorsque la distance entre la Terre et la mission spatiale n’est pas trop prononcée : c’est le cas pour la station spatiale internationale, qui n’est « qu’à » une altitude de 400 kilomètres, dans l’orbite terrestre basse, ou la Lune, qui évolue à un peu moins de 385 000 kilomètres. Les délais pour une communication offrent encore la possibilité d’avoir des échanges en (quasi) temps réel avec les opérateurs au sol.
Sauf que l’humanité a envie d’aller plus loin : les grandes agences spatiales veulent établir une nouvelle frontière, Mars. Or entre la planète rouge et la planète bleue, la distance minimale est de 55,6 millions de kilomètres (et ça n’arrive pas tous les jours : les deux mondes s’éloignent parfois jusqu’à 401,3 millions de kilomètres, ce qui oblige à ne pas louper certaines fenêtres de tir).
Distances trop importantes
Du coup, les communications en temps réel ne sont pas envisageables.
Dans le cas martien, le délai d’attente peut atteindre 20 minutes pour envoyer un message et 20 minutes pour obtenir une réponse (sans compter le temps nécessaire pour trouver la réponse à la question, la longueur dépendant de la complexité de la demande). Idem pour certains traitements de données. D’où l’idée d’envoyer plus de puissance de calcul dans l’espace.
« Un tel délai de communication long rendrait toute exploration sur le terrain difficile et potentiellement dangereuse si les astronautes sont confrontés à des scénarios de mission essentiels qu’ils ne peuvent pas résoudre eux-mêmes », note Alain Andreoli, le vice-président sénior et directeur général des infrastructures et des centres de données chez Hewlett-Packard Entreprise.
« Une partie des calculs nécessaires aux projets de recherche spatiale est toujours réalisée sur Terre en raison des capacités informatiques limitées dans l’espace, ce qui crée un défi lors de la transmission de données vers et depuis l’espace », poursuit-il. D’où l’idée de concevoir un supercalculateur spécial, le Spaceborne Computer, en collaboration avec l’agence spatiale américaine (Nasa).
La mission du superordinateur à bord de l’ISS durera un an. La station n’a certes pas directement besoin du Spaceborne Computer, dans la mesure où sa proximité avec la Terre lui permet d’avoir des discussions en direct avec la Terre ; en réalité, il s’agit surtout de tester la machine dans un environnement un peu plus hostile, à savoir l’espace, car elle doit être aussi fiable que possible.
Il a passé au moins 146 tests de sécurité et des certifications afin d’être approuvé
De la stabilité de l’alimentation électrique aux radiations, en passant par le risque des micro-météorites, les particules spatiales et le maintien constant du refroidissement, les facteurs à prendre en compte sont nombreux : aussi a-t-il fallu « durcir » le matériel pour qu’il puisse résister à l’environnement spatial. Un an de test en orbite terrestre basse devrait permettre d’avoir un bon retour d’expérience.
D’autant qu’un voyage vers Mars devrait prendre également près d’une année.
Selon Hewlett-Packard, le durcissement physique d’un ordinateur est chronophage, coûteux et a quelques désavantages — comme alourdir le matériel. L’entreprise a donc « adopté une approche différente » en durcissant aussi le logiciel : « il a passé au moins 146 tests de sécurité et des certifications afin d’être approuvé par la Nasa pour se rendre dans l’espace », explique-t-elle.
Un intérêt aussi pour la Terre
Pour la Nasa, « cette expérience va aider à identifier les points d’échec critiques dans les systèmes électroniques, ainsi que les correctifs logiciels potentiels qui peuvent les empêcher », dans la mesure où « les radiations sont susceptibles d’avoir un certain nombre d’effets imprévus sur les systèmes informatiques complexes ». Et à terme, ces travaux pourraient aussi bénéficier à la Terre.
L’agence rappelle aussi que certains phénomènes, comme les éruptions solaires, peuvent poser des problèmes sur Terre. « Les appareils informatiques sont de plus en plus utilisés dans une gamme étendue d’applications extérieures telles que les antennes-relais et les systèmes de surveillance du trafic », observe-t-elle. Mieux comprendre les effets de l’espace sur l’informatique sera utile pour la Terre.
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