Nous mettions encore en garde contre cette dérive la semaine dernière au sujet de Samsung et de sa base de données médicales, alimentée grâce aux objets connectés qui se proposent de surveiller en temps réel notre rythme cardiaque, la distance que nous parcourons à pied ou la qualité de notre sommeil. Parmi ceux qui ont le plus d’intérêts à acheter les données personnelles stockées et vendues par les géants de l’informatique grand public figurent en première ligne les assurances santé, qui disposent grâce aux technologies de médecine personnalisée d’une base d’informations sans précédent sur les comportements individuels des clients qu’ils doivent assurer, et qu’elles ont donc intérêt à influencer par une forme de chantage à l’assurance.
Ceux qui refuseront de voir leur activité surveillée pour vérifier qu’ils ne font rien de dommageable pour leur santé paieront plus cher leur assurance, voire n’y accéderont plus. Ou de façon plus pernicieuse, ceux qui accepteront de porter des objets connectés qui permettent à l’assurance de vérifier leur comportement auront le droit à des réductions tarifaires, mais devront alors s’interdire le moindre écart de conduite pour continuer à bénéficier des remboursements prévus au contrat. C’est ainsi la liberté individuelle qui risque de se dissoudre dans la mode du « quantified-self ».
Or les choses vont encore beaucoup plus vite qu’on ne le pensait. Sous couvert d’un jeu concours qui lui sert à tester quelques cobayes, AXA propose à 1 000 clients de sa complémentaire santé Modulango de s’équiper d’un Pulse, le podomètre connecté créé par Withings pour mesurer un ensemble d’informations tel que le niveau d’oxygène dans le sang, le rythme cardiaque, ou le nombre de pas effectués dans une journée.
50 euros de médecine douce offerts aux marcheurs
Pour motiver ses cobayes, AXA propose de leur offrir 50 euros de « chèque de médecine douce » s’ils font une moyenne de 7 000 pas par jour, ou deux chèques s’ils dépassent les 10 000 pas par jour. « Grâce à la pratique d’une activité physique, vous diminuez de 16 à 39 % le risque de développer un cancer du sein, de 25 % le risque d’être victime d’une attaque cérébrale, de 34 % le risque de diabète« , souligne AXA, qui diminue d’autant le risque de devoir rembourser les traitements des maladies concernées :
Même si elle est encore anecdotique à ce stade, il y a donc bien une incitative financière à livrer à l’assureur santé des données précises sur ses faits et gestes au quotidien. Selon le règlement (.pdf), « les participants doivent donner leur autorisation à la société organisatrice, pour compter leurs pas, sur une période d’un mois. La demande d’autorisation est envoyée dans l’email annonçant le gain du Withings Pulse. Si le participant accepte les conditions ses nom, prénom et adresse email sont alors transmis à la société WITHINGS, en charge de compter les pas sur la période d’un mois.«
Deus Ex Machina
Imaginez maintenant le jour (beaucoup plus proche qu’on ne l’imagine) où les objets connectés pourront vérifier que l’on mange bien cinq fruits et légumes par jour, ou au contraire que l’on n’ingurgite pas trop de graisses mauvaises pour le cholestérol, que l’on ne se couche pas trop tard le soir, que l’on ne reste pas trop longtemps exposé au soleil, ou au contraire que l’on ne reste pas trop longtemps enfermé à l’abri des sources de vitamine D…
Les études scientifiques plus ou moins sérieuses sur les comportements néfastes ou bénéfiques pour la santé ne seront plus de simples guides consultatifs, mais de véritables règles impératives qui s’imposeront aux individus. En particulier aux plus pauvres qui ne pourront pas risquer de s’offrir la liberté au risque de déremboursements, ou se permettre de payer plus chère leur assurance santé.
https://youtube.com/watch?v=FVGWxpnkRUQ%3Frel%3D0
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