Avec une part de marché supérieure à 90 % dans les principaux pays européens (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni), Google domine très largement le secteur de la recherche en ligne sur le Vieux Continent. En fait, l'omniprésence du moteur de recherche est telle que certaines expressions liées à ce dernier ont fini par coloniser le langage, en témoigne l'arrivée de "googliser" dans Le Petit Larousse 2014 ou la tentative d'inclure l'équivalent en suédois du terme "ingooglable" dans le dictionnaire.
Si elle ne fait pas les affaires des moteurs concurrents, qui doivent se contenter des miettes du gâteau de la recherche en ligne, l'importance de Google dans ce marché aurait pu ne pas être un problème. Il fut un temps où l'entreprise américaine se contentait d'être un simple moteur de recherche, dont la seule mission était de hiérarchiser toute l'information et de la rendre accessible à tous. Sa neutralité n'était pas remise en cause, Google n'étant pas directement concerné par le classement des sites.
De moteur à éditeur
Mais voilà plusieurs années maintenant que Google est devenu bien plus qu'un simple moteur de recherche. C'est désormais une galaxie de services et de produits dont chacun est désormais en concurrence avec les solutions d'autres sociétés. Or, les services et les produits de Google sont eux aussi référencés sur son moteur de recherche. D'où cette question : Google peut-il être à la fois juge (moteur de recherche) et partie (éditeur de services) et prétendre effectuer un classement désintéressé de l'information ?
Google étant à la fois juge et partie, le problème est de savoir si la hiérarchisation des sites est effectuée sur des critères objectifs ou si les algorithmes sont trafiqués de façon à prendre en considération les intérêts commerciaux de la firme de Mountain View. Or, il est aujourd'hui impossible de savoir si Google favorise ses propres sites ou ceux de ses partenaires dans la mesure où l'entreprise américaine refuse de lever le voile sur la manière dont il organise ses classements.
Accéder à l'algorithme de Google
Mais en Europe, l'enjeu de la neutralité des moteurs de recherche prend de l'ampleur. Dans un entretien accordé au Financial Times, cité par Business Insider, le ministre allemand de la justice et de la protection des consommateurs, Heiko Maas, a expliqué ne pas être très satisfait de l'attitude de Google en Europe. Pour lui, il faut que le groupe américaine révèle des détails sur son algorithme de recherche en vue de mieux protéger le consommateur.
Évidemment, la demande de transparence venant de Berlin s'est heurtée au refus de Google de publier le détail de son algorithme, au motif qu'il s'agit-là d'un secret commercial. La firme affirme que le service serait plus facilement exploité par les spammeurs. On notera que Google cite un fléau que connaissent bien les internautes, sans doute à dessein : il s'agit peut-être pour le groupe de rallier les internautes à sa cause, en mentionnant un mal qui les touche directement et qu'ils ne veulent pas subir davantage.
Pressions européennes
La sortie de Heiko Maas s'inscrit dans un contexte très particulier. Début juin, le ministre de la justice évoquait déjà dans la presse locale l'éventualité d'une scission de Google en plusieurs entités indépendantes, dans le cas où la firme de Mountain View continue d'abuser de sa position dominante dans la recherche en ligne. Ce démantèlement est aussi évoqué en France, par exemple par le patron de la SNCF, afin de séparer le moteur de recherche généraliste de ses autres activités sectorielles.
À l'échelle européenne, la Commission a décidé d'ouvrir en 2010 une enquête en abus de position dominante contre Google suite à de nombreuses plaintes de services estimant avoir été déclassés dans le moteur de recherche suite au lancement par Google d'un produit concurrent. Mais quatre ans plus tard, aucune sanction n'a été prononcée Les discussions se poursuivent et l'affaire semble s'acheminer progressivement vers une solution négociée sans toutefois résoudre le coeur du problème.
Mise à jour : Un porte-parole de Google nous assure que "cette question a été examinée avec attention pendant 8 ans au total aux Etats-Unis et en Europe. Les régulateurs ont conclu que nous n'utilisons pas nos algorithmes pour prendre nos concurrents pour cibles. Il peut paraître simple de rendre publics nos algorithmes afin que tous puissent en prendre connaissance, mais cela permettrait aux spammeurs, aux sites diffusant des malwares, et aux sites de mauvaise qualité de contourner notre système, ce qui nuirait à nos utilisateurs".
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