« Depuis 2008, Genodics propose une approche novatrice et non invasive dans les domaines de la viticulture, du maraîchage, de l’arboriculture et de l’élevage. Elle développe des applications du « procédé génodique », découvert et breveté par le physicien Joël Sternheimer et qui permet de prévenir et de traiter des maladies, et d’aider à la croissance et au développement, notamment dans des conditions de stress, dans le respect des organismes et de leur environnement. »
Sur son site tout de vert coloré, Genodics SAS se présente par ces quelques mots aux internautes. Depuis les années 1990, cette entreprise prétend expérimenter un « nouveau concept de biologie ondulatoire » portant le nom de « génodique ».
L’effet supposé des « protéodies » sur les plantes
Genodics explique se fonder sur les « protéodies », soit « des suites de fréquences sonores » qui auraient la faculté de réguler des processus biologiques. Autrement dit, toute l’activité de cette société tourne autour du fait que certaines musiques auraient des effets « sur la croissance de plantes. »
La société propose ainsi à ses clients, au nombre de 130 agriculteurs si l’on en croit Le Figaro, un protocole spécifique pour soigner leurs plantations menacées par une maladie. Les plantes atteintes doivent alors écouter pendant un certain temps une mélodie fournie par les soins de Genodics, via un « appareil de diffusion de protéodies. »
Depuis 2008, la gestion de cette entreprise — dont le chiffre d’affaire s’élève à 140 000 € — revient à un certain Pedro Ferrandiz, présenté comme biologiste et ingénieur agro-alimentaire. Sur son profil Linkedin, il précise avoir enseigné six ans en tant qu’ingénieur en sciences et technologies à l’Université Pierre et Marie Curie.
Un chiffre d’affaire de 140 000 €
Pourtant, son travail sur l’effet de la musique sur les tomates, consultable ici, n’a semble-t-il fait l’objet d’aucune diffusion dans une revue scientifique évaluée par des pairs.
Genodics est également présidée par Michel Duhamel, qui endosse le rôle d’ « ingénieur conseil en organisation. » Or, comme le relève cet internaute dans un thread sur Twitter, Michel Duhamel semble loin de l’ingénierie et paraît porter un intérêt particulier aux questions d’ésotérisme et de mysticisme.
Joël Sternheimer et ses découvertes « fondamentales »
Plus encore, Genodics met surtout en avant les découvertes de Joël Sternheimer, présentées comme « fondamentales » à l’activité de Genodics. Ce « docteur en physique théorique » serait également professeur à l’Université Européenne de la recherche.
Or, une visite sur le site de cet établissement amène à fortement douter de son caractère scientifique. Comme le font observer des membres de ce forum, l’activité de cette prétendue université semble avoir cessé en 2007.
Surtout, il ne s’agit pas d’une université : son site est hébergé par free.fr, et non un hébergeur universitaire. La fameuse découverte de Joël Sternheimer est évoquée sur la page du site consacrée à l’« historique des séminaires. » En tout et pour tout, une dizaine de lignes sont consacrées à sa soi-disant découverte sur le « code génodique. »
Alors que la véracité scientifique de l’innovation vantée sur Genodics mériterait très certainement de plus amples investigations, il suffit de taper le nom de l’entreprise dans Google pour trouver de nombreux articles consacrés à cette musique supposée sauver les plantes.
L’article consacré par nos confrères du Figaro à Genodics prend le soin de souligner, en convoquant les analyses de Bruno Moulia — directeur de recherches à l’Inra –, que l’efficacité de tels traitements n’a pas été démontrée scientifiquement ; sur France Musique, en revanche, moins de pincettes : on peut lire que « c’est ensuite la protéodie qui serait à l’origine du miracle. »
Un scientifique reconverti en chanteur yéyé
Contactée par nos soins, Catherine Lenne, botaniste et maître de conférence à l’université Clermont Auvergne, confirme et poursuit l’analyse dressée par son collègue Bruno Moulia. « Historiquement, les brevets de Genodics s’appuient sur la « théorie des protéodies » développée par Joseph Sternheimer. Celui-ci est un ancien scientifique qui échoua dans le système académique (concours d’entrée au CNRS) et se reconvertit en chanteur, dans la vague des chanteurs yéyé, sous le nom de scène d’Evariste », détaille-t-elle.
La botaniste ajoute que, grâce à l’argent gagné par cette reconversion dans la chanson, Joseph Sternheimer a ainsi poursuivi ses réflexion autour de cette théorie des protéodies. « Il finança ses propres recherches qui portaient sur une refonte de la mécanique quantique et d’une théorie physique dite « des ondes d’échelles », poursuit Catherine Lenne. Ceci déboucha péniblement sur une seule publication dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, jamais citée et totalement déconsidérée par les physiciens… mais aussi sur deux brevets. »
Une publication « déconsidérée par les physiciens », des procédés « jamais testés scientifiquement »
Catherine Lenne ajoute : « Ces derniers affirment qu’en transposant les ondes d’échelles liées aux vibrations des acides aminés lorsque les ribosomes les accrochent pour fabriquer la protéine, on peut alors prendre le contrôle de la séquence de la protéine fabriquée. Genodics a racheté ces brevets et vend maintenant des mélodies qui sont censées gouverner la synthèse de protéines de résistances aux maladies ou au stress de sécheresse… Ceci n’a jamais été testé scientifiquement. »
La botaniste nous a également invité à consulter ce forum, hébergé par le site Futura Sciences. Comme le souligne l’un de ses membres, « le dépôt d’un brevet n’est en rien une preuve de la validité d’un procédé » ; les travaux de Joseph Sternheimer y sont même jugés « charlatanesques. »
De son côté, Jean-Marie Frachisse, biologiste et chercheur au CNRS — et spécialisé dans la perception des contraintes mécaniques par les plantes –, se montre également sceptique à l’égard des promesses de Genodics.
« Une démarche esthétique et commerciale »
« Cette idée que l’on puisse associer une fréquence, et donc une musique, à un acide aminé, demande à être validée scientifiquement », nous déclare-t-il. Cela me semble davantage relever d’une démarche esthétique et commerciale, et je constate un manque d’expérience scientifique. D’autant plus, qu’à l’échelle moléculaire, cette fréquence n’est pas audible. » Selon le biologiste, le procédé vanté par l’entreprise « semble être un peu trop beau pour être vrai. »
« L’idée est séduisante et idyllique, je ne demande qu’à être convaincu par une validation selon les standards scientifiques », conclut-il.
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