L’affaire des batteries explosives restera encore probablement quelques temps une épine dans le pied de Samsung. En octobre 2016, un Galaxy Note 7 du constructeur coréen avait pris feu dans un avion, à quelques minutes du décollage. Début 2017, l’entreprise a révélé les conclusions de l’enquête menée sur l’incident, indiquant que la batterie de l’appareil n’y était pas étrangère.
Maintes fois remise en question, la crédibilité des batteries lithium-ion a peut-être décidé Samsung à explorer de nouveaux horizons pour charger ses appareils. Le Samsung Advanced Institute of Technology planche notamment sur l’utilisation du graphène pour améliorer ses batteries.
Lithium-ion et « boules de graphène »
Dans un long travail de recherche financé par Samsung, plusieurs scientifiques évoquent comment des batteries au lithium-ion seraient modifiées par une structure en « boules de graphène » (« graphene ball »). Ce revêtement pourrait booster l’autonomie de la batterie, ainsi que sa charge rapide, selon leurs observations.
Admettons que votre téléphone mette aujourd’hui 90 minutes à charger ; si l’on en croit l’institut, il ne faudrait pas plus de 18 minutes pour obtenir le même chargement avec une batterie dopée au graphène. Par ailleurs, les scientifiques estiment que cet ajout n’a pas d’incidence sur la durée de vie de la batterie : après 500 cycles de chargement, la batterie intégrant du graphène avait une rétention de charge de 78 %.
Le même mécanisme, plus performant
On aurait pu penser que les travaux de Samsung s’orienteraient plutôt vers une sécurisation de ses batteries ; or, il ne s’agit pas de la motivation première ayant conduit le Coréen à travailler sur les propriétés du graphène. L’objectif poursuivi est avant tout celui de la performance, comme nous l’ont confirmé deux chimistes que nous avons pu interroger sur le sujet.
Katia Guérin Araujo da Silva, maître de conférences à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand, nous précise que l’ajout du graphène ne change pas fondamentalement les batteries au lithium-ion déjà commercialisées : « La technologie en tant que telle reste toujours la même. Dans une batterie au lithium-ion, on a deux électrodes, une positive et une négative. Chacune a un potentiel. Du côté de l’électrode négative, le graphène remplace ici le graphite. »
«Il s’agit toujours d’une batterie au lithium-ion. L’amélioration porte sur la vitesse de charge »
Une analyse partagée par Mathieu Salanne, maître de conférences au laboratoire Physico-chimie des électrolytes et nanosystèmes interfaciaux (PHENIX). « Il s’agit toujours d’une batterie au lithium-ion. L’amélioration porte sur la vitesse de charge, mais le mécanisme en lui-même est inchangé », nous confirme-t-il.
Les réflexions autour de la conductivité et du potentiel du graphène occupent déjà les chimistes depuis plusieurs années. « Intégrer du graphène aux batteries au lithium est envisagé depuis plus de dix ans. En 2004, Andre Geim a reçu le prix Nobel de physique pour avoir réussi à isoler des feuillets de graphène, passant ainsi de la théorie à l’application. Le procédé proposé par Samsung est un premier cas concret », résume Katia Guérin Araujo da Silva.
Une stabilité relative, une conductivité certaine
En effet, l’ingénieure souligne que le graphène est un élément caractérisé par son instabilité : « Le graphène forme un plan, comme une feuille. Or, ce plan n’est pas très stable, il a tendance à se replier sur lui-même. »
Néanmoins, complète Mathieu Salanne, une fois maitrisé, le graphène offre une conductivité particulièrement intéressante, responsable de l’amélioration des performances d’une batterie. « Parmi les soucis qui occupent les constructeurs de batteries au lithium, il y a notamment celui de la stabilité, et celui de trouver des matériaux qui permettent d’atteindre de plus hautes densités d’énergie », note le professeur de chimie.
Il poursuit : « Par exemple, les oxydes utilisés comme électrodes dans la majorité des batteries, ne sont pas de très bons conducteurs électriques. Les boules de graphène permettent d’améliorer un matériau récent (un oxyde à base de Nickel, Cobalt et Manganèse) en augmentant sa conductivité électronique et l’accessibilité des ions lithium. ».
Pour Katia Guérin Araujo da Silva, l’arrivée du graphène dans les batteries au lithium-ion représente « une vraie rupture en termes de performance, et de nouveaux espoirs, notamment pour ses applications dans le domaine des véhicules électriques. »
«Une vraie rupture »
L’experte estime également que l’intégration du graphène pourrait bénéficier à d’autres industries, comme « l’aéronautique ou le spatial. » La légèreté du graphène, notamment si on le compare au graphite, est un autre argument en faveur du matériau ; d’autant plus que, rappelle la chimiste, « la masse des batteries est un enjeu important pour les industriels. »
Mathieu Salanne attire néanmoins l’attention sur les limites d’une telle comparaison. « Les batteries de téléphone et de voitures ne sont pas identiques, celles des téléphones sont souvent plus performantes et plus chères. Trouver une méthode de chargement rapide (par exemple, vingt minutes pour charger une Tesla ou une Renault Zoé) qui ne compromet pas pour autant la durée de vie de la batterie est un enjeu pour les constructeurs. »
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