Le corps humain sera-t-il demain un logiciel que des robots intelligents pourront débugger en temps réel, en intervenant sur les prémices de cancers ou les dégénérescences cellulaires pour réparer les dégâts dès qu'ils se produisent, et ainsi retarder très longtemps l'heure (plus tellement fatidique) de la mort ?

Dans une interview qu'il avait accordée à Computer World en 2009, l'informaticien et futurologue Raymond Kurzweil, pape du transhumanisme, avait affirmé que les hommes pourraient atteindre l'immortalité vers 2050, grâce aux nanotechnologies. "La réalisation future des nanorobots éliminera fondamentalement les maladies biologiques et le vieillissement", prédisait-il. "Je pense que nous verrons une utilisation accrue des dispositifs (nanotechnologiques) qui réalisent certaines fonctions à notre place. D'ici 30 à 40 ans, nous surmonterons la maladie et le vieillissement". 500 fois plus petits que l'épaisseur d'un cheveu, "les nanorobots patrouilleront nos organes et nos cellules qui ont besoin de réparations, et les réparerons simplement. Cela conduira à une profonde extension de notre santé et de notre longévité".

Trois ans plus tard, Ray Kurzweil fut recruté par Google, officiellement pour travailler sur l'apprentissage-machine et l'intelligence artificielle, un domaine où la firme de Mountain View investit massivement. L'auteur du génial et très angoissant Humanité 2.0 dispose des moyens colossaux de Google pour concrétiser sa conviction que nous sommes à l'aube de la singularité technologique, où l'homme ferait physiquement corps avec les technologies (notamment les réseaux de communication) qu'il a créées, et qui désormais le dépassent.

Le corps et le cerveau de l'être humain n'est plus qu'une matière brute initiale qu'il convient d'améliorer et de réparer constamment, par des technologies qui permettraient même à terme de rendre l'esprit indépendant du corps (songez à une sorte de sauvegarde de l'esprit "dans le cloud", qu'il serait ensuite possible de charger dans un autre corps).

Des nano-technologies déjà utilisées comme traitements

Même si nous sommes encore loin de ces scénarios de science-fiction, la science les éloigne de plus en plus de la fiction. Les montres connectées et autres bracelets d'activité sont autant d'outils préhistoriques de la médecine personnalisée qui, aujourd'hui se contente de surveiller le corps humain, et demain permettra de dispenser en temps réel des micro-doses de médicaments en fonction des besoins de chacun. Voire, si l'on croit Kurzweil, de piloter des robots nanoscopiques qui voyageront dans le sang.

C'est l'idée qui figure derrière les pilules de détection du cancer ou des maladies cardiaques, sur lesquelles travaille le laboratoire Google X. Il ne s'agit là encore pour le moment que de surveiller, mais il s'agira bientôt de soigner.

Les nano-technologies sont déjà testées pour des traitements contre le cancer, ou envisagées pour d'autres maladies comme Ebola ou le SIDA. Les progrès dans le domaine sont beaucoup plus rapides qu'on ne l'imagine, et les enjeux commerciaux sont immenses, ce qui ne fait qu'accélérer plus encore la recherche.

En 2013, le co-fondateur de Google Larry Page a annoncé la création de la très discrète société Calico, en partenariat étroit avec Apple. On ne sait rien de l'entreprise, si ce n'est qu'elle "se concentrera sur la santé et le bien-être, en particulier sur le défi de l'âge et des maladies associées". La société est dirigée par Arthur Levinson, ancien PDG du géant des biotechnologies Genentech, et membre du conseil d'administration d'Apple. Tim Cook avait salué sa nomination en disant qu'il n'y avait "personne de mieux placé pour conduire cette mission", et qu'il était "impatient de voir les résultats".

Selon Fortune, Calico serait la réduction de "California Life Company", ce qui en dit long sur son programme et ses ambitions.

Mais veut-on d'une société où le seul moyen de mourir sera de subir un très grave accident ou de se suicider en désinstallant toutes les nano-technologies qui nous gardent en vie ? La question pourrait bien se poser un jour. D'ici 2050 ?

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