C’était en 2018. Un débris était retrouvé par hasard sur l’île de Quéménès, au large du Finistère. Il était apparu que la pièce, dont la taille était proche de celle d’une petite voiture, venait d’un véhicule spatial appartenant à SpaceX. Une pièce ressemblant à une sorte de cuve, qui a laissé penser qu’il s’agissait de la coiffe de l’une des capsules de l’entreprise américaine.
Cette trouvaille surprenante d’un fragment de véhicule spatial n’est toutefois pas unique. En 2022, on rapportait la découverte d’un autre débris, cette fois en Australie. Toujours lié à SpaceX, il avait fini sa course dans un enclos à moutons. D’autres fragments avaient été retrouvés dans des propriétés aux alentours. Ils provenaient de la mission Crew-1.
Des découvertes qui entraînent des questions légitimes : par exemple, à qui appartiennent ces fragments lorsqu’ils finissent au sol ? Est-ce qu’on peut les garder s’ils finissent dans une propriété privée — un jardin ou, plus ennuyant, dans la maison, après avoir transpercé le toit ? En la matière, des textes résolvent déjà cette question.
Peut-on garder un débris spatial ?
L’article 8 du traité de l’espace (en forme longue, traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes) contient des dispositions spécifiques à ce cas de figure. Pour faire court, ce n’est parce que ça tombe chez vous que c’est à vous.
Ainsi, l’article 8 indique « qu’un État partie au traité sur le registre duquel est inscrit un objet lancé dans l’espace extra-atmosphérique conserve sa juridiction et son contrôle sur cet objet […]. La propriété des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique […] n’est pas affectée […] par leur retour sur la Terre ». La quasi-totalité des pays du monde a ratifié le traité.
C’est le cas des États-Unis, pays d’origine de SpaceX — dans le cas de la pièce trouvée en France, le nom de l’entreprise était en plus visible dessus, ce qui ne faisait guère de doute sur le propriétaire légitime. Le sujet se complexifie par contre si c’est une petite pièce qui finit au sol ou s’il s’agit d’un élément sensible qui est récupéré par un autre pays.
Dans le cas de la petite pièce terminant dans un jardin, sa chute pourrait ne pas avoir été remarquée.
En France, il existe le Grand Réseau Adaptée à la Veille Spatiale (GRAVES), qui détecte et suit les objets spatiaux évoluant de 400 à 1 000 km d’altitude. Ce radar est en capacité de repérer des objets de très petite taille, de quelques dizaines de centimètres. Cependant, il y a de plus en plus de cibles à suivre — surtout des satellites — et certaines pourraient être manquées.
En outre, il pourrait y avoir un manque de coopération entre les pays. Un objet sensible finissant sur le territoire d’une puissance rivale pourrait ne pas être restituée par elle. Dans un registre proche, les États-Unis ont refusé de rendre les restes du ballon espion chinois repéré au-dessus de leur territoire. Il a été abattu puis repêché par la marine, dans les eaux territoriales.
La propriété persiste aussi s’il finit sa course en dehors d’une juridiction particulière, comme en haute mer — libre à l’État concerné d’aller envoyer un navire le repêcher. Si une puissance étrangère l’obtient avant, un même scénario de refus de coopération peut advenir, si l’engin n’a pas souffert de sa rentrée atmosphérique et a une quelconque valeur.
Et en cas de dégât par un débris spatial ?
En principe, les États qui lancent des objets dans l’espace ou qui accueillent sur leur sol des entités privées ayant cette activité sont responsables des dommages causés par des débris. Que ces dommages aient été causés dans l’espace, par exemple sur autre satellite, ou lors d’un retour sur Terre. Cette responsabilité peut être encadrée par des licences et des contrats.
Dit autrement, si un morceau d’un lanceur de l’agence spatiale américaine (Nasa) finissait sa course dans une maison en France, et occasionnait des dégâts, ce serait la responsabilité de la Nasa qui se retrouverait en première ligne. Ou celle de SpaceX si ce scénario survenait. Mais la mise en application de cette règle théorique peut être jalonnée d’obstacles.
Il faut en effet pouvoir démontrer à qui appartient le débris ou l’objet spatial, s’il a été détecté. Les plus petits fragments pourraient ne pas être vus et il pourrait être impossible de déterminer la nation responsable. Il faut également la coopération du pays en cause, ce qui n’est pas non plus garanti. L’entreprise ou la nation mise en cause pourrait rejeter toute responsabilité.
Une affaire relativement célèbre montre les limites du cadre actuel et la difficulté à l’utiliser. À la fin des années 70, un satellite soviétique, Cosmos 954, s’est écrasé au Canada. À bord, un réacteur nucléaire, qui a propagé des débris radioactifs. Cela a nécessité une intervention américano-canadienne, à travers l’opération Morning Light, pour nettoyer la zone.
Le coût total de l’opération a été évalué aux alentours entre 16 et 17,5 millions de dollars. L’URSS a été sollicitée par le Canada pour couvrir une partie de ces frais — une facture de 6 millions de dollars a été faite. Cependant, Moscou n’a accepté de verser que la moitié de ce montant (3 millions de dollars). Certaines pièces étaient excessivement radioactives, suffisantes pour tuer.
À l’échelle d’une victime (si l’objet blesse ou tue une personne ou s’il provoque des dégâts matériels), l’assurance sera l’un des premiers points de contact pour savoir comment bénéficier de son aide. Les autorités aussi, via un commissariat ou une brigade de gendarmerie. Si le débris est assez gros, les autorités l’auront déjà vu et seront vraisemblablement déjà au courant.
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