Le 22 août 2018, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a donné l’autorisation à Compass Pathways, un laboratoire pharmaceutique londonien, de mener un essai clinique pour tester un traitement contre la dépression. Le médicament autorisé contient de la psilocybine, un principe actif présent dans certains champignons hallucinogènes.
La prise de drogues à des fins médicales intéresse de plus en plus la science, alors que le LSD, ce physchotrope hallucinogène plus connu sous son acronyme que son nom savant — le diéthylamide de l’acide lysergique — s’est déjà frayé un chemin dans la Silicon Valley pour remplacer le café, à faibles doses.
Une science inexacte
Quel est l’effet de ces « microdoses » de LSD sur l’organisme humain ? Ces faibles portions de drogues hallucinogènes pourraient-elles vraiment trouver un usage dans le domaine médical ? Certains attribuent à ce psychotrope la faculté de redonner un coup de fouet telle une vitamine, ou d’endiguer les effets de la dépression.
Réduire les quantités de LSD prises préserve-t-il les usagers des risques liés à la consommation de champignons hallucinogènes ? Comme le rappelait The Verge dans un long article l’année dernière, les utilisations du LSD à faible dose sont encore loin de constituer une science exacte.
Il faut remonter en 2012 pour trouver un intérêt balbutiant pour le microdosage des substances hallucinogènes, envisagé comme une solution médicale. Dans un livre baptisé The Psychedelic Explorer’s Guide: Safe, Therapeutic, and Sacred Journey (que l’on pourrait traduire par « Le guide de l’explorateur psychédélique : un voyage sûr, thérapeutique et sacré »), le psychologue James Fadiman présente « comment des doses extrêmement faibles [ndlr : de LSD] améliorent le fonctionnement cognitif, l’équilibre émotionnel et l’endurance physique ».
En compagnie d’autres chercheurs, il a d’ailleurs établi un protocole, afin de mieux comprendre les effets des microcodoses de substances psychédéliques sur l’organisme. Dans ce protocole, auquel les internautes peuvent choisir de participer via un formulaire en ligne, il explique qu’une microdose de LSD se situe entre 8 et 15 microgrammes, et entre 0,4 et 1,6 microgrammes pour la psilocybine.
Un protocole expérimental sur 400 volontaires
Le 21 avril 2017, James Fadiman a présenté, lors de la conférence internationale Psychedelic Science organisée en Californie, un premier aperçu des données récoltées via ce protocole. The Verge rapporte que l’étude comptait alors 410 volontaires — James Fadiman n’osant les qualifier de « sujets » en raison du caractère inhabituel de son protocole.
Les volontaires reçoivent en effet des instructions sur la manière de consommer la drogue, mais aucune directive sur la manière de s’en procurer — évidemment, puisque ces substances sont illégales. Avec cette étude, James Fadiman cherche à monter que des microdoses de ces substances — entre 5 et 10 % des « doses récréatives normales » — pourraient améliorer la productivité et soulager les dépressions que les médicaments habituels ne parviennent pas à soigner.
« Les effets dépendent des individus »
Interrogé par Numerama, Luc Maroteaux, directeur de recherche spécialisé dans la signalisation de la sérotonine à l’Institut du Fer à Moulin, souligne que l’usage de ces drogues a des fins thérapeutiques « pose la question de la frontière entre la drogue et le médicament ». Quant aux études qui vantent les mérites du LSD pour « améliorer l’état dépressif et avoir un effet anxiolytique », il invite à les nuancer : « Elles portent sur un nombre réduit de volontaires, souvent une dizaine de personnes », note le chercheur.
Généraliser les résultats obtenus par ces études avec des panels limités semble également délicat pour une autre raison : « Les effets de ces microdoses sur l’organisme dépendent de chaque individu, tient à souligner Luc Maroteaux. Ils risquent par exemple d’augmenter la pression artérielle, le rythme cardiaque et la température corporelle. »
Avant de pouvoir déterminer si les faibles doses d’une substance comme le LSD peuvent devenir un médicament, les scientifiques doivent mener davantage d’investigations — bien que celles-ci soient compliquées par l’illégalité de tels produits. « Il faudrait étendre les études sur des populations définies, sur un plus grand nombre de personnes », nous assure Luc Maroteaux.
En attendant de telles avancées scientifiques, les usages thérapeutiques du LSD se banalisent au sein de la Silicon Valley — et ailleurs — où l’absence de législation sur certaines molécules les rendent « faciles à trouver en ligne » selon le spécialiste.
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