« L’anesthésie pourrait ressembler davantage au sommeil normal que ce que l’on pensait initialement » : la neuroscientifique Katja Valli, de l’université de Skövde en Suède, fait partie du groupe de chercheurs qui s’est interrogé sur ce qui se produit dans le cerveau humain lors d’une anesthésie générale. Si l’on en croit ces spécialistes, nous serions capables de rêver, même lorsque nous sommes plongés dans cet état.
Leur article scientifique, publié dans la revue British Journal of Anaesthesia (dans le numéro du mois de juillet 2018), arrive à la conclusion que lorsque nous sommes sous anesthésie — qui entraîne la perte de sensations — nous ne perdons pas totalement conscience. Comme le rapporte New Scientist le 28 août 2018, il est difficile de comprendre les effets d’une anesthésie sur la conscience, car elle a pour conséquence de provoquer l’amnésie (une perte de mémoire).
Dans leur étude, Katia Valli et ses collègues ont tenté de remédier à cet obstacle en administrant, à des étudiants portés volontaires, des produits anesthésiques : 23 d’entre eux ont reçu de la dexmédétomidine, et 24 autres ont été anesthésiés avec du propofol.
Entre éveil et inconscience
Pour que ces sujets parviennent à garder des souvenirs de cette expérience, les scientifiques les ont réveillés une première fois, afin de recueillir leurs impressions. Pour les rendormir, ils ont augmenté la dose des anesthésiques de 50 %. Une fois revenus à eux, les sujets ont été interrogés une deuxième fois.
Or, ils sont plusieurs à s’être rappelés avoir rêvé — on leur avait expliqué que les rêves se produisent normalement lors de la phase du sommeil paradoxal. L’un des étudiants a expliqué se souvenir qu’il avait « creusé un trou », tout en ayant la sensation d’être allongé sur le lit lors de l’expérimentation.
Un volontaire se rappelle avoir rêvé qu’il creusait un trou
« L’absence de réponse induite par l’anesthésie n’induit pas une inconscience, ni même nécessairement une deconnexion », assurent ces chercheurs en conclusion. Si les doses d’anesthésiques données aux sujets étaient moins importantes que celles utilisées lors d’une intervention chirurgicale, l’expérience semble montrer que, pour reprendre l’expression de New Scientist, « la frontière entre l’éveil et l’inconscience est plus fluide qu’on ne pouvait le penser ».
Si cette barrière semble si floue, devons-nous alors douter de la capacité des anesthésiques à nous isoler correctement lors d’une opération chirurgicale ? Pour Katja Valli, cette recherche ne remet pas en cause l’efficacité d’une anesthésie générale : elle « provoque une profonde déconnexion […]. La douleur n’est pas ressentie, et les patients ne peuvent pas entendre ce qui se passe dans la salle d’opération », assure la neuroscientifique.
Ces observations montrent en tout cas que certains mécanismes mis en œuvre par le cerveau, cet organe capable de nous embarquer en plein trip psychédélique, n’ont pas encore révélé tous leurs mystères.
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