La communication télépathique entre cerveaux humains sera-t-elle un jour possible ? Si elle relève pour l’instant de la science fiction, une expérience menée par plusieurs neuroscientifiques semble faire un nouveau pas dans cette direction. Le 23 septembre 2018, des chercheurs de l’université de Washington et de l’université Carnegie-Mellon ont raconté comment ils ont réussi à faire collaborer plusieurs cerveaux.
Leur article scientifique, en attente de publication et consultable sur arXiv.org, détaille comment fonctionne l’outil « BrainNet » qu’ils ont conçu. Selon les chercheurs, il s’agit de « la première interface directe de cerveau à cerveau non invasive entre plusieurs personnes pour résoudre des problèmes en collaboration ».
Une partie collaborative de Tetris
Les chercheurs sont parvenus à « connecter » entre eux les trois cerveaux d’individus différentes, afin qu’ils établissent une communication sans parler ou même se voir, comme le note Boy Genius Report. Les trois organes ont travaillé de concert pour jouer à un jeu semblable à Tetris — le gameplay du jeu a d’ailleurs déjà servi à des fins thérapeutiques.
Pour parvenir à ce résultat, les neuroscientifiques ont utilisé deux technologies : l’électroencéphalographie, qui mesure l’activité électrique du cerveau à l’aide d’électrodes placées sur la tête, et la stimulation magnétique transcrânienne (ou TMS), qui suppose d’utiliser une bobine pour appliquer une impulsion magnétique au cortex cérébral. Ces techniques ont permis de « transmettre des informations de manière non invasive » aux cerveaux des participants.
Ces outils formant l’interface BrainNet ont servi d’intermédiaire entre les trois sujets humains pour établir une « communication directe de cerveau à cerveau » alors que les trois individus jouaient une même partie de Tetris. Sur les trois personnes, deux tenaient le rôle d’ « expéditeurs » : ils prenaient la décision de tourner les pièces qui tombaient successivement dans le jeu. Puisqu’ils ne pouvaient pas parler, ils devaient traduire cette décision par un regard vers des lumières, situées sur les côtés de l’écran.
Les expéditeurs devaient décider s’il fallait tourner la pièce
La troisième personne a endossé le rôle de « récepteur » : son écran était différent, n’affichant pas les pièces déjà posées au sol. Son cerveau recevait uniquement les informations transmises par les expéditeurs, par l’intermédiaire d’une stimulation magnétique de son lobe occipital (situé à l’arrière du cerveau). En fonction des informations reçues, le récepteur prenait la décision, « via une interface électroencépalographique », de tourner les blocs ou de les laisser comme tels.
Le jeu ne s’est pas arrêté à cette étape : les expéditeurs ont eu l’occasion d’évaluer la décision prise par le récepteur et de lui adresser leurs éventuelles rectifications.
Un futur « réseau social de cerveaux connectés » ?
Au total, cinq groupes de personnes se sont prêtés à l’expérience du BrainNet. Les scientifiques ont constaté que les sujets étaient parvenus à utiliser le dispositif pour réussir à bien positionner la pièce, avec une précision de 81 %. « Les récepteurs sont capables d’apprendre quel expéditeur est le plus fiable en se fondant uniquement sur les informations transmises à leur cerveau », notent les neuroscientifiques.
Bien que parler de « télépathie » soit évidemment un raccourci, cette étude fait un premier pas vers la création de « futures interfaces de cerveau à cerveau » qui permettraient à des humains de collaborer sans se parler ni se voir. Les chercheurs imaginent même l’éventualité qu’il existe un jour « un ‘réseau social‘ de cerveaux connectés ».
Les scientifiques imaginent que les futures interactions entre cerveaux permises par un médiateur comme BrainNet ressembleraient aux interactions sociales réelles : les récepteurs sauraient faire la différence entre les informations envoyées par différents expéditeurs et pourraient choisir celui en qui ils auraient le plus confiance.
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