À l’ère numérique (et un mois après la démission de Nicolas Hulot), notre consommation internet dépense une énergie folle aux dépens de la planète. Les data centers, notamment, l’une des étapes phares par lesquelles passent nos données, sont des puits énergétiques. À tel point que certains analystes s’inquiètent de les voir consommer un cinquième de l’énergie mondiale d’ici 2025.
Pourquoi internet est si mauvais pour l’environnement ?
Admettons que vous vouliez envoyer un mail. Vous l’écrivez sur votre ordinateur, puis vous appuyez sur « envoyer ». Les données qui constituent l’e-mail commencent alors leur voyage vers l’ordinateur de votre interlocuteur. Pour l’atteindre, elles passent par les câbles du réseau, mais aussi par un ou plusieurs serveurs (celui de votre entreprise, ceux de son hébergeur, celui, éventuellement, du destinataire de l’e-mail), eux-mêmes réunis dans un ou plusieurs data centers, ou centres de données.
Mais ces infrastructures consomment énormément d’électricité. Il en faut pour traiter les données, toujours plus nombreuses, mais aussi pour être certains que le service soit assuré en continu et, surtout, pour refroidir les équipements. Car, exactement comme votre vieil ordinateur peut devenir brûlant en quelques secondes si vous lancez un jeu un peu trop gourmand, la température s’élève très vite entre les rangées d’étagères dans lesquelles s’empilent des dizaines de serveurs.
Résultat, en 2015, pour assurer leur fonctionnement, les data centers français ont nécessité près de 3 TWh selon RTE, soit plus que ce que consomme la ville de Lyon sur un an.
YouTube consomme beaucoup
Bertrand Meaujan, responsable de la sécurité et de l’information chez l’opérateur télécoms Adista explique tout de même à Numerama que, pour évaluer la pollution d’un data center, « ce qu’il faut prendre en compte, c’est l’efficacité du service rendu. Car la consommation dépend de l’usage : l’informatique d’entreprise, la bureautique, c’est léger. Le streaming, pas du tout : Youtube, c’est le service le plus demandeur de chez Google. »
La consommation énergétique des data centers est donc dépendante de leur fonctionnement, de leur infrastructure, mais aussi de nos usages : plus on regarde Netflix, plus la facture s’alourdit. À l’échelle mondiale, l’augmentation du streaming a un vrai impact, de même que le développement croissant du cloud : stocker des photos dans le nuage, c’est en fait avoir recours à des serveurs délocalisés, réunis dans des data centers toujours plus grands.
En parallèle, Bertrand Maujean s’agace d’usages moins généralisés, mais à l’impact croissant : « Des data centers entiers ne tournent que pour faire tourner des cryptomonnaies, c’est un non sens ! » Effectivement, rappelle-t-il, le fonctionnement même d’une blockchain comme celle du Bitcoin impose que des milliers de personnes utilisent la force de calcul de serveurs, pour qu’à la fin, une seule d’entre elles ne valide une opération. « Autant dire que l’énergie utilisée par tous les autres serveurs mobilisés n’a servi à rien. » Et l’ingénieur d’espérer que la société réfléchisse plus aux impacts énergétiques de certains usages en ligne.
Bref, plutôt que de comparer directement la facture d’électricité de data centers dont les serveurs gèrent des activités tout à fait différentes, il faut donc s’intéresser aux postes de dépenses de cette électricité. Plus l’électricité sert à faire tourner les serveurs, mieux c’est, plus on en dépense pour l’infrastructure du centre de données, en revanche, plus on peut parler de gaspillage.
Des solutions pour rendre les Data center écolo
Et de ce point de vue, Gary Cook, analyste de Greenpeace en charge du rapport Click Clean, explique que de vrais progrès ont été faits dans les dernières années : « Avant, 50% de l’énergie était utilisée par les serveurs, 50% par le reste des fonctions des data centers. Aujourd’hui, le rapport tourne plutôt autour de 80% pour le premier, 20% pour le reste. » Et pour réduire les dépenses liées au refroidissement, les entreprises sont très imaginatives : Microsoft planche sur un data center sous-marin, par exemple.
Le plus grand data center du monde est en cours de construction dans l’Arctique, où la température extérieure est plutôt pratique. Pour atténuer la pollution d’un data center — et gagner de l’argent –, il y a aussi la possibilité de réutiliser la chaleur émise par les serveurs, pour chauffer des piscines ou des appartements, par exemple.
L’autre moyen d’éviter un impact trop négatif sur la planète, c’est de prendre les devants en se tournant vers des énergies vertes. « En déplaçant ses data centers vers des destinations où il était facile d’utiliser des énergies renouvelables, Facebook a aidé à ouvrir le marché », explique Gary Cook à Numerama.
« Les géants de la tech sont plutôt actifs dans le domaine »
« Globalement, les géants de la tech sont plutôt conscients, et actifs dans le domaine, ce qui permet d’avancer » ajoute-t-il. Google utilise ainsi 30% d’énergie renouvelable dans ses data centers, tandis qu’Apple, lui, a atteint les 100%. L’intérêt est double : ces entreprises soignent leur réputation, et elles se positionnent sur les nouveaux marchés énergétiques.
Le pouvoir de pression des utilisateurs
Mais cela n’empêche pas les reculs : l’analyste américain explique qu’Amazon a cessé de signer des accords sur les énergies renouvelables depuis 2016, quand bien même le déploiement de son service de cloud AWS implique des dépenses d’énergies toujours plus grandes dans ses data centers.
Pour éviter que ce type de tendance ne persiste, Gary Cook tient à souligner le pouvoir des clients et des utilisateurs : « S’ils font savoir qu’ils tiennent à ce que le circuit de leurs données respecte l’environnement, les fournisseurs de services, les hébergeurs… tous ces acteurs seront plus enclins à se pencher sur le sujet. » Et emboîteront peut-être le pas de Google, qui vient tout juste de signer avec le français Neoen : ce dernier fournira de l’électricité verte à ses centres de données.
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