Huit mois ont passé depuis le sommet AI for Humanity, organisé fin mars à Paris, au cours duquel le chef de l’État a promis 1,5 milliard d’euros sur cinq ans pour soutenir le développement de l’intelligence artificielle en France et fait siens les grands enjeux figurant dans le rapport du député Cédric Villani, à commencer par la recherche, les données et l’éthique.
Le domaine de la recherche, justement, fait l’objet d’une attention particulière du gouvernement, puisque deux membres de l’exécutif, Frédérique Vidal, la ministre en charge de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’État au Numérique, ont dévoilé le mercredi 28 novembre à Toulouse la « stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle ».
Composé de plusieurs axes, ce plan va bénéficier au cours des quatre prochaines années d’une enveloppe de 665 millions d’euros de la part de l’État, montant qui grimpera à un peu plus d’un milliard d’euros pour la période 2019 – 2022, grâce au concours des industriels partenaires et des établissements publics. Six grandes initiatives bénéficieront de ces fonds au cours des prochaines années.
1. Des instituts interdisciplinaires en IA
Au début du mois de novembre, quatre sites ont été présélectionnés pour devenir des instituts interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle (3IA) : Grenoble, Nice-Sophia Antipolis, Paris et Toulouse. Leurs champs d’études incluront la santé, l’environnement, l’énergie, les transports et le développement des territoires. Ils bénéficieront d’une enveloppe de 300 millions d’euros, dont 200 millions de l’État.
La labellisation définitive de ces sites doit survenir l’année prochaine, après le dépôt de leur projet détaillé. Ces instituts ont vocation à interagir avec « l’ensemble du potentiel français en intelligence artificielle », explique le ministère. Le programme est piloté par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), à qui il est demandé de développer et accélérer la croissance de cet écosystème.
2. Attirer et garder les talents
Attirer les talents étrangers, mais aussi retenir la recherche française sur le territoire national. Voilà le deuxième grand axe de la stratégie gouvernementale. À l’heure actuelle, il y a une vingtaine de chaires liées à l’intelligence artificielle. L’exécutif veut en créer 40 dès 2019 et en avoir à terme 190. La majorité de ces chaires (150) se trouvera dans les instituts 3IA, tandis que les autres (40) seront installées ailleurs.
L’effort d’attractivité se fera aussi au niveau des doctorants. Il est question de doubler le nombre de docteurs formés en intelligence artificielle, pour atteindre un rythme de croisière de 500 par an, au lieu de 250 aujourd’hui. Pour « attirer les meilleurs chercheurs mondiaux », une enveloppe de 80 millions d’euros est prévue, dont l’essentiel (70 millions) est apporté par l’État.
3. Soutien aux projets liés à l’IA
L’Agence nationale de la recherche bénéficiera de 100 millions d’euros sur les quatre prochaines années afin d’investir dans des projets de recherche en IA, notamment lorsque ceux-ci sont collaboratifs. Ce travail a déjà commencé, précise le ministère, avec 61 projets soutenus depuis le début de l’année, pour un montant de 27 millions d’euros.
Il est précisé que ces projets peuvent ne pas être directement liés à la recherche. Si des initiatives en matière d’algorithme, d’acquisition de connaissances ou de techniques d’apprentissage (profond, par renforcement, automatique…) sont les bienvenues, les projets davantage applicatifs sont aussi attendus, en particulier dans la santé, le climat, la biologie, le transport, la sécurité et l’agroalimentaire.
4. Supercalculateur dédié à l’IA
Quatrième axe du plan gouvernemental : l’installation d’un supercalculateur dédié aux travaux sur l’intelligence artificielle. Celui-ci doit être déployé début 2019 sur le site de l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (IDRIS) du CNRS, à Saclay, par l’opérateur national de calcul intensif GENCI. 198 millions d’euros seront mobilisés, dont 115 millions par l’État.
La puissance de calcul de ce nouveau superordinateur sera de 16 millions de milliards d’opérations par seconde (16 pétaflops). L’accès à cette machine sera ouvert à toute la communauté scientifique française, pour lui permettre d’accélérer l’aboutissement de ses recherches. Globalement, la France entend être le numéro deux européen dans la mise à disposition de ressources de calcul pour l’IA.
5. Partenariats avec le privé
130 millions d’euros, dont 65 millions de l’État, seront alloués au renforcement de la recherche partenariale, c’est-à-dire des travaux menés de front avec le secteur privé. Sur la part apportée par l’État, 20 millions d’euros iront pour le programme Labcom, 35 millions d’euros pour les instituts de recherche technologique et 10 millions d’euros pour les instituts Carnot.
Spécifiquement, le gouvernement souhaite la création de 50 laboratoires communs avec des petites et moyennes entreprises, ainsi que des entreprises de taille intermédiaire. Ce programme, en place depuis 2013, a déjà permis de faire naître 122 de ces « labcoms », dont 7 sont dédiés à l’IA. La contribution financière du secteur privé est naturellement équivalente à celle du secteur public.
6. Coopération avec l’Allemagne, l’Europe et le monde
Le dernier effort annoncé consiste à renforcer la coopération internationale, avec un focus spécifique pour l’Allemagne, dans la mesure où Berlin est le partenaire privilégié de Paris. 115 millions d’euros sont prévus. « Le couple franco-allemand est particulièrement performant en matière de recherche, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle », juge le ministère.
Concernant l’Allemagne, les axes de développement incluent un programme bilatéral dans la recherche fondamentale, des réflexions partagées en matière d’éthique ou encore une mise en réseau des centres de compétences, une mise en commun des ressources. La France soutient par ailleurs les initiatives européennes sur l’IA et s’est rapprochée d’autres pays, dont le Canada et le Japon, dans ce domaine.
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