« Nous arriverons à Soleil dans 15 minutes. » Il est environ 9 heures, le 14 novembre 2018, lorsque nous grimpons dans un véhicule qui doit nous faire prendre un peu d’altitude sur le Plateau de Saclay à Saint Aubin (dans l’Essonne). Non, nous ne partons pas en fusée vers l’étoile de notre système solaire : nous allons visiter le centre français de rayonnement synchrotron.
Avec ses 110 mètres de diamètre, le synchotron « Soleil » est une impressionnante installation. Les chercheurs de l’Institut d’Astrophysique Spatiale d’Orsay, un laboratoire qui possède aussi sa propre station d’étalonnage, l’utilisent régulièrement. À l’intérieur de ce synchrotron, des particules (électrons) sont accélérées et produisent, à chacun de leurs virages dans l’anneau, des rayonnements. Cette lumière brillante est utilisée autour de l’anneau dans des laboratoires appelés « lignes de lumière. » L’un d’entre eux, la ligne SMIS, est utilisée par des scientifiques de l’IAS pour analyser des matières extraterrestres.
Lumière infrarouge
Rosario Brunetto, responsable de l’équipe Astrochimie et Origines au sein de l’IAS, nous guide vers cette ligne de lumière. « La lumière infrarouge fournie par le synchrotron Soleil sur des petites poussières permet d’obtenir des informations sur la composition moléculaire de cette matière extraterrestre », nous explique-t-il.
Comment le synchrotron crée-t-il ces faisceaux lumineux qui permettent d’étudier des échantillons spatiaux ? « Les électrons sont stockés dans un anneau, détaille Rosario Brunetto. Ils passent à travers des éléments magnétiques, qui vont courber leur trajectoire. Ils vont alors perdre de l’énergie sous la forme de lumière. »
De précieuses poussières
Ces différents faisceaux couvrent un vaste domaine spectral, allant de la lumière infrarouge aux rayons X. La ligne SMIS fait partie de cette première catégorie : les astrophysiciens de l’IAS plébiscitent sa brillance « qui permet d’analyser des petites poussières, hétérogènes à la petite échelle », complète notre interlocuteur.
Plusieurs échantillons de célèbres missions sont déjà passés dans l’enceinte du synchrotron Soleil : des grains cométaires ramenés par la sonde Stardust de la Nasa (2006) et des échantillons récupérés par la sonde Hayabusa sur l’astéroïde Itokawa par la Jaxa (2010). Les experts de l’IAS suivent actuellement de très près la mission Hayabusa 2, qui devrait revenir avec des échantillons de l’astéroïde Ryugu.
À la recherche de matières organiques
Zahia Djouadi, maitre de conférence à l’IAS, s’intéresse à l’analyse des matières extraterrestres ramenées par de telles missions spatiales. Elle nous explique que son travail en laboratoire consiste à rechercher dans ces grains minuscules des « régions d’intérêt comme la matière organique, la matière minérale et la signature de l’eau. »
Ce n’est pas un hasard si l’astrophysicienne et ses confrères viennent spécialement au synchrotron pour observer les échantillons, après les avoir préparés soigneusement dans une salle blanche de l’IAS. La ligne de spectroscopie infrarouge SMIS permet d’analyser ces fragments sans prendre le risque de les détruire.
Éviter les attaques chimiques
« Cette technique envoie un signal sur l’échantillon, nous éclaire Zahia Djouadi. Il absorbe certaines énergies qui vont permettre aux molécules de vibrer. Cela évite de détruire le grain avec des attaques chimiques. »
L’utilisation de la lumière infrarouge produite par le synchrotron réduit ainsi les risques d’altérer ces fragments minuscules et si précieux : grâce à eux, les scientifiques tentent de mieux comprendre les mondes extraterrestres.
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