Tout y est. La surface légèrement sucrée du bœuf caramélisé sur le grill, la texture granuleuse, mais juste assez ferme, la saveur de charbon de bois qui se mélange avec celle du bœuf et l’allure d’une boulette cuite saignante, avec le contour bien doré et son cœur rosé. Même pour un grand amateur de viande, l’Impossible Burger 2.0 a de quoi plaire.
Il aurait été intéressant de faire un test à l’aveugle. Aurait-on été capables de différencier la fausse viande d’Impossible Foods de la viande hachée? Dans un burger, probablement pas. La ressemblance est trop proche et les condiments masquent les légères différences qui subsistent. En goûtant seulement la viande, l’illusion s’estompe un peu. La saveur caractéristique du bœuf est présente, mais pas avec la même intensité que dans une boulette bovine, par exemple.
Et si l’Impossible Burger 2.0 a dans l’ensemble aussi bon goût qu’un burger commercial, il est encore loin de ceux assemblés avec une boulette achetée chez un boucher qui choisit soigneusement ses producteurs et fait vieillir son bœuf avant de la hacher.
Malgré ces légers bémols, on répèterait volontiers cette expérience culinaire (mais une autre fois : quatre burgers d’un coup tombent un peu sur le cœur, qu’ils soient végétaux ou animaux).
Version 2.0 : le souci du détail
La première version de l’Impossible Burger lancée en 2016 était déjà pas mal. Sa saveur rappelait celle d’une viande hachée commerciale, et sa fausse chair donnait l’impression de saigner lorsqu’on la coupait, grâce à l’hème, « l’ingrédient magique » d’Impossible Foods.
C’est après avoir testé des milliers de protéines et de molécules que les chercheurs d’Impossible Foods ont découvert les propriétés de l’hème, une molécule présente dans tous les aliments, mais en concentration élevée dans la viande. L’hème est toujours l’élément central de la fausse viande d’Impossible Foods, qui contient aussi des protéines de soja, de l’huile de noix de coco, de l’huile de tournesol, des protéines de pomme de terre, de l’amidon et des vitamines.
La recette a tout de même été entièrement repensée pour cette version 2.0. « Nous ne pouvions pas améliorer notre produit avec des changements incrémentaux. Il fallait changer de paradigme. Nous connaissons déjà des dizaines de milliers de protéines végétales, mais pendant la dernière année et demie, nous avons beaucoup appris sur les façons dont elles interagissent », note le chef scientifique d’Impossible Foods David Lipman.
« Nous avions une douzaine d’éléments à améliorer pour cette seconde recette », poursuit le fondateur et PDG de l’entreprise Patrick Brown. Selon ce dernier, la version 2.0 offre notamment une meilleure texture, il est plus juteux, plus savoureux, il contient moins de sel et sa chaîne d’approvisionnement est plus durable.
« Avec la nouvelle texture, il est aussi possible de le cuire sur un gril. Avant, il fallait plutôt le cuire sur une plaque, car les boulettes s’émiettaient », ajoute pour sa part Laura Kliman, la « scientifique séniore pour la saveur » d’Impossible Foods.
Une boulette de burger d’un quart de livre (113 g) élaborée par Impossible Foods contient 14 g de gras (contre 23 g pour l’équivalent animal), 0 mg de cholestérol (contre 80 mg pour le bœuf), 240 calories (au lieu de 290 calories) et autant de fer et de protéines qu’une boulette bovine. Impossible Foods a aussi éliminé le gluten de sa recette. « Les amateurs d’Impossible Burger étaient catégoriques sur le fait qu’ils ne voulaient pas de gluten », précise le directeur des opérations et chef financier de l’entreprise David Lee.
Si la startup a écouté ses amateurs par rapport au gluten, il en va autrement de son utilisation d’OGM. L’hème que l’on retrouve dans sa fausse viande végétale a en effet été obtenue en insérant un gène de soja dans une levure alimentaire cousine de celle utilisée pour la fermentation des bières belges.
Patrick Brown aurait aimé l’obtenir d’une source naturelle, mais l’impact environnemental de la récolte aurait été trop grand. « De cette façon, c’est durable, il n’y a aucun danger pour la santé humaine et c’est meilleur pour l’environnement qu’en l’obtenant avec du soja ou qu’en recouvrant la planète de vaches. C’était la meilleure solution », lance-t-il sûr de lui.
L’hème selon Impossible Foods : un OGM durable et sans danger pour la santé
Tous les plats ne sont pas égaux
La possibilité de griller les boulettes n’est pas le seul avantage de la nouvelle texture de l’Impossible Burger : elle facilite aussi son utilisation dans des recettes variées. Ceux qui restent froids devant une boulette grillée entre deux pains (on vous juge) pourront donc utiliser la fausse viande dans leurs autres plats préférés.
Au lancement de l’Impossible Burger 2.0, une équipe de chefs avait d’ailleurs concocté un « bœuf tartare », des boulettes italiennes avec sauce tomate et des mini-tacos.
Les tacos étaient ceux dont le résultat final ressemblait plus au produit composé avec de la viande animale. Les boulettes italiennes manquaient de fermeté et le tartare n’offrait ni le goût ni la texture de la viande. La bouchée était en effet trop assaisonnée, et la texture, pâteuse.
Numerama a aussi essayé la fausse viande crue, sans aucun assaisonnement. Le goût et la texture étaient affreux, au point où il a fallu en jeter une cuillère à moitié pleine. « Nous n’avons pas optimisé le produit pour sa saveur crue », s’est défendu le chef scientifique d’Impossible Foods David Lipman, lorsqu’on lui a relaté l’anecdote. Peut-être pour la version 3.0 ?
Car version 3.0 il y aura. « Nous travaillons déjà sur la prochaine version de la viande », explique Patrick Brown. Pour lui, cette amélioration constante du produit est la clé du succès à long terme de son entreprise. Car pendant qu’Impossible Foods se réinvente, le bœuf, lui, a depuis longtemps cessé de progresser. Ce n’est qu’une question de temps pour le PDG avant que son produit ne rattrape et ne dépasse le bœuf à tous les niveaux.
Le bœuf haché n’est d’ailleurs qu’un seul élément sur lequel l’entreprise planche. « Nous voulons aussi faire des coupes traditionnelles, comme du steak », confirme David Lipman. Ces coupes représentent la moitié de la consommation de bœuf aux États-Unis. D’ici 2035, l’entreprise compte offrir un grand éventail de produits pour remplacer toutes les protéines animales de l’alimentation humaine, comme le porc, l’agneau, le poulet et le poisson.
Impossible Foods veut sauver le monde
Si la feuille de route d’Impossible Foods est aussi vaste, c’est que ses ambitions sont grandes. « Nous voulons sauver l’humanité de sa plus importante menace : les changements climatiques », explique Patrick Brown.
L’élevage d’animaux est en effet l’une des premières causes d’émission de gaz à effets de serre dans le monde, devant l’industrie du transport. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 33 % des terres non recouvertes de glace sur la planète sont désormais dédiées à l’élevage des animaux et à leur alimentation. L’élevage animal émet non seulement des gaz à effets de serre, mais les terres qu’il occupe pourraient aussi être utilisées autrement, si les humains mangeaient moins de viande.
Impossible Foods : la seule solution viable à long terme ?
« Mais on ne peut pas forcer les gens à le faire », estime Patrick Brown, avant d’ajouter que même la Chine a demandé à ses citoyens de diminuer leur consommation de viande il y a deux ans, sans que la demande ait d’impacts concrets. Pour ce dernier, il n’y a qu’une solution valable à long terme pour convaincre les carnivores de troquer leur steak pour des végétaux : leur offrir une solution de rechange aussi nutritive, savoureuse et abordable que la viande.
Sur ce dernier point, le fondateur note que même si l’Impossible Burger est encore un peu plus cher qu’un burger régulier, ce ne sera pas le cas pour très longtemps, à mesure que l’économie d’échelle lui permettra de réduire ses coûts. « Ça ne sera pas le bœuf haché le plus cher », promet-il.
À quand pour la France?
La viande végétale d’Impossible Foods est offerte dans 5 000 restaurants aux États-Unis, à Hong Kong et à Macao. L’entreprise a aussi annoncé au CES son intention de la mettre en vente dans des épiceries plus tard cette année. « Nos efforts internationaux se concentrent pour l’instant sur l’Asie, qui est responsable de 50 % de la demande mondiale pour la viande animale », note Rachel Konrad, directrice des communications pour Impossible Foods. Ceux qui veulent goûter l’Impossible Burger 2.0 en France devront donc prendre leur mal en patience.
En plus de devoir gérer sa croissance comme toute entreprise, Impossible Foods doit aussi dans certains cas faire approuver son produit par les autorités compétentes avant de le mettre en vente sur un nouveau territoire, à cause notamment de l’hème, qui est obtenue à partir d’un organisme génétiquement modifié (OGM).
L’entreprise offrira un jour ses produits en Europe, mais aucun échéancier n’a été annoncé pour l’instant. Rappelons que la production d’OGM est interdite en France, mais que son importation se décide à l’échelle européenne. Rachel Konrad assure d’ailleurs à Numerama que leurs « démarches légales en Europe sont déjà bien avancées ».
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