Dans un kit d’autotest d’intolérance au gluten, on trouve : une petite aiguille pour se piquer le bout du doigt, un capillaire chargé d’absorber une goutte de sang, une solution dont le PH est neutre et enfin un boîtier test dans laquelle la goutte de sang est insérée. En deux minutes, le résultat s’affiche, un peu comme sur un test de grossesse, positif ou négatif. La promesse de savoir si on est intolérant au gluten coûte une trentaine d’euros, avec un produit en vente libre, aussi bien en pharmacie que sur internet.
Sauf que l’expression d’intolérance au gluten regroupe plusieurs pathologies, avec plusieurs stades de gravité. La maladie coeliaque, d’abord, qui n’est pas réellement une intolérance mais une réaction auto-immune au gluten. Vient ensuite l’hypersensibilité, moins dangereuse et plus répandue. Et enfin l’allergie au blé, plus rare, qui enclenche des mécanismes immunitaires différents. En France, les problèmes liés au gluten touchent environ 7% de la population, avec 1% de malades qui présente une intolérance (la maladie coeliaque, donc) et 6% de personnes qui y sont sensibles. En tout, 4,6 millions de personnes.
Hypersensibilité ne veut pas dire intolérance
« Le problème est que pour distinguer ces pathologies, il faut quantifier le taux d’anticorps anti-transglutaminase [ndlr : des anticorps produits par l’organisme lorsqu’il n’arrive pas à absorber le gluten]. Ce que ne font pas les auto-tests. C’est soit positif, soit négatif », regrette Brigitte Jolivet, présidente de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag). Avec un résultat positif, impossible de savoir à quel stade d’intolérance on se trouve. « Les personnes touchées par la maladie coeliaque ont la paroi intestinale qui se détruit. Elles ont un régime alimentaire précis à suivre. Alors que l’hypersensibilité au gluten comporte bien moins de risques. »
Inutile, donc, de bouleverser son mode de vie tant qu’un diagnostic précis n’a pas été établi. « Il est d’autant plus important de bien distinguer les deux, que la maladie coeliaque a des conséquences sur le long terme avec des possibles complications. Alors que l’hypersensibilité ne présente aucun danger », complète le Pr Christophe Cellier, gastro-entérologie et hépatologue à l’Hôpital européen Georges Pompidou à Paris.
Le pire scénario est l’auto-diagnostic
Dans tous les cas, ces tests disponibles en vente-libre ne se suffisent pas à eux-mêmes. Les spécialistes le martèlent, il faut consulter un professionnel pour établir un résultat fiable à 100 %. Deux examens sont nécessaires. « D’abord, on fait une prise de sang. Ensuite, on confirme ensuite le diagnostic avec une biopsie duodenale. C’est-à-dire qu’on introduit une caméra dans l’œsophage du patient, on prélève un morceau de villosités intestinales. Et c’est la biopsie qui confirmera que la paroi de l’intestin grêle est effectivement atrophiée. »
Pour le Professeur Cellier, le pire scénario est l’auto-diagnostic, soit « les gens qui ont un résultat positif et qui se mettent à manger sans gluten du jour au lendemain. Sauf qu’après, il est impossible de savoir s’ils n’étaient pas seulement hypersensibles. Si on fait des tests, les résultats sont faussés. » Sans compter que le risque de faux négatifs, qui indiquent que le patient ne souffre d’aucune intolérance, alors que si.
« Vendus comme des savons ou des brosse à dents »
« Dans les pharmacies, il ne faut pas que ces auto-tests soient vendus comme des savons ou des brosses à dents. Je me suis déjà battue avec des laboratoires pharmaceutiques parce qu’ils n’insistaient pas assez sur le fait que c’est juste une indication et non un outil de diagnostic à lui-seul », insiste Brigitte Jolivet. Car 80 % des personnes souffrant de maladie coeliaque ne sont pas diagnostiquées. Et pour cause, les symptômes n’ont pas tous un lien direct avec des problèmes intestinaux. Diarrhée, fatigue, crampes, perte de poids, perte de cheveux, anémie, déminéralisation osseuse, problèmes de croissance chez les enfants sont autant de signes qui doivent poser question.
Pour certains, pas besoin de ressentir de tels symptômes pour utiliser un auto-test de diagnostic ou même de changer son mode d’alimentation. Le sans gluten est à la mode, et l’industrie le sait. « Toute cette tendance intervient dans un moment de conversion de masse au sans gluten. Les gens s’informent de plus en plus », estime le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue et hépatologue à Paris. « Les facteurs de confusion sont nombreux. Du coup, l’intolérance, c’est un no-mans land pour le moment. »
Un marché très lucratif
Pour les laboratoires et les grandes entreprises de l’agro-alimentaire, les acheteurs-cible ne s’arrêtent pas aux 4,6 millions d’intolérants. Le taux de pénétration du sans-gluten montre un phénomène qui va bien au-delà. 12 millions de personnes consomment régulièrement du sans gluten en France, selon LSA. Et le marché total pèserait environ 65 millions en 2016.
« Les gens se mettent à manger sans gluten et disent se sentir tout de suite mieux. Ils digèrent mieux, se sentent plus légers. Mais ça n’est pas dû à l’absence de gluten dans les aliments. C’est simplement parce que manger sans gluten, c’est manger plus sain, moins de junk food », sourit Brigitte Jolivet. Qu’importe, les aliments sans gluten sont plébiscités par une bonne partie de la population. Quant à l’offre disponible en rayon, 13,5 % des consommateurs, soit un Français sur sept, aimeraient trouver davantage de produits sans gluten dans leur magasin alimentaire. Soit le double du nombre de personnes réellement intolérantes au gluten.
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