Comment les astronautes gèrent-elles leurs menstruations une fois dans l’espace ? Leur est-il possible d’interrompre leur règles pendant leur mission ? À bord d’un engin spatial, avoir ses règles demande de l’organisation.

Aller à la plage pendant ses menstruations demande une certaine organisation. Du matériel, comme des tampons ou une cup, des vêtements pas trop clairs. Parfois, un peu de stratégie, pour celles qui ont le temps d’enchaîner deux plaquettes avant de partir en vacances. Alors imaginez partir de longues semaines, voire plusieurs mois dans l’espace.

Les conditions s’avèrent particulièrement rudes à bord d’un engin spatial, en particulier pendant les règles. Avec les vidéos d’astronautes s’amusant avec de l’eau apesanteur dans la Station Spatiale Internationale (ISS), on comprend vite à quel point, comme tout le reste, les liquides quels qu’ils soient sont volatiles en orbite. Si bien que maintenir une « hygiène personnelle pendant les règles dans l’espace peut être éprouvant, par exemple le peu d’eau pour se laver ou le fait de devoir changer ses produits hygiéniques avec la microgravité », peut-on lire dans une étude publiée sur le sujet en 2016 dans la revue Nature.

Pourtant, il n’existe aucune politique officielle, ni à la NASA, ni à l’Agence spatiale européenne. « Les astronautes sont libres de choisir si elles préfèrent avoir leurs menstruations de façon classique dans l’espace ou de choisir une pilule hormonale en continu afin d’éviter les écoulements de sang. Les astronautes sont conseillées par leur médecin spécialisé pour faire leur choix mais il n’existe aucune recommandation officielle allant dans un sens ou dans l’autre », explique un porte-parole de l’Agence spatiale européenne, qui ajoute que pour des raisons pratiques, « la plupart des astronautes choisissent de prendre la pilule sans interruption. »

Des centaines et des centaines de comprimés

En réalité, certaines situations ne semblent pas laisser le choix, comme pour les missions particulièrement ambitieuses. Une fois choisie pour participer à une mission spatiale, l’astronaute doit d’abord se former lors d’une longue période d’exercices. « Avec une phase intense d’entraînement avant le vol officiel, suivie d’une mise en quarantaine avant la mission, qui dure au moins six mois, le temps pendant lequel la contraception doit être efficace est considérablement allongé », expliquent Varsha Jain et Virginia Wotring, les deux auteures de l’étude.

Il faut compter deux ans avant d’être sélectionnée, deux ans d’entraînement, à nouveau deux à cinq ans de sélection, puis un an et demi d’entraînement, et enfin six mois de mission. En tout, 11 ans et environ 4 000 comprimés à ingérer. Pour se soulager et éviter les possibles oublis, les deux spécialistes suggèrent l’utilisation de « contraception réversible à action prolongée », comprendre, les stérilets et les implants sous-cutanés. Ils offrent des « avantages thérapeutiques sur le long terme, mais réduisent également les déchets à bord, comparé à une contraception orale. Il n’y a pas d’emballages à jeter et les problèmes liés à la stabilité du médicament sont aussi écartés. »

Nancy Jan Davis et Mae Jemison en 1992. // Source : Wikimedia/CC/Nasa

Nancy Jan Davis et Mae Jemison en 1992.

Source : Wikimedia/CC/Nasa

L’étude insiste aussi le confort global dont bénéficient les femmes qui choisissent de ne pas avoir leurs règles dans l’espace. « Stopper les cycles peut alléger ou améliorer certaines pathologies médicales, notamment les problèmes gynécologiques, comme la ménorragie [des règles abondantes ou prolongées] ou l’endométriose, des maladies hématologiques comme des troubles héréditaires hémorragiques, ainsi que des maladies neurologiques comme les migraines menstruelles. »

Les toilettes inadaptés de l’ISS

Admettons qu’une astronaute décide d’avoir ses cycles normalement pendant son voyage spatial. Elle peut donc emmener avec des protections périodiques qui seront stockées parmi les déchets de l’ISS et se débrouiller pour maintenir une hygiène corporelle correcte. Mais tous les équipements de la Station spatiale internationale ne sont pas pensés pour fonctionner malgré un afflux de sang.

« L’eau est une ressource précieuse et limitée dans l’espace. De ce fait, dès que cela leur est possible, les équipes en orbite recyclent l’eau utilisée, y compris leur propre urine », explique le site de la NASA. Pour ne pas manquer d’eau, les agences spatiales ont mis au point des systèmes de recyclage d’urine afin de la transformer en eau potable. Un procédé opéré grâce au Urine processor assembly (UPA), un Ensemble de traitement d’urines installé dans les toilettes de la Station spatiale internationale. L’urine des toilettes doit être insérée dans par l’UPA. Il permet d’obtenir, d’un côté, de l’eau potable et de l’autre, les déchets.

Mais cette machine ne fonctionne pas lorsque d’autres substances se mêlent à l’urine, comme le sang. « L’urine contenant du tissus menstruel ne peut être traité par l’Ensemble de traitement des urines. Les équipements sanitaires permettent en revanche de recueillir ce type d’urine séparément et de le mettre à l’écart dans un compartiment non recyclable. » Toute urine qui contiendrait un autre type de molécules ne peut pas être recyclé en eau, notamment lorsqu’un astronaute, homme ou femme, consomme des médicaments. « En cas d’utilisation d’un antibiotique par votre astronaute, il faut prévenir le médecin chef de la station côté NASA car il existe des procédures spécifiques dans ce cas-là, les mêmes que pour les règles », explique Brigitte Godard, médecin des astronautes, qui a suivi Thomas Pesquet et Samantha Cristoforetti, sélectionnée en 2009.

Dernière option, aller aux WC chez les Russes

« Toutefois, des équipements appropriés existent et peuvent être utilisés dans le cas où les astronautes feraient le choix d’avoir leurs menstruations », explique sobrement l’étude publiée dans Nature. Un seul WC dispose des équipements nécessaires. Il se trouve dans la partie russe de l’ISS. « À bord de l’ISS, soit il faut avoir contraception en continu, soit ce n’est pas un problème mais vous devez utiliser les toilettes des Russes, tant que les urines contiennent du sang », explique la médecin.

S’il n’existe aucune recommandation ou politique officielle, c’est peut-être aussi que ce problème concerne trop peu d’astronautes. Elles ne sont que 60 femmes, sur 545 astronautes, à avoir pu aller en orbite. En Europe, elles ne sont que trois. L’italienne Samantha Cristoforetti est a la dernière à avoir été sélectionnée en 2009, en même temps que Thomas Pesquet.

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