Vous avez attrapé un rhume récemment ? Peut-être avez-vous tenté de déboucher votre nez ou de soulager votre gorge à l’aide de médicaments aromatisés. Arômes fruités, mentholés, sucrés… sur les étals des pharmacies, ces produits acidulés, que l’on confondrait presque avec des bonbons, attirent souvent le regard.
Mais pourquoi certains médicaments, accessibles en vente libre ou sur ordonnance, sont-ils aromatisés ? À quoi sert-il d’ajouter une saveur artificielle aux comprimés ou poudres à diluer ? Nous avons tenté de comprendre si les arômes des médicaments ont une véritable utilité et où se trouve, dans leur commercialisation, la frontière entre médecine et marketing.
À quoi servent les arômes ?
« L’aromatisation n’a pas d’action thérapeutique. Elle sert principalement à masquer un goût ou une odeur désagréable », nous explique Christine Charrueau, maître de conférences à la Faculté de pharmacie de Paris. Elle est spécialiste en pharmacie galénique, c’est-à-dire la science consacrée à la fabrication, le dosage et la voie d’administration des médicaments.
Les aromatisants font partie de la famille des excipients, c’est-à-dire des composants d’un médicament — ou utilisés pour le fabriquer — qui ne sont pas le principe actif. Ils jouent un rôle dans la mise en forme du médicament. L’aromatisation ne concerne que les médicaments qui impliquent notre goût. Elle est utilisée dans « les formes administrées par voie orale et dans les préparations buccales qui ne sont pas avalées, comme les gels gingivaux », note notre interlocutrice.
Ce ne sont pas des principes actifs
La spécialiste prend un exemple pour expliquer le rôle des arômes dans les médicaments : le paracétamol. « Sous forme de comprimé à avaler, il est présent trop brièvement dans la cavité buccale pour que son goût soit perçu comme désagréable », précise Christine Charrueau. La situation est différente dans le cas d’un comprimé « orodispersible » (qui se dissout au contact de notre salive) : il reste plus longtemps dans la bouche, justifiant la nécessité de l’aromatiser. On peut citer l’exemple du DolipraneOro, qui contient un arôme menthe.
On comprend ainsi que l’aromatisation facilite l’ingestion du médicament en la rendant plus agréable pour nous. Ce confort a une utilité : il sert à « favoriser l’observance thérapeutique du patient. C’est le fait de suivre correctement son traitement tel qu’il est prescrit par le médecin », poursuit la scientifique. En l’absence d’arômes, nous pouvons risquer d’arrêter notre traitement si le goût d’un médicament nous déplait. « C’est un aspect crucial, en particulier chez les enfants », prévient Christine Charrueau.
Quels arômes sont les plus utilisés ?
Les arômes choisis dépendent des patients auxquels les médicaments sont destinés. L’arôme banane est apprécié des enfants. Dans les solutions buvables, « les médicaments pédiatriques sont souvent aromatisés aux fruits et au caramel », note notre interlocutrice. Pour les adultes, on utilise le plus souvent des arômes d’agrumes (orange, citron), la vanille et la menthe.
Ces arômes peuvent être associés à l’effet thérapeutique que l’on attend du médicament. « Prenons la vitamine C, présente naturellement dans les agrumes. Elle est fréquemment associée à des arômes orange et citron qui rappellent la vitalité », souligne Christine Charrueau, assurant qu’il s’agit clairement d’un « effet psychologique » — renforcé par l’usage des colorants.
Quelle est la part du marketing ?
Les arômes sont-ils toujours employés à bon escient ? Le risque de rendre les médicaments trop attractifs et d’encourager leur surconsommation en leur donnant un goût agréable existe. Réussir à atteindre le juste équilibre est complexe. « C’est délicat, car l’évaluation gustative est subjective, explique la spécialiste. Et il est vrai que la question de connaître la part du marketing se pose pour les médicaments accessibles sans ordonnance. »
Pour savoir comment sont encadrés les médicaments aromatisés, nous contactons l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). C’est elle qui examine les noms proposés par les industriels lors de leurs demandes d’autorisation de mise sur le marché. L’organisme nous renvoie vers ses « recommandations sur les noms des médicaments », publiées en 2018 à l’attention de ces fabricants. À la fin du document, un paragraphe est consacré aux arômes.
Il est possible de mentionner un arôme dans le nom d’un médicament. Cette mention « doit néanmoins refléter le nom de l’arôme principal entrant dans la composition du médicament, de façon neutre et sans caractère promotionnel », explique l’ANSM. L’agence ajoute qu’il ne faut pas que cela entraîne une confusion, qui laisserait penser que le médicament est une denrée alimentaire. Si un arôme est mis en avant sur un médicament, l’ANSM note que cela ne doit pas « banaliser le médicament et/ou inciter à une consommation inappropriée ou excessive de celui-ci, voire attirer l’attention des enfants.»
Les médicaments aromatisés peuvent-ils enfin changer nos propres goûts ? Christine Charrueau n’y croit pas : « Cela impliquerait une consommation très importante. Or, les personnes qui doivent prendre un médicament pendant une longue période décrivent plutôt une lassitude. »
Elle affirme en revanche que le choix des arômes utilisés dans nos médicaments dépend d’un facteur culturel. « Aux États-Unis, on peut trouver des arômes cola ou cannelle. Ils sont bien moins appréciés en France. Les goûts favoris sont différents d’un pays à l’autre », conclut-elle.
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