Que se passe-t-il lors d’un don de moelle osseuse ? Faut-il avoir peur de la douleur pendant cette intervention ? Comment devient-on donneur ? La directrice du Registre France Greffe de Moelle à l’Agence de la biomédecine nous répond.

Vous avez peut-être déjà donné votre sang ou votre plasma. Mais saviez-vous qu’il est aussi possible de donner de la moelle osseuse ? La semaine nationale de mobilisation pour le bon de moelle osseuse, du 1er au 7 avril 2019, est l’occasion de rappeler à quoi sert ce don et en quoi il consiste.

Premier point important : « il ne faut pas confondre la moelle osseuse et la moelle épinière, nous explique Evelyne Marry, directrice du Registre France Greffe de Moelle à l’Agence de la biomédecine. Le prélèvement dans la moelle épinière n’existe pas ! On prélève dans la moelle osseuse, qui est une sorte de maternité qui fabrique le sang. »

La moelle osseuse vu au microscope. // Source : Wikimedia/CC/Andrjusgeo

La moelle osseuse vu au microscope.

Source : Wikimedia/CC/Andrjusgeo

Quel est l’objectif visé lors d’un don de moelle osseuse ? L’intervention consiste à « prélever des cellules souches afin de régénérer la moelle. Ces cellules vont coloniser l’os du patient qui reçoit la greffe », poursuit la spécialiste. Cette greffe est destinée à des personnes atteintes d’une maladie du sang : or, ce « sont des maladies de la moelle osseuse. Elles touchent d’abord la moelle osseuse et se traduisent en périphérie », complète Evelyne Marry.

Le jour J : comment se passe le don ?

Il existe deux méthodes de prélèvement ; le choix ne dépend pas du donneur. Une première technique, employée dans 20 % des cas, consiste à réaliser un prélèvement par ponction intra-osseuse. « Il faut bien comprendre que nous avons de la moelle partout dans le corps. Au niveau du bassin, nous avons un renflement particulièrement riche en moelle », précise notre interlocutrice. C’est à cet endroit que la ponction est réalisée. Puisque le donneur doit être allongé sur le ventre au cours de cette intervention, l’anesthésie générale est préférée afin de lui éviter une position inconfortable.

Cette première méthode de prélèvement requiert une hospitalisation de 48 heures. Quant à la « cicatrice » laissée par cette intervention sur le corps du donneur, il s’agit en réalité d’un petit trou de quelques millimètres. Evelyne Marry tient à dissiper le moindre doute : « On ne prélève pas dans la colonne, mais à 10 centimètres autour. »

Ces sont les cellules souches de la moelle qui sont prélevées. // Source : Don de moelle osseuse via Facebook

Ces sont les cellules souches de la moelle qui sont prélevées.

Source : Don de moelle osseuse via Facebook

On dit de cette méthode de prélèvement qu’elle est réalisée « à l’aveugle » : cela signifie que le personnel soignant ne peut pas trier les cellules souches de moelle osseuse, mais que « leur environnement » est également aspiré. Ce greffon est notamment destiné aux enfants et à certains adultes qui ont besoin d’une greffe de moelle complète.

Le prélèvement des cellules souches seules est la deuxième méthode: on dit que c’est un prélèvement par aphérèse. Il consiste à prélever les cellules à partir du sang du donneur : pour cela, il faut parvenir à faire sortir ces cellules de la moelle. « La moelle osseuse est particulièrement vascularisée : si on fait sortir les cellules souches par ces vaisseaux, on peut les récupérer en périphérie », détaille notre interlocutrice.

La moelle osseuse est très vascularisée

Pour y parvenir, le donneur prend, entre 4 et 5 jours avant l’intervention, un biomédicament — qui utilise des éléments présents dans le corps humain. Celui-ci stimule la production des cellules de moelle osseuse, qui vont passer dans le sang. Lors du prélèvement sanguin, le donneur est connecté « en circuit fermé » avec une machine qui extrait les cellules souches du sang récupéré depuis une veine. Le sang est rendu au donneur dans une autre veine de son corps.

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Le prélèvement dure environ 3 heures. Pendant ce temps, le donneur peut se détendre et lire, par exemple. « Ce n’est pas du tout douloureux », assure Evelyne Marry. Pendant ce temps, la machine récupère les cellules souches dans une poche et constitue le greffon. Dans certains cas, si le greffon n’est pas complet, le donneur doit revenir.

La perspective de devenir un jour donneur de moelle osseuse suscite de nombreuses craintes : parmi elles, on trouve « la peur du prélèvement » et la douleur qui y est associée, énumère Evelyne Marry. Quelle que soit la méthode employée, le donneur va rapidement régénérer de nouvelles cellules de moelle osseuse.

Comment devenir donneur ?

Comment procéder lorsque l’on souhaite devenir donneur ? Il faut vous inscrire sur le registre national, comme les 290 000 personnes qui ont fait cette démarche avant vous. « J’insiste sur le fait que cette inscription est un engagement. Après cette étape, il faut attendre d’être compatible avec un patient. C’est un don différé. Il y a des personnes qui sortent du registre sans avoir jamais donné », nous explique Evelyne Marry.

Pour devenir donneur potentiel de moelle osseuse, il faut avoir entre 18 et 50 ans. Les personnes inscrites peuvent rester dans le registre jusqu’à 60 ans, âge à partir duquel elles ne peuvent plus donner. Par ailleurs, toute personne souhaitant donner doit être en bonne santé. « Les personnes qui prennent des médicaments quotidiennement, comme des antidépresseurs par exemple, ne peuvent pas donner leur moelle osseuse. À l’exception des personnes qui prennent une pilule contraceptive, pour qui le don est possible », complète notre interlocutrice.

Une carte de donneur de moelle osseuse. // Source : Don de moelle osseuse via Facebook

Une carte de donneur de moelle osseuse.

Source : Don de moelle osseuse via Facebook

La dernière étape consiste en un questionnaire médical et une prise de sang (ou un prélèvement salivaire). Vous êtes ensuite intégrés à la liste des personnes prêtes à donner de la moelle osseuse en cas de besoin. « Aujourd’hui, 1,5 pour 1 000 personnes inscrites en France donnent chaque année, résume Evelyne Marry. Plus le nombre d’inscrits augmente, plus les chances de donner augmentent elles aussi. »

Vous serez alors contactés le jour où vous êtes compatible avec une personne en attente d’une greffe. « Il faut que le donneur partage certaines caractéristiques génétiques avec le receveur », nous précise la spécialiste. Cette compatibilité est estimée grâce à un élément : les antigènes des leucocytes humains (abrégés en HLA).

Le don n’a pas lieu « du jour au lendemain »

En France, le don de moelle osseuse est remboursé, anonyme et gratuit. Surtout, il ne se passe pas « du jour au lendemain » une fois que vous avez été prévenus qu’une personne attend une greffe. Le receveur doit recevoir une thérapie, qu’Evelyne Marry qualifie de « lourde » : c’est pourquoi il est important pour le donneur de comprendre que son choix est engageant. « On supprime presque toutes les cellules malades du patient, au niveau le plus bas possible pour ne pas le tuer », explique-t-elle. Une fois greffées, les cellules saines de moelle osseuse détruisent les cellules malades, permettant la guérison du receveur.

Pour le donneur, la date du prélèvement intervient en moyenne au bout de 6 à 8 semaines. Pour le donneur, c’est l’occasion de réaliser un bilan complet pour vérifier qu’il est bien apte à effectuer ce don. S’il subsiste alors le moindre doute que l’intervention puisse nuire à la santé du donneur, elle n’a pas lieu, nous assure la spécialiste.

Le don de moelle osseuse est-il douloureux ? // Source : Don de moelle osseuse via Facebook

Le don de moelle osseuse est-il douloureux ?

Source : Don de moelle osseuse via Facebook

Recherche homme de 35 ans

À l’heure actuelle, les hommes de moins de 35 ans sont les moins représentés chez les inscrits sur le registre. Pourtant, leur présence est importante. Même si la compatibilité entre les donneurs et les receveurs n’est pas évaluée en fonction du sexe, mais en fonction des HLA, il existe une situation particulière qui concerne les femmes.

« Quand on a le choix du donneur, on privilégie d’abord la personne la plus jeune. Si on a encore le choix entre un homme et une femme, on peut préférer le premier. Une femme qui a eu une grossesse (y compris une fausse couche précoce, sans qu’elle s’en aperçoive) a développé des anticorps qui peuvent être gênants pour la greffe. Si on a le choix, on préfère prélever un greffon sur un homme », explique Evelyne Marry. Or, les hommes ne représentent aujourd’hui que 35 % des inscrits pour devenir donneurs.

L’agence de la biomédecine a d’ailleurs choisi d’orienter cette nouvelle semaine de mobilisation au don de moelle osseuse autour de cette thématique : transgresser sa peur de donner, en comparant la réalité de cet acte aux autres prises de risques de notre quotidien.

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