Et si les imprimantes 3D, la robotique ou le biohacking pouvaient révolutionner la gynécologie ? Alors que la santé féminine et ses enjeux sont encore sous-représentés, certaines souhaitent améliorer ce pan de la médecine par le prisme de la tech.

Longtemps délaissée, la gynéco-obstétrique représente désormais un marché où l’innovation est lucrative. De nombreuses entreprises et startup fournissent aux professionnels des outils repensés, plus légers et plus petits — Delmont Imaging, par exemple, commercialise des instruments d’imagerie qui dilatent moins le col de l’utérus en cas d’hystéroscopie (une intervention pour voir à l’intérieur de l’utérus) et fournit une application utilisable sur iPad, Imagyn. Elle permet aux praticiens de prendre des photos de l’examen et d’en faire un rapport complet qui pourra être imprimé ou envoyé à la patiente en PDF, avant d’être sauvegardé sur un cloud.

Mais alors que la technologie de pointe se développe en échographie ou en chirurgie, dans le cabinet des gynécologues, ce sont les mêmes instruments qui trônent depuis un centenaire : des speculums froids et métalliques inconfortables à la pince de Pozzi dont les griffes rappellent un épisode de Saw

Il aura fallu attendre 2017 pour qu’une startup américaine propose des speculums réutilisables en silicone, tout droit sortis de l’esprit de femmes designers et ingénieures. Nommé Yona, ce nouveau speculum se veut moins froid et moins douloureux à l’insertion. Encore au stade de prototype, il lui manque des soutiens financiers dans le monde médical pour passer à la pratique.

Gynécologie pour toutes et tous

Bien loin de cet esprit startup, de nombreuses femmes s’attellent à réinventer la gynécologie par leurs propres moyens. Grâce à l’accessibilité grandissante des outils technologiques, avoir un spéculum imprimé en 3D devient un jeu d’enfant : c’est une des illustrations du Gynepunk, collectif féministe qui mixe biohacking et do-it-yourself.

Issues de la communauté autogérée catalane de Calafou, les Gynepunk ont pour objectif de « décoloniser le corps des femmes » et de rendre la gynécologie accessible à toutes les personnes ayant un vagin ou un utérus. Elles se basent sur des principes de libération du savoir scientifique et fabriquent leur propre matériel d’analyse. Grâce au laboratoire Pechblenda et au hackerspace Hackteria, elles développent des kits gynécologiques d’urgence, des centrifugeuses, des mini-microscopes… Tout leur travail est disponible en open source, pour inspirer d’autres à se réapproprier la médecine .

Ces projets Open Source permettent de développer des instruments à moindre coût comme l’échographe sur smartphone, développé par la startup américaine Butterfly :  2 000 dollars contre un  minimum de 15 000 dollars pour sa version classique. Son équivalent français, issu du laboratoire Echopen, est installé à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris. Une manière d’améliorer la santé des femmes et de prévenir les maladies gynécologiques ? « Il faut diminuer le prix des appareils d’échographie et développer très vite l’IA pour les interprétations. Les hôpitaux n’ont pas les moyens d’envoyer 2 ans en formation d’échographie des volontaires… » analyse Isabelle Giami, sage-femme et membre de l’association Gynécologie Sans Frontière.

La médecine version Black Mirror ?

Des applications de suivi du cycle menstruel jusqu’aux autotests de maladies sexuellement transmissibles en passant par les tampons connectés pour prévenir les maladies, toute innovation technologique dans le domaine gynécologique est-elle bonne à prendre ?

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Pour Isabelle Giami, ces nouvelles technologies médicales possèdent un grand pouvoir… de par leurs données : « Nous devons nous soucier grandement de la problématique de la confidentialité des données médicales et sociales. On sait maintenant avec le développement de l’informatisation que presque tout peut se hacker. » La question des données médicales et de leur utilisation a déjà fait polémique aux Etats-Unis : l’application de suivi de grossesse Ovia avait ainsi revendu les données de ses patientes, notamment à des recruteurs, tandis que des failles de sécurité ont été détectées dans plusieurs applications de « santé féminine » comme l’a rapporté Le Monde en 2017.

En janvier dernier, l’Institut de Recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes (IRSAF) a dénoncé la « technologie » SIM37, qui viserait à prévenir les césariennes inutiles en « simulant » un accouchement à la 37ème semaine de grossesse, pour la modique somme de 900 euros. Également dénoncée par le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) pour son manque de fondements scientifiques, le créateur de la SIM37 a porté plainte contre l’IRSAF pour diffamation.

La tech à l’épreuve du quotidien des femmes

Ces technologies risquent surtout de creuser un fossé entre les patientes pouvant s’offrir ces innovations et les autres, d’autant plus qu’il reste beaucoup à faire : « Les femmes en situation de précarité ont besoin de moyens contraceptifs ou abortifs à faible coût. Il faut développer des moyens de dépistage, des échographies ainsi que des examens de laboratoire à bas coût facile d’accès », explique Isabelle Giami.

Comme dans d’autres domaines, la technologie seule n’apportera pas le salut de la gynécologie et de ses problématiques. Parmi les solutions pour une meilleure prise en compte des patientes, de nombreuses associations insistent sur la formation des praticiens et le changement des mentalités : car à l’heure actuelle, les pieds dans l’étrier, on est davantage face à des humains… qu’à des machines.

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