Les vers de terre se sont frayés un chemin dans la forêt boréale canadienne. L’arrivée de ces animaux pose un véritable dilemme aux scientifiques spécialistes du climat. Les vers de terre risquent de transformer cet écosystème en encourageant la production de carbone. Le New York Times a résumé les recherches menées sur ce sujet dans un article le 20 mai 2019.
La forêt boréale, aussi connue sous le nom de taïga, s’étend au nord des continents américain et asiatique. Cette « ceinture forestière » est principalement constituée de conifères. Les vers de terre ne sont pas présents naturellement dans la forêt boréale canadienne : il ont disparu il y a plus de 10 000 ans de l’Amérique du nord, avec les cycles glaciaires du Pléistocène. Avec l’arrivée des colons au 17e siècle, les vers de terre ont été réintroduits dans la région.
Quel est ce « dilemme des vers de terre » ?
Leur retour n’est pas sans conséquence. Certes, les vers sont connus pour leur contribution à l’aération des sols et les nutriments qu’ils rejettent. En 2013, une étude publiée dans la revue Nature Climate Change a mis en évidence un autre phénomène plus inquiétant sur le plan environnemental : les vers de terre risquent de faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre. En évoluant dans le sol, ils contribuent à la libération du dioxyde de carbone qui s’y trouve (provoquant une hausse de ces émissions à hauteur de 33 %).
La crainte est donc que ces animaux contribuent à changer l’écosystème de la forêt boréale canadienne. Cette dernière joue un rôle essentiel de « puits de carbone » en retenant cette substance prisonnière dans ses sols. Avec la prolifération des vers de terre, le risque que la forêt se transforme en productrice de carbone existe. Ce changement est encore difficile à estimer pour les scientifiques : faire la part des choses, entre les bénéfices et les inconvénients apportés par les vers de terre, est complexe. L’étude publiée dans Nature Climate Change avait même parlé du « dilemme des vers de terre » pour qualifier cette situation.
Le carbone finirait dans l’atmosphère
Deux ans plus tard, en 2015, une autre étude a tenté de quantifier les effets provoqués par les vers de terre sur la forêt boréale. En présence des vers de terre, le modèle informatique montrait que la quantité de carbone stockée dans le sol de la forêt était réduite de 49 à 94 % en 125 ans. Dans cette simulation, ce carbone finissait sa course dans l’atmosphère — où le CO2 atteint déjà des records inquiétants.
Pour l’instant, la forêt boréale absorbe bien plus de carbone qu’elle n’en produit, rappelle le New York Times. Les prédictions des scientifiques laissent cependant craindre que les petits vers de terre contribuent, une fois très nombreux, à faire augmenter significativement la concentration des gaz à effets de serre.
Faudrait-il pour autant songer à éradiquer ces animaux ? Difficile de répondre à cette question, tant sur un aspect éthique que pragmatique : il reste si peu de temps pour espérer encore protéger la biodiversité qu’envisager de supprimer des animaux ne semble pas être la meilleure idée qui soit.
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