La décision de l’Organisation mondiale de la santé d’ajouter un « trouble du jeu vidéo » dans la liste actualisée des pathologies passe mal au sein de l’industrie vidéoludique. Dès le 25 mai, date à laquelle les États membres de l’OMS ont validé la révision de la classification internationale des maladies, l’Association du logiciel de divertissement (ESA) était montée au créneau.
Le puissant lobby invitait alors l’institution onusienne à « reconsidérer sa décision » en arguant que le trouble en cause « n’est pas fondé sur des preuves suffisamment solides » pour qu’il soit inclus « dans l’un des outils normatifs les plus importants de l’OMS ». L’ESA ajoutait que les directives de l’OMS « doivent être fondées sur des examens réguliers, inclusifs et transparents soutenus par des experts indépendants ».
L’industrie européenne s’en mêle
C’est désormais au tour du Syndicat Des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL), aux côtés du lobby européen ISFE (Interactive Software Federation of Europe), de donner de la voix. Sans surprise, les arguments et les demandes ne changent pas : il n’y a pas de consensus scientifique assez fort, il faut retirer cette entrée de la classification et l’industrie se préoccupe déjà du bien-être de sa clientèle.
« Une fois ajoutées à la liste, ces notions peuvent y rester, à tort, pendant des années », s’alarme Simon Little, le PDG de l’ISFE. La classification internationale des maladies n’est pas révisée régulièrement : avant la mise à jour présentée l’an passée et approuvée cette année, les deux précédentes datent de 1975 et 2006. C’est à ces occasions que des entrées qui ne sont plus pertinentes peuvent être retirées.
Étude à l’appui
Pour soutenir ses positions, l’industrie du jeu vidéo cite un rapport de l’UNICEF de 2017 sur les enfants et une étude intitulée « Une base scientifique faible pour le trouble du jeu : Errons du côté de la prudence », dans laquelle les universitaires, tout en reconnaissant « qu’il y a des gens dont le jeu vidéo est lié à des problèmes de vie », se veulent prudents à l’idée de formaliser sur un plan médical un tel trouble.
« Le passage de la théorie de la recherche au désordre formel exige une base de données probantes beaucoup plus solide que celle dont nous disposons actuellement. La charge de la preuve et l’utilité clinique devraient être extrêmement élevées, car il existe un risque réel d’abus des diagnostics », avancent les (nombreux) auteurs du papier, après avoir plaidé pour la poursuite des recherches.
« Nous comprenons les arguments en faveur d’un trouble clinique, mais nous maintenons que l’utilité clinique du diagnostic proposé n’est toujours pas claire et que les données probantes ne sont pas encore suffisantes », poursuivent-ils en conclusion. Selon eux, une dérive est à craindre en formalisant ce désordre : cela « ne peut que développer les problèmes de faux positifs en psychiatrie » et « aura probablement un coût psychologique et sociétal, susceptible de nuire au bien-être de nos enfants ».
Pour les universitaires, il est donc urgent d’attendre.
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